[MàJ] Pascal Rogard défend l’exception culturelle et sa bio Wikipedia

Lobby la mouche !
Mise à jour : La direction de la communication de la SACD nous reproche d’avoir mal reproduit ses propos. Elle tient à souligner que « publier des choses partiales sur la place publique avec un ton factuel est contraire à l'esprit encyclopédique de Wikipédia. »

Nous avons eu par ailleurs un courrier de Pascal Rogard pour qui le vrai sujet est « le droit qu’ont certaines personnes d’écrire n’importe quoi sur vous sans qu’il soit possible à l’intéressé de corriger ». Pour le directeur général de la SACD, « hors de tout élément polémique je suis qualifié d’administrateur d’organisme professionnel du cinéma français. C’est évidemment faux puisque la SACD gère les droits du spectacle vivant du cinéma mais aussi de la fiction audiovisuelle et radiophonique qui représentent les perceptions les plus importantes. Le reste relève de petites polémiques. J’aurai au moins appris une chose ne jamais me servir de Wikipédia pour renvoyer à la bio d’une personnalité que je cite dans mon blog »

Hier, sur Twitter, le même Pascal Rogard a pris à partie Rémi Mathis, président de WikiMédia France toujours sur ce terrain. « @RemiMathis vos fiches [les entrées sur l’encyclopédie, NDLR] sont un tissu de mensonges rédigés par des crétins anonymes. »

Ce matin, nous avons posté un petit tweet intitulé « exception culturelle, culture de l'exception ». S’en suivent deux liens, l’un vers un article de la Tribune signé Pascal Rogard ( @fandoetlis). L’autre vers un article sur Owni signé Laurent Chemla. L’un et l’autre parlent de l’exception culturelle avec deux styles différents. L’un s’y abrite, l’autre la critique.

Jacques Toubon (Hadopi) Pascal Rogard (SACD) Nicolas Seydoux (ALPA, Gaumont)

 

Histoire de souligner que les deux textes ne se valent pas du tout, du tout, Pascal Rogard, directeur général de la SACD nous a indiqué sur Twitter qu’il y a « une différence  [entre les deux textes, NDLR] l'un était sur le terrain de jeu, l'autre pas ». Et Rogard d’enfoncer le clic nous demandant de comparer la bios des auteurs respectifs. « @Reesmarc regardez les bios mais pas celle de Wikipédia ».

La bio et son historique

Pas celle sur Wikipedia ? Excellente occasion pour se plonger sur la bio de Rogard sur l’encyclopédie libre. On apprend d’entrée que cette bio provoque « une controverse de neutralité ». Dans le détail, on juge l’article partial, non neutre, on y parle de son statut de lobbyiste ou pas, des couacs qu’a eus Rogard avec la citation des sources sur son blog, etc. Mais notre attention porte avant tout sur l’historique-de-la-bio-qu’il-ne-faut-pas-lire. C’est ici.

 

La page est très pratique. On y empile toutes les modifications proposées, retenues et refusées de cette entrée accompagnées de leurs auteurs respectifs (désignés par un nom ou une adresse IP). Concentrons-nous sur les modifications de 83.167.41.4 qu’on appellera Monsieur 83.167.41.4.


modification SACD

Lobby, Hadopi, et droits réservés

Premier passage corrigé. L’article disposait d’un paragraphe intitulé « le lobbyiste ». S’en suit un extrait d’un papier du Point de 2012 où Rogard est en effet qualifié d’ « un des plus influents lobbyistes de France ». Le contributeur 83.167.41.4 n’est pas d’accord du tout ; il propose déjà un titre sous forme interrogative « Lobbyiste ou Homme de conviction ? ». Et il juge utile d’apporter un commentaire après celui du Point : « une analyse un peu courte dans la mesure où les lobbyistes défendent n'importe quelle cause contre rémunération ce qui n'est pas le cas de Pascal Rogard qui a consacré l'ensemble de sa carrière à la défense du cinéma d'abord et de la culture ensuite, non pas par intérêt, mais par conviction. »


Plus bas, un passage affirme que Rogard est l’un des pères de la loi Hadopi en pointant un de nos articles, rédigé après une rencontre avec l'intéressé. La société de nettoyage 83.167.41.4 est intervenue pour gommer ce lien de paternité : il n’est pas l’un des auteurs, mais « a été largement consulté sur les mécanismes de la loi Hadopi ».  Pas pareil !


Autre chose. Owni avait signalé que Frédéric Mitterrand est membre de la SACD, ce qui soulève une question de conflit d’intérêts. Mais Monsieur 83.167.41.4 réfute : « un questionnement injustifié dans la mesure où tout auteur de spectacle vivant s'inscrit à la SACD pour percevoir ses droits d'auteurs quand ses spectacles sont joués. Le système est automatisé et transparent et n'entraîne pas de négociations entre un auteur et le directeur général de la société de répartition de ses droits. »


Enfin, suite à un article de la journaliste Astrid Girardeau qui en septembre 2010 remarquait quelques légèretés de Rogard en matière de code de la propriété intellectuelle : plusieurs illustrations sont placardées sur son site sans aucune mention de leur auteur. Monsieur 83.167.41.4 a soigneusement tenté de mettre à jour cette histoire, puisque depuis Pascal Rogard « illustre ses blogs d'affiches de vieux films crédités DR. Aucun des auteurs de ses affiches ne s'en est plaint, c'est une manière de rendre hommage au 7ème art qu'il a toujours défendu. » (Le DR n’est cependant pas suffisant selon les professionnels de l'image)

Au nom du père, du fils et du syndicat

Dans une autre page, Monsieur 83.167.41.4 ne veut pas lire que Pascal Rogard « réalise une grande partie de sa carrière dans l'administration des syndicats et lobbies du cinéma ». Armé de son Tipex, il remplace le tout par ce passage d’un autre calibre : « Il réalise une grande partie de sa carrière dans plusieurs syndicats professionnels de défense du cinéma. »  

 

modification SACD

modification SACD

 

Ailleurs encore, un contributeur insiste pour dire que « Pascal Rogard est un administrateur et lobbyiste français, né en 1949 ». Errore Cinema Est ! « Pascal Rogard est un défenseur de la culture française, né en 1949 » nous dit le rectificateur 83.167.41.4.

