Google a reçu il y a plusieurs semaines différentes demandes qui visaient toutes au déréférencement de pages permettant de télécharger illégalement des ebooks appartenant à la société d’édition française Éditis. Sauf que parmi les fichiers ainsi dénoncés, se trouvaient plusieurs livres tombés (ou élevés) dans le domaine public, tels que « Le comte de Monte-Cristo » ou bien encore « Les lettres de mon moulin ». Explications.
Alors que Google est aujourd’hui perçu par de nombreux ayants droit comme la principale porte d’entrée vers le piratage (de films, musiques, séries...), ceux-ci usent par conséquent de moyens adaptés. En l’occurrence, ils adressent des demandes de déréférencement au célèbre moteur de recherche, afin que celui-ci ne renvoie plus ses utilisateurs vers des pages dont le contenu leur semble illicite. En clair, si le géant de l’internet donne une suite favorable à une de ces requêtes, la page originale demeure intacte, mais celle-ci n’apparaît tout simplement plus si on veut la trouver dans Google.
Le 1er avril dernier, une requête contenant plus d’une centaine de pages à déréférencer a ainsi été transmise à la firme de Moutain View, au motif que celles-ci porteraient atteinte aux droits d’auteur de la société d’édition française Editis (voir la requête). Parmi les œuvres qui seraient ainsi victimes de différents sites de liens torrent ou de téléchargement direct, se trouve toute une série de livres : « Un corps de rêve pour les nuls », « Le seigneur des anneaux », « Le Petit Robert - Coffret Numérique », « Osez les massages érotiques », « La bible du barbecue », etc.
Plusieurs livres relevaient pourtant du domaine public
Dans sa requête, l’auteur affirme sur l’honneur que le copyright des œuvres qui justifient cet effacement dans Google a bien été violé. Sauf que parmi le lot de livres mentionnés, un nombre assez conséquent relève du domaine public... Entre-autres, on retrouve :
- « Les lettres de mon moulin », ou bien encore « Tartarin de Tarascon » d’Alphonse Daudet,
- « L’auberge rouge », d’Honoré de Balzac,
- « Les voyages de Gulliver », de Jonathan Swift,
- « Le comte de Monte-Cristo », d’Alexandre Dumas.
Si l’on regarde d'un peu plus près les fichiers litigieux, il s’avère que ce sont des ouvrages dont on ne voit pas le lien avec la société Editis. Ils sont en effet le fruit du travail de deux équipes manifestement bénévoles et spécialisées dans la réédition, sous forme électronique, de textes désormais libres de droits : le groupe « Ebooks libres et gratuits » et ÉFÉLÉ.
Si Google n’a semble-t-il donné suite à aucune de ces demandes de déréférencement, les nombreux hébergeurs de fichiers qui stockaient les livres litigieux sur leurs serveurs se sont révélés moins sourcilleux. Certains de ces fichiers ont en effet été retirés pour des raisons de droit d’auteur, sans que l’on sache exactement d’où provenait la demande. Le groupe « Ebooks libres et gratuits » et ÉFÉLÉ plaident pourtant pour une diffusion maximale de leurs ouvrages, à partir du moment où cela ne se fait pas dans un but commercial.
Cette demande n’était en outre pas un cas isolé (voir d’autres exemples plus récents ici ou là). Contacté, Éditis n’a pas souhaité s’expliquer sur cette affaire dans l’immédiat.
Rappelons enfin que le nombre de ces requêtes dites « DMCA », du nom de la loi américaine qui les institue (le Digital Millenium Copy Act), ne cesse de s’envoler. Google en a par exemple reçu plus de 100 millions au cours des quatre premiers mois de l’année 2014. Sauf que cette augmentation exponentielle s’accompagne de nombreux effets de bords, à l’image de certaines requêtes erronées voire carrément frauduleuses. Aux États-Unis, l’hébergeur WordPress a justement attaqué un Britannique accusé d’avoir demandé frauduleusement le retrait d’un billet de blog en août 2013. La décision est attendue pour la fin du mois (voir notre article).