Le ministre de l'intérieur l'a dit sur son compte Twitter : il présentera dans quelques jours son projet de loi renforçant la répression et la prévention du terrorisme. On notera par ailleurs que le Conseil national du numérique vient d'être saisi officiellement sur ce dispositif. Quel sera son avis ? Simple. Sur un autre texte, celui-ci a déjà conseillé au gouvernement « de ne jamais déroger au principe du recours à une autorité judiciaire préalable avant l’instauration d’un dispositif de surveillance, de filtrage ou de blocage de contenus sur Internet ». Une recommandation ignorée par le gouvernement dans son actuel projet de loi.
Le gouvernement français a notifié à Bruxelles un nouveau texte de blocage administratif. Cette procédure est nécessaire dès lors qu’un texte touche de trop près à la « société de l’information ». Cependant, selon l'Asic, l'association des acteurs du web, un tel mécanisme ne serait pas conforme à la Constitution.

Manuel Valls prépare un nouveau dispositif de blocage administratif des sites Internet. Dans un texte notifié à Bruxelles, la mesure préparée en France vient modifier un article de la loi pour la confiance dans l’économie numérique. Avec elle, une « autorité administrative » viendra ordonner le blocage sans délai des sites « provocants aux actes de terrorisme ou en faisant l’apologie, à l’instar de ce que le législateur a déjà prévu pour les sites pédopornographiques ».
Le système est par ailleurs couplé à une autre obligation attendue des intermédiaires techniques, qui seront astreints à accueillir les signalements effectués par les internautes contre ces sites, pour les transmettre ensuite à la plateforme Pharos (gérée par la police). Enfin, ces intermédiaires devront purger d’eux même ceux des contenus manifestement illicites, là encore le plus rapidement possible.
Augmenter la responsabilité des intermédiaires techniques
À ce jour, la LCEN ne met cette vigilance à la charge des intermédiaires que pour une série d’infraction les plus graves dans l’échelle sociale : pornographie enfantine, apologie des crimes de guerre et crimes contre l’humanité, incitation à la haine raciale et atteinte à la dignité de la personne. Le PS veut donc ajouter à cette liste les sites provoquant au terrorisme ou ceux qui en font l’apologie. Ce n’est pas tout puisque le projet de loi du même gouvernement sur l’égalité entre les femmes et les hommes propose d’y adjoindre encore l’incitation à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap.
Face à ces mesures, l’Association des services Internet communautaires (ASIC), qui rassemble la plupart des acteurs du web dont Google, dénonce une « mesure hautement attentatoire aux libertés », puisqu’aucun juge n’interviendra préalablement pour raboter des demandes de blocage trop gourmandes. Les acteurs du web réclament ainsi un « moratoire » avant d’enclencher ce projet de loi qui doit être présenté en conseil des ministres le 25 juillet prochain.
Seule mesure efficace : le retrait chez les hébergeurs
Si les acteurs du web ne minorent pas la nécessité de lutte contre ces infractions, l’Asic estime que « le retrait des contenus auprès des hébergeurs demeure la seule solution réellement efficace » puisque « les dispositifs de blocage par l’accès sont contournables ». Elle ajoute que ce mécanisme ne doit pas laisser le champ libre à des mesures d’inspection profonde (DPI, pour Deep packet inspection) dans les tuyaux des opérateurs.
Surtout, au-delà de ces considérations pratiques, la mesure va à l’encontre de ce que posait le Conseil constitutionnel dans sa décision du 10 mars 2011. Lors de l’examen de la « LOPPSI 2 » sur le blocage des sites pédopornographiques (article 4), il avait validé ces dispositions parce qu’elles « ne confèrent à l’autorité administrative que le pouvoir de restreindre, pour la protection des utilisateurs d’internet, l’accès à des services de communication au public en ligne lorsque et dans la mesure où ils diffusent des images de pornographie infantile ».
En clair, il admettait une exception à l’intervention du gardien des libertés publiques - le juge judiciaire - compte tenu de l’urgence de la lutte contre la pédopornographie. Dans le même sens, il n'est pas certain du tout qu'il admette une extension du blocage administratif aux sites terroristes, d'autant que l'actuel gouvernement n'a jamais publié les décrets d'application permettant de rendre effective l'article 4 de la LOPPSI. Pas sûr du coup que l'argument de l'urgence pèse dans sa balance.