Oculus VR vient de répondre de manière officielle aux accusations de ZeniMax concernant la paternité de l'Oculus Rift. La start-up fraichement croquée par Facebook nie en bloc l'ensemble des accusations portées par l'éditeur et considère que le NDA signé n'a aucune valeur juridique.
Un procès aux enjeux énormes
Cela fait plusieurs mois qu'Oculus VR et ZeniMax se livrent une bataille sans merci autour de la paternité de l'Oculus VR. La maison mère d'id Software affirme que de nombreuses propriétés intellectuelles lui appartenant ont été intégrées dans l'Oculus Rift, aussi bien sur le plan logiciel que matériel. ZeniMax aurait d'ailleurs dépensé « plusieurs dizaines de millions de dollars » dans le projet, sans obtenir le moindre retour. Une situation inacceptable aux yeux de l'éditeur.
Mais surtout, Oculus VR aurait récupéré toutes ces informations sous le couvert d'un accord de non-divulgation censé protéger tout cela. Or, l'entreprise affirme aujourd'hui dans sa réponse à ZeniMax que ce contrat n'est pas valable et qu'il n'a aucune valeur légale, et que ZeniMax essaye seulement de récupérer de l'argent rapidement. Autant dire que le bras de fer entre les deux sociétés risque d'être plutôt musclé.
Palmer Luckey travaille sur l'Oculus Rift depuis 2010
Selon un document émanant de chez Oculus VR et publié par Polygon, le premier angle de défense de la société consiste à expliquer que même si ZeniMax a débuté ses travaux sur la réalité virtuelle en 2011, Palmer Luckey, le fondateur d'Oculus VR disposait déjà d'un prototype fonctionnel depuis l'été 2010. Baptisé PR1, l'appareil présentait une bonne partie du design de la mouture vendue aux développeurs depuis 2013.
Plusieurs moutures baptisées PR2, puis PR3 ont également vu le jour, et l'une d'entre elles a même fait l'objet d'un article sur le Huffington Post en janvier 2012. Palmer Luckey n'y est pas cité, mais affirme que les photos montrent un de ses prototypes. Selon la chronologie présentée par ZeniMax, cette démonstration serait donc antérieure au moment à partir duquel le fondateur d'Oculus VR et John Carmack, alors employé chez id Software, ont commencé à correspondre.
Des améliorations sur le matériel ? Que nenni !
Dans son réquisitoire, ZeniMax expliquait avoir reçu « un casque de réalité virtuelle primitif » et un « prototype grossier dénué de support, de logiciel spécifique à la réalité virtuelle, de capteurs de mouvements intégrés et d'autres caractéristiques critiques pour en faire un produit viable ». Selon l'éditeur, il était impossible que l'appareil soit fonctionnel dans l'état, et ce ne sont que les travaux de John Carmack et de son équipe qui ont rendu le produit viable. Une version qu'Oculus VR dément formellement.
La jeune filiale de Facebook assure que si John Carmack a reçu un exemplaire incomplet du Rift, c'est uniquement parce qu'il en a fait la demande. « Au cours de ses recherches, Carmack utilisait un capteur de mouvement tiers qu'il avait déjà utilisé avec d'autres casques (il a en fait codé ses logiciels pour qu'ils ne puissent fonctionner qu'avec ce capteur en particulier). Donc lorsque Carmack a demandé à Luckey de lui envoyer un prototype du Rift, il n'a pas demandé à ce que l'on inclut un capteur de mouvements, alors même que les prototypes de Luckey ont été utilisés avec une large gamme de capteurs haut de gamme issus du commerce ».
Concernant l'absence de logiciel, le motif invoqué est le même. Carmack savait que Luckey disposait de son propre programme, mais le directeur technique d'id Software n'en a tout simplement pas fait la demande. Un argument qui semble tout de même un peu léger.
Le NDA ne couvrirait qu'un fragment d'un jeu optimisé pour la réalité virtuelle
Il y a également débat concernant ce que l'accord de non divulgation (NDA) signé entre les deux parties couvre. Selon ZeniMax celui-ci concerne les modifications apportées au prototype de Luckey, aussi bien sur le plan logiciel que matériel, et stipule que Luckey n'avait pas l'autorisation de faire usage des technologies et des secrets commerciaux de l'éditeur.
