L’administrateur d’un site Internet qui permettait de télécharger les vidéos proposées en rattrapage par Arte vient de retirer son outil. La chaîne lui avait adressé une mise en demeure, l’accusant notamment de contrefaçon. Une affaire qui vient relancer une nouvelle fois l’épineux statut de ces logiciels qui permettent de sauvegarder des émissions mises gratuitement à la disposition du public pendant un court laps de temps.
De la même manière que la plupart des principales chaînes de télévision, Arte met à disposition des internautes ses émissions en télévision de rattrapage. Pendant sept jours à compter de leur diffusion, ses programmes sont ainsi accessibles, gratuitement, sur le site « Arte+7 ». Mais passé ce délai d’une semaine, les vidéos disparaissent.
C’est justement pour résoudre ce problème que Florian Crouzat a développé un petit outil permettant aux internautes de télécharger les vidéos de leur choix, le tout directement depuis son site Web. À l’image des convertisseurs de vidéos YouTube, il suffisait en effet de rentrer l’URL de la page contenant la vidéo pour que le site vous propose de copier directement le fichier correspondant sur votre machine (voir la capture ci-dessus). En quelques clics, l’émission était ainsi sauvegardée et pouvait être regardée à n’importe quel moment, et pour un nombre de fois potentiellement illimité.
Accusé de contrefaçon, il retire son programme
Sauf que depuis quelques jours, le fameux outil n’est plus disponible. Et pour cause : son propriétaire l’a retiré, après avoir reçu une mise en demeure de la part du service juridique d’Arte. « La mise à disposition sur votre site http://floriancrouzat.net d'un outil permettant le téléchargement d'oeuvres protégées par le droit d'auteur et les droits voisins constitue un acte de contrefaçon en tant que tel ainsi qu'un acte de complicité de contrefaçon par fourniture de moyens » prévenait ainsi la chaîne dans un courrier publié par l'auteur du programme litigieux. Un tel délit est passible pour rappel de trois ans de prison et de 300 000 euros d’amende, sans parler des éventuels dommages et intérêts qui pourraient être attribués aux victimes.
Le service juridique d’Arte laissait également entendre que Florian Crouzat pourrait tomber sous le coup de l’article L335-2-1 du Code de la propriété intellectuelle, ce dernier sanctionnant des mêmes peines la mise à disposition de tout « logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d'oeuvres ou d'objets protégés ».
« Arte ne souhaite en aucun cas pénaliser [ses] téléspectateurs qui n'ont pas l'occasion de visionner [ses] programmes dans les délais impartis par les ayants droit pour leur diffusion en rattrapage sur Internet (7 jours). Néanmoins, Arte n'est pas en mesure d'autoriser le téléchargement des programmes diffusés en rattrapage sur le site Internet d’Arte ou de diffuser ces programmes pendant une durée illimitée car elle ne dispose pas auprès des ayants droit des autorisations requises » se justifie la chaîne franco-allemande. Afin d’éviter d'éventuelles poursuites, Florian Crouzat était donc convié à retirer l’outil litigieux de son site Internet, et d’en aviser Arte.
Mais ce programme ne pouvait-il pas être toléré au titre de l’exception de copie privée ? Cette dernière « n'a pas vocation à s'appliquer pour les programmes disponibles en rattrapage sur les sites Internet des chaînes de télévision car les internautes peuvent y avoir accès du lieu et au moment qu'ils auront choisis » anticipait à cet égard Arte. « Le fait que d'autres sites détaillent la démarche à suivre pour télécharger les programmes diffusés par Arte ne rend pas légale votre pratique » insistait en outre la chaîne, en référence aux différents tutoriels publiés sur le Net et expliquant comment s’y prendre pour sauvegarder une vidéo sans passer par l’outil de Florian Crouzat.
Florian Crouzat promet une solution de rechange
L’administrateur a néanmoins tenu à rassurer ses utilisateurs, leur promettant (au travers d'un message qui a depuis été supprimé) une solution de rechange dans les prochains jours. Florian Crouzat affirmait songer à plusieurs options : un changement d’hébergeur, une publication du code de son application, ou la mise à disposition d’une version téléchargeable du programme - laquelle serait exécutable directement depuis la machine de l’utilisateur.
Quand bien même l’intéressé s’est résolu à plier face aux menaces d’Arte, il n’en demeure pas moins sceptique quant à l’efficacité de la manœuvre de la chaîne. « En fin de compte, comme je leur ai dit et de la même manière que n’importe quelle personne de bon sens pourrait le pressentir : quand vous faites fermer une page Internet, vous vous retrouvez avec de nombreuses nouvelles pages partout. Vous ne faites que propager le « problème ». Mais bon, je suppose qu’ils n’ont pas d’autre choix que de suivre la procédure » affirmait-il dans ce message toujours consultable via le cache de Google.
Des programmes qui s'attirent les foudres des chaînes ou des plateformes de streaming
Insistons enfin sur le fait que ce type de logiciels s’attire régulièrement les foudres des chaînes, qui y voient un grand manque à gagner en termes de revenus publicitaires. On se souvient par exemple que TF1 s’en était pris l'année dernière à Captvty, lequel avait refusé de se plier à la mise en demeure de la première chaîne (voir notre article).
Certains vont cependant jusque devant la justice pour faire valoir leurs droits, à l’instar de Deezer, qui n’a pas hésité à attaquer l’auteur du logiciel Tubemaster++. Ce dernier permettait d’enregistrer les flux de la célèbre plateforme de streaming musical, en passant outre les protections installées pour justement protéger de telles copies. Le 28 juin 2013, le tribunal correctionnel de Nîmes a d'ailleurs condamné le concepteur du fameux logiciel, un jeune étudiant, à payer une amende de 15 000 euros avec sursis. Il fut également sommé de dédommager la SACEM, la SDRM et la SCPP à hauteur de 5 000 euros chacun, pour un total de 15 000 euros donc. 7 285 euros ont été alloués à Blogmusik, éditeur de Deezer, plus 5 000 euros au titre du préjudice moral. L’étudiant a fait depuis appel de ce jugement (voir notre analyse).