Pressions et dépression des ayants droit sur le projet de loi Création

Ça se passe comme ça, au CSPLA
Droit 7 min
Pressions et dépression des ayants droit sur le projet de loi Création

Le flou artistique du projet de loi Création agace quelque peu les ayants droit. Ceux-ci s’en sont plaints, au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique. Ils reprochent également au ministère de la Culture de ne pas avoir eu le bon goût de leur transmettre l’ébauche de ce texte tant attendu. Heureusement, tout est depuis corrigé.

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Crédits : Marc Rees (licence: CC by SA 2.0)

Au CSPLA, les débats qui ont rythmé la séance du 25 mars dernier sont riches d’enseignements. Dans les tout récents comptes rendus que nous avons pu lire, les ayants droit, majoritaires en son sein, n’ont pas été avares de critiques à l’encontre du ministère de la Culture. Celles-ci sont intervenues après que Jean-Philippe Mochon, le chef du service des affaires juridiques et internationales au ministère de la Culture et de la Communication, a présenté l’état d’avancement du projet de loi Création au CSPLA. « Ce projet est prévu pour une adoption en Conseil des ministres avant l’été et la consultation interministérielle a été lancée il y a quelques semaines » assurait-il alors.

 

Ce texte ne va pas seulement transférer ce mécanisme pénal aux mains du CSA, il contient également des dispositions relatives au soutien à la création artistique, ou encore à la régulation audiovisuelle. Fort de 90 articles, environ, le texte comportera six titres :

  • Le soutien de la création artistique
  • La promotion de la diversité culturelle et à l’élargissement de l’accès à l’offre culturelle
  • Le développement et à la pérennité de l’emploi et de l’activité professionnelle
  • La formation et l’enseignement de l’art et sa pratique
  • La protection des droits de propriété littéraire et artistique
  • La régulation des services audiovisuels

« Les questions relatives à la propriété littéraire et artistique concernent la chaîne de valeur dans la musique enregistrée en ligne, reprenant des préconisations du rapport remis par Christian Péhline, le transfert des compétences de l’HADOPI au CSA, et les suites à donner au rapport de Mme Mireille Imbert-Quaretta » sur la lutte contre la contrefaçon commerciale. « Le projet de loi a un périmètre très large : les autres sujets importants concernent la modification de l’exception « handicap », la problématique du domaine public et la modernisation de la régulation audiovisuelle » a précisé encore Jean-Philippe Mochon.

 

Depuis, le texte, très ambitieux, e a du plomb dans l’aile puisqu’il ne devrait être examiné qu’en 2015, pour le plus grand soulagement de la Hadopi qui peut continuer à « riposte-graduer » en paix, salaire compris. Cependant, les ayants droit qui siègent majoritairement au sein du CSPLA sont irrités.

« Une absence complète de clarté », « un flou artistique »

Hervé Rony (SCAP) a par exemple dénoncé une « absence complète de clarté » de la part du gouvernement sur la procédure d’élaboration de ce grand texte. « On entend dire que certaines dispositions sont écrites tandis que d’autres ne le seraient pas, ou même que certaines ne le seraient que sous réserve d’amendements parlementaires. Une confusion redoutable s’installe autour de ce texte devenu une boîte de Pandore de plus en plus difficile à maîtriser. Il est inquiétant que […] les membres du Conseil soient à ce point dans l’incertitude sur son contenu ». Des critiques réitérées par le même Hervé Rony dans une interview dans nos colonnes.

 

Même son de cloche chez à l’Association des producteurs de cinéma. Frédéric Goldsmith s’inquiète spécialement du calendrier. « Le discours politique sur la lutte contre le piratage est aujourd’hui très flou et on annonce que le projet de loi, qui couvre de nombreux aspects de propriété littéraire et artistique, ne sera pas discuté avant 2015 ». Selon lui, face à cette incertitude, « aucun message clair n’est donné sur une priorité sur le sujet » du piratage. Pas étonnant selon lui qu’« on constate actuellement un problème réel de consommation gratuite, une forme de tolérance s’étant installée dans les esprits. Par exemple, le marché de la vidéo physique et de la vidéo à la demande cumulées d’après les derniers chiffres de GFK connaît une hausse de 6 % en Allemagne et une baisse de 14 % en France ».