La version d'Oculus VR n'a par contre rien à voir. « Le NDA n'était pas nécessaire, parce que le banc de test de réalité virtuelle fourni ne consiste en rien d'autre qu'un exécutable contenant une petite portion d'un jeu que John Carmack a adapté afin de tester ses casques, en plus des ressources graphiques nécessaires », ce qui n'aurait donc absolument aucun lien avec la plainte initiale de ZeniMax. Un point sur lequel le désaccord entre les deux entreprises remonte déjà au mois de mai, lorsque l'éditeur menaçait Oculus VR de poursuites. « ZeniMax a mal interprété la raison d'être du NDA signé par Palmer Luckey », expliquait alors la jeune pousse. L'inverse est également possible.
En outre, le NDA n'aurait jamais été finalisé, et il ne liait que Palmer Luckey à ZeniMax, et pas Oculus VR qui n'existait alors pas. D'ailleurs, suite à la création de cette dernière, ZeniMax n'aurait pas cherché à renouveler le contrat ou à l'amender, ce qui pourrait être une erreur coûteuse pour l'éditeur.
« ZeniMax sait qu'elle n'a rien fait sur le Rift »
Dans sa réponse, Oculus VR fait également l'étalage des technologies qu'elle a développées pour équiper le Rift, et il est notamment question d'un capteur de mouvement maison ainsi que du logiciel permettant de l'exploiter. « Ce capteur était aussi coûteux et affichait une latence quatre fois moins importante que celui utilisé par Carmack », affirme la jeune pousse. La start-up ajoute qu'elle a également conçu l'ensemble des composants du Rift DK1 et que la totalité des logiciels utilisés a été créée par ses soins, ou font l'objet d'accords de licence. « Lors du processus de développement Oculus VR n'a utilisé aucun matériel ou logiciel appartenant à ZeniMax ».
Oculus VR ne s'arrête pas en si bon chemin et attaque frontalement son adversaire. « À la lumière de ce travail reconnu, ZeniMax n'a jamais réclamé de droits sur le Rift, basés sur la moindre contribution supposée à la moindre technologie intégrée dans le Rift, parce que ZeniMax sait qu'elle n'a rien fait. Au contraire, avant ce procès, ZeniMax a réclamé une compensation basée sur la publicité qu'elle a générée pour le Rift (en même temps que pour ses jeux)». Or Oculus VR ne compte absolument pas verser le moindre centime pour cette publicité. Pour la firme, cela reviendrait à ce que les éditeurs de jeux réclament des parts de Sony parce que ce sont leurs jeux qui ont fait connaître la PlayStation.
Oculus VR s'appuie également sur de nombreuses déclarations de John Carmack, désormais directeur technique pour le compte de l'entreprise, où il explique que Palmer Luckey est le seul inventeur de l'appareil. En outre, toujours selon la start-up, Carmack serait en réalité le seul employé de ZeniMax ayant travaillé sur le principe de réalité virtuelle.
Enfin, la filiale de Facebook réaffirme comme au mois de mai qu' « Il n'y a aucune ligne du code de ZeniMax ni aucune de ses technologies dans aucun des produits d'Oculus » et que « Malgré le fait que le code source du SDK d'Oculus soit disponible sur notre site, ZeniMax n'a jamais identifié la moindre ligne de code ou technologie volée ».
Oculus VR réfute toutes les accusations et veut un procès avec un jury
Fort logiquement, Oculus a choisi de nier l'ensemble des accusations retenues à son encontre. Pour rappel, ZeniMax invoquait sept chefs d'accusation différents : appropriation illicite de secrets commerciaux, violation de copyright, rupture de contrat, concurrence déloyale, enrichissement sans cause, violation de marque déposée, et tromperie sur l'origine d'un produit.
Si cette affaire devait se régler devant les tribunaux, ce qui n'est pas encore acquis, un accord amiable pouvant toujours être trouvé, Oculus VR a explicitement demandé aux autorités américaines que le procès se tienne devant un jury. Une option qui pourrait être source de nombreux rebondissements, à moins qu'il ne s'agisse que d'une manœuvre afin de faire peur à ZeniMax. Quoi qu'il en soit, les prochaines semaines risquent d'être plutôt mouvementées. En attendant une réaction officielle de ZeniMax, nous ne pouvons que vous inviter à prendre connaissance des éléments du dossier :