Le projet de loi sur la lutte contre le terrorisme sera présenté demain en Conseil des ministres, comme nous l’indiquions la semaine dernière. Cependant, le Monde nous apprend que le gouvernement veut profiter de l’occasion pour muscler la répression en matière de piratage informatique, ou dans le jargon, l’atteinte aux systèmes de traitements automatisés de données (STAD).

Le projet de loi Cazeneuve va installer en France un nouveau cas de blocage administratif visant cette fois les sites terroristes. Le ministre de l’Intérieur veut d’ailleurs profiter du futur décret d’application pour activer le blocage des sites pédopornographiques qui est en souffrance depuis 2011. Comme les intermédiaires techniques, le PS s’était toujours opposé à ces mesures sous le règne de Nicolas Sarkozy estimant que seul le juge pouvait décider du blocage d’accès. Il s'agit donc d'un joli retournement politique...
Ce texte va également aggraver la responsabilité de ces intermédiaires empêcher l’accès aux contenus manifestement illicites dans le secteur du terrorisme, contenus qui pourront être signalés par les internautes et dénoncés automatiquement à la police. Mais ce n’est pas tout.
Le piratage informatique, une infraction complexe
Selon le Monde, un des articles du projet de loi contre le terrorisme va accentuer la répression des accès frauduleux aux systèmes de données automatisées. Pour ces cas de piratage informatique, l’Intérieur voudrait que ces faits puissent être plus lourdement réprimés lorsqu’ils sont orchestrés en bande organisée.
L’idée d’instituer un tel tour de vis a notamment été soufflée par le récent rapport sur la cybercriminalité, du magistrat Marc Robert. Il s’agit de la recommandation 49, à la page p.244 de son rapport :
« Autoriser le recours aux moyens de procédure exceptionnels relevant de la lutte contre la délinquance organisée s’agissant des atteintes aux systèmes de traitements automatisés de données, aux motifs que de telles atteintes peuvent revêtir un degré de gravité particulièrement important dans certaines circonstances et que, par nature, la complexité des enquêtes à mener en ce domaine nécessite de pouvoir disposer de l’ensemble des moyens d’investigation existants »
Celui-ci y voit plusieurs avantages puisque le Code de procédure pénale autorise alors des moyens « procéduraux exceptionnels » telles les interceptions et les gardes à vue prolongées. Pour le procureur, cette disposition devrait d’ailleurs passer le cap du Conseil constitutionnel. Celui-ci a en effet déjà accepté une telle aggravation pour certains délits financiers eu égard à « la difficulté d’appréhender les auteurs de ces infractions (tenant) à des éléments d’extranéité ou à l’existence d’un groupement ou d’un réseau dont l’identification, la connaissance et le démantèlement posent des problèmes complexes. »
À infraction exceptionnelle, moyens exceptionnels
« Constitue une bande organisée, prévient l’article 132-71 du Code pénal, tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’une ou plusieurs infractions ». Le critère de la « bande organisée » n’est pas une infraction spécifique, mais une aggravation réservée qu’à un nombre limité de faits. Proxénétisme, trafic de stupéfiants, traite des êtres humains, évasion, trafic d’armes, meurtre, tortures et actes de barbarie, etc. (voir la liste sur cette page). Cette circonstance aggravante va alors permettre la mise en œuvre de moyens nettement plus musclés. Il s’agira notamment des écoutes téléphoniques et interceptions d’emails), de l’infiltration où un officier de police va surveiller des personnes en se faisant passer pour un complice, ou encore des perquisitions de nuit.