La start-up espagnole Gowex, spécialisée dans la fourniture d'accès Wi-Fi gratuit dans les villes et présente dans de nombreux pays dans le monde (dont la France), traverse aujourd'hui une crise sans précédent : son PDG a confessé avoir truqué les comptes de son entreprise, son action s'est effondrée la semaine dernière, sa cotation a été suspendue jeudi matin et sa mise en faillite a été officiellement demandée.
Une très belle histoire basée sur du vent
L'histoire de la start-up espagnole Gowex commence comme un conte de fées. Proposant aux villes de fournir gratuitement à leurs habitants un accès Wi-Fi, la société a connu ces trois dernières années une croissance impressionnante et s'est très rapidement internationalisée. Présente évidemment en Espagne, Gowex a envahi l'Amérique latine (Argentine, Chili, Costa Rica, etc.), puis l'Europe (dont la France), l'Asie (Dubai, Chine, etc.) et enfin l'an passé, la compagnie a posé ses valises aux États-Unis, notamment à New York et Miami. En 2011, Jenaro García Martín, le patron et fondateur de Gowex, a même reçu le Prix à l’Innovation lors d'une cérémonie organisée par Ernst & Young.
La confiance de Gowex est telle qu'elle continuait encore il y a quelques jours à recruter, à étendre ses tentacules en France (à Carrières-sous-Poissy et Enghien-les-Bains par exemple) et la start-up a même reçu le 1er juillet dernier la maire de Madrid et plusieurs personnalités politiques. Le conte de fées a toutefois pris fin le jour même. Le 1er juillet, la compagnie Gotham City Research, qui n'est pas spécialisée dans l'univers de Batman mais en investissement, publiait une étude à charge contre Gowex. Sa conclusion ? La société espagnole ne vaut strictement rien, 90 % de son chiffre d'affaires est fictif et son chiffre d'affaires réel est inférieur à 10 millions d'euros.
Gowex is the first multi-billion $ market value company, since Sino-Forest, that we believe is a near-complete fraud.
— Gotham City Research (@GothamResearch) 2 Juillet 2014
Suite à cette publication, dès le lendemain, Gowex a publié un communiqué très clair niant toutes ces informations. La société a ainsi déclaré avoir réalisé un chiffre d'affaires de 182,6 millions d'euros en 2013, dont 157,2 millions uniquement avec ses activités liées au Wi-Fi. Ses fonds propres seraient de 94,4 millions d'euros et preuve que Gowex est en grande forme, elle envisage d'investir 260 millions d'euros entre 2014 et 2018. « À des fins de transparence, la société a lancé un appel d’offres auprès de plusieurs cabinets d’audit prestigieux afin de retenir l’un d’entre eux dans les semaines à venir » a même rajouté la start-up madrilène afin de rassurer ses investisseurs.
Le mal avait toutefois déjà été fait en bourse. Dès le 1er juillet, suite à la diffusion de l'analyse de Gotham City Research, l'action de Gowex est passée de 20 euros à un peu plus de 10 euros en quelques heures à peine. Le lendemain, l'action continua de chuter pour tomber à 7,92 euros. L'action est désormais suspendue afin de limiter les dégâts, en attendant d'en apprendre plus sur les comptes véritables de la société.
Une confession et une démission
Sûre de sa force, le jeudi 3 juillet, Gowex précisa qu'elle comptait publier ce lundi 7 juillet un rapport complet afin de réfuter les « allégations sans fondement » de Gotham City Research. La pression a néanmoins, semble-t-il, été trop forte. Hier, Jenaro García Martín a en effet cédé. Suite à une réunion extraordinaire samedi du conseil d'administration, la compagnie a en effet avoué que les comptes des quatre dernières années « ne reflètent pas la situation réelle » de la société et que son PDG en était le principal responsable. Sa démission a d'ailleurs été acceptée par le conseil d'administration, qui précise que Gowex « n'est pas en mesure de s'acquitter de ses dettes » et a ainsi présenté officiellement une demande de mise en faillite.
Hier, sur son compte Twitter, le patron a commencé par s'excuser auprès de tout le monde. « J'ai fait ma confession volontairement, je suis prêt à en assumer les conséquences et à collaborer avec la justice » a-t-il notamment indiqué. Et les conséquences sur ses contrats dans le monde entier commencent déjà à se matérialiser. À Madrid, le contrat avec Gowex pour procurer du Wi-Fi dans le métro a été gelé selon ABC.es. Contactée par Next INpact, la RATP, qui avait signé un accord avec Gowex en 2012 pour couvrir certaines stations, ne semblait pas encore aux faits de cette actualité au moment de notre appel. Nous mettrons à jour cet article lors de la réception de sa réponse. Notez que la société est aussi présente à Bordeaux, Marseille, Nice, Perpignan et plusieurs autres villes françaises.
Le futur de la start-up s'annonce désormais sombre. D'après El Pais, les employés se sont dits sous le choc de la nouvelle et craignent à raison les nombreuses conséquences sur la clientèle actuelle et sur les projets à venir. Le quotidien espagnol, qui a la dent particulièrement dure envers le fondateur de Gowex, rappelle d'ailleurs qu'une association d'investisseurs a déposé une plainte auprès du ministère public espagnol contre la société du fait de la falsification de ses comptes.
Globalement, ce sont tous les créanciers de la société madrilène qui s'intéresseront de près au sujet. Ce même El Pais nous apprend de plus que Carlos Pujol, directeur général pour l'Amérique du Nord chez Gowex, a lui aussi remis sa démission aujourd'hui même. Contacté, le standard de Gowex France nous a automatiquement redirigés vers le numéro espagnol à Madrid. Alors que la société était promise à un grand avenir, voilà que son futur parait désormais bien sombre.
Notez que pour l'Espagne, l'affaire Gowex n'est pas une nouveauté. L'an passé, la société Pescanova était pointée du doigt pour des raisons similaires. Elle affichait ainsi une dette de plus de 3 milliards d'euros et un trou de près d'un milliard d'euros dans ses actifs. La faute à des comptes falsifiés à grande échelle.