L’architecte de la Hadopi, représentant de la Fédération française des télécoms

Notons également les interventions de Guillaume Leblanc (Syndicat national de l’édition phonographique à qui reproche « le flou artistique qui entoure la loi relative à la création ». L’ancien attaché parlementaire de Franck Riester lors des débats Hadopi considère que la loi sur le numérique, promise par Bercy pourrait avoir un « impact » sur leurs intérêts. Il veut donc savoir « s’il est envisagé que le CSPLA y soit associé ».

 

Ce 25 mars, siégeait également Olivier Henrard, l’architecte de la loi Hadopi, très proche collaborateur de Christine Albanel passé depuis dans les télécoms. Celui-ci, qui représente la Fédération Française des Télécoms, s’est associé à ces critiques.

 

Il a dénoncé « au nom des fournisseurs d’accès » le fait que le Conseil supérieur n’ait pas eu l’ébauche du projet de loi. Le CSPLA « étant placé auprès du ministre chargé de la culture, une présentation des textes élaborés par le ministère aurait pu utilement lui être faite pour recueillir son avis avant transmission aux autres ministères. »

La nostalgie du passé, où les ayants droit étaient consultés

Une réaction tout aussi intéressante de Pascal Rogard : il pointe une « situation déséquilibrée » puisque la loi sur le numérique devra être examinée par le Conseil Nationale du Numérique, or « le CSPLA, qui fait figure de société savante grâce à ses nombreux rapports, ne se voit même pas consulté sur un texte qui touche au domaine public, domaine fort de la propriété intellectuelle puisqu’il remonte aux origines même du droit d’auteur issu de la Révolution française. Le fait qu’on ne discute pas sur un tel projet de loi inquiète les acteurs quant à son contenu. Si le ministère a d’ores et déjà arrêté un certain nombre de positions dans ce projet de loi, il pourrait le soumettre pour discussion au CSPLA. »

 

Un peu plus tôt dans la discussion, le directeur général de la SACD, se demande ainsi quel peut bien être le rôle du CSPLA : « celui-ci a vocation à examiner les textes, éventuellement législatifs, qui concernent le droit d’auteur. Un texte important est sur le point de modifier la loi et les membres du Conseil supérieur ne pourront l’obtenir qu’après le passage en conseil des ministres, lorsque tout aura été décidé. »

 

Un calendrier qui a le mauvais goût de ne pas renouer avec les bonnes habitudes du passé. « Dans le passé, se souvient avec nostalgie Pascal Rogard, lorsque sont intervenues des lois en matière de propriété littéraire et artistique, le Conseil supérieur avait toujours échangé à ce sujet. D’autant que le projet a deux volets, un premier relatif au droit d’auteur et un second sur le spectacle vivant, secteur pour lequel il y a eu concertation. Les auteurs et les producteurs sont donc ici moins bien traités que les arts de la rue ».

Des voeux exhaucés quelques jours après

Le président de la séance du 25 mars, Pierre-François Racine reconnaîtra « qu’en pur droit, les textes relatifs au CSPLA ne prévoient en aucun cas que le Conseil supérieur doive être consulté sur les projets de lois du ministère ». Cependant, concède le magistrat au Conseil d’État, « compte tenu de l’importance des enjeux, il est tout à fait justifié que le CSPLA soit consulté sur le sujet ». Même si cela ajoute un peu d’impureté dans le droit ?

 

Toutes les remarques ont donc été depuis transmises à la ministre de la Culture par le président du CSPLA. Et il faut croire que le message a été entendu. Le 13 avril 2014, soit un peu plus de deux semaines après cette séance mouvementée au CSPLA, Pascal Rogard affirmait cela sur Twitter :

 

 

Une petite phrase qui a valu quelques réactions, sur Twitter toujours...

 

 

... et un communiqué fleuri de la Quadrature du Net sous la plume de Lionel Maurel (@Calimaq) :

 

« Le pouvoir politique et les représentants des industries culturelles ne prennent même plus la précaution de préserver au moins les apparences de la démocratie. Depuis la remise du rapport Lescure, la préparation de la loi sur l'acte II de l'exception culturelle s'est effectuée dans l'opacité et sous le contrôle des lobbies, sans prendre en compte les aspirations des citoyens à la préservation des libertés et à l'évolution du droit d'auteur. Ces procédés discréditent la démarche du gouvernement et ne pourront qu'être sanctionnés par les citoyens. »

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