Exclusif Next INpact : Un bras de fer avec Copie France s’est soldé par un premier échec d’Acer devant le TGI de paris, statuant en référé. Le 27 juin 2014, la juridiction a finalement demandé à ce que le fabricant verse une provision de 2 millions d’euros de copie privée aux ayants droit, en attendant l’examen au fond de ce dossier.
Acer, qui vend des téléphones mobiles multimédias, des cartes mémoire vendues avec ses téléphones multimédia et des tablettes tactiles, doit normalement payer la copie privée à Copie France, l’organisme collecteur des ayants droit.
Fin 2012, depuis la publication des nouveaux barèmes de la copie privée (décision 15), le constructeur n'a payé qu'une partie des sommes dues sur ses supports, 1,5 million d’euros alors que Copie France lui demande vainement de compléter avec une majoration de 3,4 millions d’euros selon les derniers chiffres actualisés.
Cependant, si Acer a coupé les flux de paiement, c’est parce que l’entreprise conteste le barème de la décision 15, lequel fut adopté sans les industriels. Et pour cause, ceux-ci avaient claqué la porte de cette instance chargée de déterminer les taux et où les ayants droit sont en situation prépondérante. La magistrate a considéré qu’il n’y avait pas là de contestation sérieuse, le critère phare qui permet de remporter une victoire en référé. La commission copie privée, malgré l’absence des industriels, s’est en effet prononcée en respectant les règles du quorum (19 membres sur 24 étant présents) pour adopter les barèmes litigieux.
Une question préjudicielle refusée
Acer a exploré d’autres fronts pour éviter d’avoir à payer, notamment sur la conformité du mécanisme français qui impose aux professionnels de payer la copie privée pour ensuite espérer se faire rembourser. Cependant, le TGI de Paris va tout autant rejeter en masse l’argument. Après examen de la situation française, « il ne peut donc se déduire (…) que le mécanisme de pré-paiement et de remboursement prévu par le législateur français est contraire aux principes communautaires » a balayé la magistrate. Cerise sur le gâteau, celle-ci a de plus refusé « d’envisager une question préjudicielle qui supposerait un sursis à statuer. »
Le périmètre de la copie privée : quid des copies de sauvegardes ?
Finalement, un seul argument fera mouche au ceinturon d’Acer : il y aurait des bugs dans l’établissement des derniers barèmes, notamment sur la question des copies subséquentes (un fichier acheté sur Internet, copié sur disque dur, puis recopié sur d’autres supports, etc. doit-il être moins indemnisé puisque le préjudice des ayants droit est d’autant plus réduit ?).
Le fabricant considère que la Commission copie privée a une conception un peu trop gourmande de la notion de « copie ». Faute d’exclusion expresse dans les études d’usages qui servent à déterminer les taux de la redevance, elle range dans ce tiroir toutes les copies, outre les copies subséquentes, les copies de sauvegarde ou celles issues de pratique de migration et de synchronisation.
Cette remarque pose la question du périmètre de la copie privée et de son indemnisation. En faisant déborder ses frontières à d’autres duplications, la Commission copie privée maximise les entrées du côté des ayants droit. La contestation ici a été jugée comme « sérieuse » par le TGI de Paris : « l’existence d’une compensation équitable n’apparaît justifiée qu’autant qu’il est porté atteinte à l’exploitation normale de l’oeuvre ou qu’il est causé un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur ou des autres ayants droit ».
Si cette contestation est musclée, elle ne l’est pas assez pour assoir la victoire d’Acer. L’entreprise a été condamnée finalement à verser aux ayants droit une provision de 2 millions d’euros en attendant que l’examen au fond de son dossier ne soit tranché. Acer suit ici le sort d'Apple, qui a dû pour sa part séquestrer 18 millions d'euros au regard de la copie privée sur les tablettes.