83.167.41.4 flashée

83.167.41.4 ? Si on effectue un petit GéoIP sur 83.167.41.4, on tombe en plein cœur de Paris. Si on creuse un peu plus avec un petit Whois, on obtient ces informations :

  sacd

 

GRITA ? Cette entreprise est située 12 rue Ballu à Paris. Soit juste à côté de la SACD, au 11bis de cette rue. Dans les CGU du site de la SPRD on apprend d’ailleurs que GRITA SAS s’occupe de l’hébergement du site de Pascal Rogard. Sur Grita.fr, on découvre d’ailleurs qu’« une de nos particularités en tant que SSII, est que GRITA a été créée en tant que GIE informatique dédié aux sociétés de gestion des droits des artistes interprètes (ADAMI) et des Droits des Auteurs (SACD). »

Je ne suis pas un lobbyiste, je suis un chef d'entreprise

« Grita c’est nous, c’est la société voisine qui gère l’informatique et les liaisons internet de la SACD. Il n’y a pas de mystère » nous répond Pascal Rogard qui affirme n'avoir rien modifié à la page Wikipédia. « Ce n’est pas moi, je suis incapable de faire cela ! » Le délégué général concède cependant en avoir parlé à la direction de la communication de la SACD. « Il est possible que ce soit ma dir’com à qui j’ai dit qu’il y avait des erreurs. Moi je n’ai rien changé ».


En tout cas, il refuse bec et ongle le qualificatif de lobbyiste. « Je ne suis pas lobbyiste. Je suis le dirigeant d’une organisation professionnelle. Ce vocable est mensonger et faux ! Bien sûr, cela ne veut pas dire que je n’ai pas des activités de représentation qu’on peut qualifier de lobbying mais ce n’est pas mon métier ! ». Selon Rogard, le lobbyiste travaille un jour pour tel intérêt, un autre jour pour tel autre, le tout pour de l’argent. Lui est un « chef d’entreprise qui défend une activité. »


« On ne peut même pas changer ces affirmations ! Et leurs auteurs ne nous ont même pas contactés ! » tempête-t-il, furibard, au point d’envisager une éventuelle action en justice. « Je suis un défenseur de la diversité culturelle. Ce n’est pas un mensonge ». Rogard, lobbyiste ? « C’est lamentable, c’est à vomir ! Je cherche à corriger un élément factuel. Je ne suis pas lobbyiste. Je ne dis pas que ce que je fais est bien ou mal, mais je ne passe pas mon temps à faire du lobbying ». Selon lui, sur Wikipedia. « Il y a des bios à charge, d’autres qui sont écrites par des services de communications qui font des panégyriques incroyables alors qu’on pourrait faire de cet outil là un système assez neutre et objectif. »

Oui c'est moi

Quelques instants après notre échange téléphonique, la directrice de la communication de la SACD nous a contactés. « Oui, c’est moi, admet-elle. J’ai changé ces données sans lui dire, à titre personnel. Pascal Rogard n’était pas au courant. »  Elle nous indique être également le pseudo « CVPO02 » dont on trouve trace dans la page controverse. « Je n’avais pas créé de compte au départ. Je n’ai rien voulu cacher, c’est purement à titre personnel » jure-t-elle. Comme Pascal Rogard, l’intéressée estime que cette bio manque de neutralité et regrette « qu’il faille tomber dans des travers pour qu’on puisse discuter de la pertinence d’un contenu. C’est navrant. Faut-il que je trouve une source qui me dise que Pascal Rogard n’est pas lobbyiste pour rectifier ces propos ? On ne peut publier sur la place publique des choses partielles sur une plateforme qui se nomme encyclopédie ». 

Un chef d'entreprise influent

Le problème ici est le défaut de source. Sauf sa biographie officielle où l’auteur dit ce qu’il veut bien dire, le reste des sources ouvertes sont souvent des articles où on le présente comme tel ou un bras armé de l’industrie culturelle. Au bout du compte, Wikipedia reflète cet antagonisme. On en arrive à un article blanc et noir, avec en cerise cet article du Point qui le présente comme « l'un des plus influents lobbyistes de France ». D'ailleurs selon la définition proposée par J. Franck Farnel (Le lobbying : stratégies et techniques d'intervention, Paris, Éditions Organisation, 1994) le lobbying consiste « à procéder à des interventions destinées à influencer directement ou indirectement l'élaboration, l'application ou l'interprétation de mesures législatives, normes, règlements et plus généralement, toute intervention ou décision des pouvoirs publics ». Une solution serait du coup d’étayer sa biographie afin de rendre moins visibles les accusations douloureuses si ce n'est contestées.


En attendant, on retrouvera cette semaine Pascal Rogard aux rencontres cinématographiques de Dijon(*) où il participera à un débat sur la copie privée dans le cloud. Un sujet actuellement examiné par le CSPLA, conseil juridique du ministère de la Culture. La ministre de la Culture sera elle-même présente pour conclure le débat portant sur l’exception culturelle. 

 

(*) Autrefois organisée à Beaune avant l'opposition au projet de loi DADVSI. d'Alain Suguenot, député-maire de la ville.

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