Copie privée : aidons les ayants droit à se souvenir de l’Europe

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Droit 4 min
Copie privée : aidons les ayants droit à se souvenir de l’Europe

Hier, Copie France a pris acte de l’annulation du barème n°13 voté par la Commission copie privée. Le Conseil d’État leur a spécialement reproché d’avoir assujetti aussi bien les flux particuliers que les flux professionnels, ce que le droit européen interdit.

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La décision désormais annulée date du 12 janvier 2011. C’est depuis celle-ci que les tablettes, les GPS et les autoradios à mémoire sont frappés par la redevance pour copie privée, une redevance perçue par les ayants droit via leur société civile, Copie France.

Les ayants droit ne savaient pas

Pour se défendre d’un tel bug juridique, qui leur a tout de même permis d’amasser une nouvelle fois des millions d’euros, la Sacem, la Sacd, la SCPP, etc. indiquent en substance que cette décision a été adoptée dans l’ignorance totale. Et pour cause, en juin 2011, soit cinq mois plus tard, le Conseil d’État annulait un autre barème en affirmant clairement que les flux professionnels ne peuvent pas être assujettis à cette perception :

 

« La décision n° 13 a été adoptée avant l'arrêt du Conseil d'État du 17 juin 2011 qui a jugé que les supports à usage exclusivement professionnel ne pouvaient être assujettis à la rémunération pour copie privée. L'annulation de la décision n° 13 constitue donc la confirmation logique du principe antérieurement énoncé par le Conseil d'État » (Communiqué de Copie France).

 

Seulement, les ayants droit ne disent pas tout dans ce communiqué qui oublie de parler de l'Europe. Ils cachent particulièrement le fait qu’en octobre 2010 (arrêt Padawan), soit deux mois avant le vote du barème annulé hier, la Cour de justice de Luxembourg avait déjà dit à toute l’Europe qu’on ne peut assujettir les professionnels à la copie privée compte tenu des termes de la directive (2001/29) de 2001.

Les ayants droit ne voulaient pas savoir

Fait notable, dans le compte rendu (PDF) qui a précédé le vote des barèmes de la décision 13, ces mêmes ayants droit avaient pointé l’existence de l’arrêt Padawan, pour en relativiser immédiatement la portée :

 

« La commission exerce ses missions dans le cadre juridique fixé par le code de la propriété intellectuelle (…) L'article L. 311-8 du CPI ne prévoit que quatre cas d'exclusion des acquéreurs professionnels. Même s'il est possible qu'il existe un problème de compatibilité de la loi française avec la directive 2001/29, il n'appartient pas à la commission de décider de rompre avec sa pratique habituelle et de ne plus respecter la loi française. »

 

En clair, les douze ayants droit, qui sont prépondérants en son sein, demandaient ouvertement à la Commission copie privée d’ignorer la jurisprudence européenne évidente, la loi française faisant « écran ».

 

Pourquoi ? Les bénéficiaires de ces perceptions (200 millions d’euros par an) ont pratiqué en France un système quelque peu ambitieux : tout le monde paye la copie privée, mais ils appliquent aux barèmes un abattement pour tenir compte des usages professionnels. Voilà pourquoi les hôpitaux, les centres de radiologies, etc. ont payé la copie privée de longue date, afin de stocker les IRM sur CD-Rom ou DVD-Rom par exemple.

 

Le président de la Commission, qui est magistrat au Conseil d’État, avait donné son blanc-seing à cette pratique : « Jusqu'à présent, la pratique de la commission consistait à exclure les supports explicitement dédiés à un usage professionnel et à appliquer sur les supports dits hybrides, un abattement tenant compte des usages professionnels. [Je] considère que seul un juge, national ou communautaire, pourra décider de la conformité de cette pratique avec la directive 2001/29. »

 

En clair, les ayants droit ont volontairement ignoré la directive de 2001 puis la décision de la CJUE d’octobre 2010 pour continuer à assujettir les professionnels qui achètent notamment des tablettes. Ils affirmaient que tous les taux de perception avaient été rabotés du fait des usages pros. Et puisque la décision de la CJUE n’évoquait pas clairement cette situation, le président de la Commission copie privée a estimé que les ayants droit pouvaient continuer à percevoir sans l’ombre d’un doute (c'est d'ailleurs cette interprétation qui fut claironnée par la SACEM sur l'arrêt Padawan qui a induit en erreur plusieurs confrères).

 

Seulement, patatras, en 2011, un rapporteur au Conseil d’État a clairement souligné qu’il n’y avait aucune trace tangible de l’abattement pour usages professionnels qui justifiait l’ignorance de la décision de la CJUE.

Le sixième arrêt d’annulation

L’arrêt intervenu hier est le sixième qui annule des barèmes. Les industriels (importateurs, fabricants) et les distributeurs ont publié un communiqué témoignant de leur agacement : s’ils ne remettent pas en cause la légitimité de la copie privée, ils s’agacent de la situation actuelle, « néfaste pour l’écosystème culturel et numérique dans son ensemble : les tarifs sont excessifs pour les consommateurs français, destructeurs pour l’emploi en France, pénalisants pour les rentrées fiscales de l’État et contreproductifs à terme pour les ayants droit. »

 

Ceux-ci d’ailleurs avaient claqué la porte de la Commission copie privée fin 2011. De fait, seule la Fédération française des Télécoms est restée vissée sur l’un des six sièges du collège des industriels. La FFT n’a d’ailleurs pas pris part au communiqué du jour de ses ex-collègues.

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