Deux sénateurs démocrates américains ont déposé un projet de loi visant à réviser sérieusement les nouvelles règles proposées par la Federal Communications Commission sur la neutralité. Si la loi devait devenir une réalité, les fournisseurs d’accès n’auraient plus le droit de proposer à leurs clients professionnels de payer davantage pour obtenir des transferts rapides.

Payer pour prioriser les flux
Fin avril, la puissante Federal Communications Commission présentait de nouvelles règles de neutralité du net pour les États-Unis. Au cœur du dispositif, une mesure en particulier attire les regards de la presse et des observateurs : la possibilité, pour les fournisseurs d’accès, de laisser les entreprises clients payer pour obtenir des connexions plus rapides. Nous comparions alors la situation à une autoroute engorgée sur laquelle une voie dégagée, mais payante, serait ajoutée.
La colère des associations explose alors car la crainte de favoriser les plus gros acteurs est vive. Comment en effet mettre au même niveau un énorme fournisseur de contenus tel que Netflix et une jeune entreprise qui ne pourrait alors lutter car disposant de moyens beaucoup moins importants ? Craig Aaron, président de Free Press, résume : « Avec cette proposition, la FCC aide et encourage les plus gros FAI dans leurs efforts pour détruire l’Internet ouvert ».
Le mois suivant, les associations ne sont plus seules : 149 entreprises expriment leur crainte pour une proposition qui est « une grave menace pour Internet ». Dropbox, KickStarter, Zynga, Tumblr, LinkedIn, Reddit, Foursquare, Digg, DuckDuckGo ou encore Opera demandaient donc à la FCC de remplir sa mission de protection des entreprises du Net et des internautes eux-mêmes, en préservant le cadre neutre et en évitant toute forme de discrimination.
Deux sénateurs refusent les voies rapides
Cette « priorisation payante des flux », plusieurs sénateurs américains n’en veulent pas. Deux d’entre eux, Patrick Leaky (également membre du Comité juridique du Sénat) et Doris Matsui, ont déposé un projet de loi visant à interdire purement et simplement ces voies rapides. Comme le rapporte le Washington Post, le projet, baptisé « Online Competition and Consumer Choice Act », apporterait un important soutien politique à la FCC pour lui permettre de bloquer tout accord de priorisation.
Pour Patrick Leahy, le projet est une évidence : « Les Américains s’expriment d’une voix forte et claire. Ils veulent un Internet qui soit une plateforme de libre expression et d’innovation, où les meilleures idées et les serveurs parviennent aux consommateurs selon leur mérite plutôt que sur la base d’une relation financière avec fournisseur d’accès ». De son côté, Doris Matsui ajoute qu’un « Internet libre et ouvert est essentiel pour nos consommateurs ». Elle ne veut pas d’un Internet segmenté et « basé sur qui aura le portefeuille le plus rempli ».
Cela étant, la bataille autour de la neutralité du Net est à la fois juridique, commerciale et politique. Les visions sont partagées et le projet de loi ne change pas fondamentalement le rôle de la FCC. Le Washington Post rappelle en effet que les associations de défense des consommateurs demandent avant tout un changement de taille : que la connexion à Internet soit considérée comme d’utilité publique, comme l’eau et l’électricité. Ce qui par voie de conséquence impliquerait un contrôle beaucoup plus strict des fournisseurs d’accès. Mais en mai, un sénateur républicain, Bob Latta, avait introduit de son côté un projet de loi visant à bloquer tout reclassification.
Actuellement, la chambre des représentants est tenue par les républicains et le projet « Online Competition and Consumer Choice Act » pourrait donc ne pas passer. Il est représentatif cependant des clivages qu’expose le sujet de la neutralité.