Apprentissage du code : Interview de la députée Laure de la Raudière

« Il faut être plus radical dans le changement »
Droit 6 min
Apprentissage du code : Interview de la députée Laure de la Raudière
Crédits : Monkey Business Images/Thinkstock

Alors que le ministre de l’Éducation nationale a fait la semaine dernière un pas en faveur d’un apprentissage du code informatique à l’école, Next INpact a souhaité revenir avec la députée Laure de la Raudière (UMP) sur cette piste prônée par l’élue, notamment au travers d’une récente proposition de loi. 

Il y a un peu moins de deux mois, les députées Corinne Ehrel et Laure de la Raudière ont présenté devant l’Assemblée nationale un volumineux rapport consacré au développement de l’économie numérique en France, intitulé « Agir pour une France numérique : de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace... ». Les parlementaires préconisaient entre autre de renforcer l’enseignement de l’informatique à l'école, en éveillant par exemple obligatoirement les enfants au code dès le primaire - à l’image de ce qui existe actuellement pour la musique ou les langues étrangères.

Laure de la Raudière a ensuite tenté de transformer l’essai sur ce sujet en déposant une proposition de loi visant à rendre obligatoire l’apprentissage du codage informatique dès l’école primaire (voir notre article). Mercredi dernier, lors d’une audition à l’Assemblée, le ministre de l’Éducation nationale s’est montré sensible à la question, laissant entendre que des initiations au code pourraient être proposées dans certaines écoles primaires sur le temps périscolaire.

 

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D’une manière générale, est-ce que la réponse du gouvernement est à la hauteur de « l’audace » à laquelle vous appelez dans votre rapport ?

Je ne peux pas vous dire oui... Il faut aller beaucoup, beaucoup plus vite ! Beaucoup plus vite en matière de formation pour tous, beaucoup plus vite sur le plan très haut débit, et beaucoup plus vite sur la création d'un écosystème favorable à l'économie numérique.

Quel regard avez-vous porté sur la position de Benoît Hamon concernant l’éveil au code à l’école ?

La position du ministre, c'est de recentrer l'école primaire sur les acquis fondamentaux : apprendre à écrire, lire et compter. Sauf qu’il n'y met pas directement le code. Moi je pense qu'il faut qu'on ait absolument un éveil à la logique de programmation en primaire. Ça peut rentrer dans la partie « compter », parce que dans les acquis fondamentaux en maths, il pourrait y avoir un petit bout de la logique de programmation. 

Autrement dit, vous regrettez que le ministre de l’Éducation n'aille pas plus loin ?

Oui, mais je comprends aussi que ce soit difficile. Ce que je suggère, pour avancer dans un esprit de pragmatisme, c'est qu'on inscrive les cours d'éveil à la programmation en primaire dans les temps périscolaires. Avec la réforme des rythmes scolaires, on a trois heures par semaine qui peuvent être consacrées à des activités autres que les activités scolaires. Parmi ces activités, mettons-y l'éveil à la programmation !

C'est un peu ce qu'à laissé entendre Benoît Hamon...

Oui, je l'avais vu une semaine avant l'audition. Je lui ai dit qu’il fallait au moins qu’il porte cette idée !

Et il vous a paru disposé à avancer en ce sens ?

Oui, il est favorable à ça ! Il a prévu de rédiger des lignes directrices qui seront publiées par le ministère de l'Éducation nationale. Je pense que c’est une bonne opportunité, une façon souple de mettre en œuvre cette proposition.

Ces initiations pourraient donc commencer dès la rentrée prochaine ?

Il y a des écoles qui commencent dès la rentrée 2014, en septembre. Dans le regroupement scolaire de mon village [Saint Denis des Puits, dans l’Eure et Loir, ndlr], on ne sera pas prêt à la rentrée prochaine, mais j'espère pouvoir mettre ça en place à partir de janvier 2015. Et puis vous savez, si ça marche à un endroit, ça va faire tache d'huile. On va en parler dans les écoles autour, ça peut se diffuser très rapidement.

 

raudière lemaire

Du coup, votre proposition de loi tombe un peu en désuétude ?

Je ne suis pas sûre qu'elle soit en désuétude parce qu'au prochain texte sur l'école, je pourrais la réutiliser. Et puis quand on est député de l'opposition et qu'on dépose une proposition de loi sur le bureau de l'Assemblée nationale, c'est avant tout pour défendre une position. Maintenant, si elle n'est pas adoptée, ce n'est pas grave tant qu’on arrive à mettre en oeuvre l'objectif de la loi. L'important, c'est d'arriver au résultat escompté.

Avez-vous réussi à obtenir un créneau parlementaire pour que ce texte soit débattu ?

Non.

Pensez-vous pouvoir en trouver un prochainement ?

Vous savez, les propositions de loi des députés s'examinent dans les niches parlementaires, et après, c'est le groupe UMP qui décide s'il s'agit d'une proposition de loi prioritaire qu'il a envie d'inscrire à l'ordre du jour. Très honnêtement, je n'en ai pas encore discuté avec le groupe UMP.

 

En revanche, si la mise en oeuvre avance dans le cadre des activités périscolaires, je pourrais le demander l'année prochaine, parce que j'aurai des éléments concrets à présenter, en disant que c'est intéressant, que ça correspond à un besoin de savoir des enfants, etc.

Le Conseil supérieur des programmes a récemment proposé d’intégrer davantage les notions de code et de langage informatique au sein du socle commun de connaissances qui devrait entrer en vigueur à la rentrée 2016. N’est-ce pas bon signe ?

Si, ça va dans le bon sens. Mais je pense qu'il faut aller plus loin. Il faut être plus radical dans le changement, parce que la révolution numérique est un changement extrêmement profond de notre société. De plus, on ne sait pas ce qu'il va y avoir concrètement comme formation derrière la proposition du CSP. Et objectivement, tel que c'est rédigé, ça peut être une formation a minima au fonctionnement du code informatique.

 

Pour moi, il faut transformer tout le cours de techno en cours de développement Web, d'usages du numérique et d'éveil à la programmation. En général, les jeunes ne sont pas passionnés par le contenu des cours de techno. Les choses qui sont vues aujourd’hui sont moins importantes à mon avis que la programmation, le développement du numérique, etc. Il me paraît donc essentiel qu’en fin de troisième, chaque collégien sache construire son propre site Internet et gérer son identité numérique. Après la troisième, les élèves s'orientent vers différentes filières... Et quel que soit le domaine d'activité vers lequel ils vont s'orienter, ils auront besoin de ces compétences-là.

Que répondez-vous à ceux qui disent que votre proposition d’éveil au code dès le primaire ne fait que reprendre des demandes d’intérêts privés, sous-entendu des industriels de l’informatique ?

Je ne comprends pas ça... Je n'arrive pas à comprendre ! Quand on éveille des enfants au code, ça ne veut pas dire qu’ils seront tous développeurs plus tard. En revanche, c'est clair qu'il faudra plus de développeurs qu'aujourd'hui. Je trouve que c'est un raccourci intellectuel bizarre...

 

Merci Laure de la Raudière. 

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