La semaine dernière, Orange annonçait officiellement que « les conditions que le Groupe avait fixées ne sont pas réunies aujourd’hui » afin de racheter Bouygues Telecom. Samedi, lors d'un entretien accordé à Reuters, le patron de l'opérateur a toutefois laissé entrouverte la porte en déclarant que son groupe pourrait étudier le dossier, mais uniquement à condition d'y être invité. Un pas en avant de la filiale du groupe Bouygues sera donc indispensable pour relancer le processus.
Les fréquences 4G de Bouygues Telecom sont très désirées mais ne sont pas gratuites
I'm a poor lonesome operator
Le marché mobile en France restera-t-il à quatre opérateurs ou reviendra-t-il à trois acteurs ? La réponse à cette question est principalement entre les mains de Bouygues. Officiellement, le groupe souhaite garder sa filiale télécom. Néanmoins, sa politique agressive de prix dans l'ADSL et la fibre optique ressemble bien à une façon de recruter massivement des clients pour forcer la concurrence à réagir. Une offre importante déposée sur le bureau de Martin Bouygues a de plus peu de chances d'être refusée.
Seul opérateur local à avoir les reins financiers suffisants pour croquer le créateur de la Bbox, Orange a toutefois baissé les bras officiellement la semaine dernière. « Orange a exploré les possibilités de participer à une opération de consolidation du marché français des télécoms, et juge que les conditions que le Groupe avait fixées ne sont pas réunies aujourd’hui pour y donner suite » indiquait ainsi l'opérateur il y a quelques jours.
Dès lors que seul Free pourrait permettre un retour à trois opérateurs mais que ses capacités financières sont probablement trop faibles pour racheter Bouygues à 6 voire 8 milliards d'euros (à moins de s'endetter massivement), tout indique donc que le marché restera à quatre opérateurs. Stéphane Richard, interrogé par l'agence de presse Reuters samedi, a cependant laissé la porte très légèrement entrouverte. « Est-ce qu'on peut revenir dans le jeu ? Oui, bien sûr, mais pas comme architecte, pas comme arrangeur » a-t-il ainsi affirmé.
« On n'a pas trouvé une solution qui permette de "matcher" » Orange et Free
Suite à ces propos assez nébuleux, le PDG a précisé sa pensée : « D'un point de vue concurrentiel, nous ne prendrons pas le risque de repartir sur ce dossier. Mais si quelqu'un d'autre décide de le faire et nous sollicite (...) pour, peut-être, permettre d'élaborer une offre qui peut satisfaire Bouygues, bien sûr qu'on regardera. » La logique est donc la suivante : Orange ne rachètera Bouygues Telecom qu'en cas d'alliance avec un autre opérateur.
Le message envoyé à Free ou à un opérateur étranger est donc clair. Seule la combinaison de plusieurs entreprises permettra de satisfaire financièrement Bouygues. Seuls, les opérateurs actuels n'ont semble-t-il pas la caisse suffisante pour le croquer. Concernant Free, Stéphane Richard a d'ailleurs précisé que si des discussions ont bien évidemment eu lieu avec le quatrième opérateur, le débat a néanmoins coincé sur certains points. « On n'a pas trouvé une solution qui permette de "matcher" les deux. » La question des fréquences, très désirées par Free, a été l'un des points de divergences, tout comme la somme mise sur la table par le trublion, jugée trop faible par l'opérateur historique.
Orange encanta España
Enfin, si pour le moment, Orange ne dépensera pas un denier pour Bouygues, il compte tout de même investir à l'international pour accroître sa croissance. Le géant, qui compte près de 240 millions de clients dans le monde au 31 mars 2014, a ainsi indiqué que plusieurs pays européens étaient dans son viseur, et en particulier l'un d'entre eux : « s'il ne fallait en mentionner qu'un seul comme un peu une priorité pour nous, ce serait l'Espagne ».
Cette volonté d'investir dans certains pays européens, après avoir retiré ses billes de plusieurs pays ces dernières années, est probablement la conséquence de la dernière décision de la Commission européenne d'autoriser le rachat d'E-Plus en Allemagne, ramenant ainsi le marché d'outre-Rhin à trois opérateurs mobiles. Un feu vert qui pourrait pousser d'autres fusions et acquisitions sur le continent. Et pour Orange, l'Espagne est un pays stratégique. Troisième opérateur du pays et donc en situation de challenger, Orange y affiche une forte croissance ces derniers trimestres, au point de rattraper petit à petit la concurrence, qui stagne voire régresse. Et après le rachat de Simyo Espagne en 2012, voilà que des rumeurs poussent depuis plusieurs mois déjà Orange à croquer Jazztel, une compagnie locale fondée en 1998 et proposant des offres triple-play. Une telle acquisition pourrait dépasser les 3 milliards d'euros.