Véronique Cayla, présidente d’Arte, soutient une extension de la redevance audiovisuelle à tous les supports, tablettes et PC compris donc. En guise d’argument : donner l’habitude aux jeunes à payer la note.
Dans Les Echos, la numéro un d’Arte France milite pour une extension de la redevance à tous les supports. Cet élargissement de l’assiette viserait donc tous les dispositifs actuels qui, hors poste de TV traditionnel, échappent à ce jour à cette ponction.
Pour cette assiette élargie, elle estime qu’il en va de « l’indépendance politique pour l'audiovisuel public, et pas seulement pour Arte » puisque « sans une redevance solide, il n'y a pas vraiment de service public ». Pour elle, comme pour bon nombre d’acteurs de l’audiovisuel qui perçoivent les fruits de cet impôt, il faut suivre les évolutions des nouvelles technologies puisque la TV ne se consomme plus seulement sur le poste de TV de papa.
L’autre crainte tient du consentement à payer, un critère psychologique cher aux fiscalistes : « il faut élargir l'assiette, pour ne pas donner aux jeunes l'habitude de ne pas payer de redevance ». Cette peur serait que les vagues de jeunes habitués actuellement aux multiples écrans, non nécessairement propriétaires d’une télévision au sens strict, perdent le réflexe de payer pour financer les radios et les chaînes de TV publiques.
Les exemples étrangers
À ce jour, la redevance est mécaniquement ajustée en fonction de l’inflation. Mais pour Arte, cette mise à jour « ne suffit pas. L'Allemagne a fait une réforme de la redevance, les pays scandinaves également, en prenant une assiette totale qui inclut tout ce qui permet de recevoir la télévision ou la radio, les Anglais n'ont pas encore intégré la « catch up ». La France n'a pas fait le moindre petit bout de chemin. »
Le plaidoyer d’Arte, une chaîne publique, rejoint celui du groupe France Télévisions. Martin Ajdari, alors secrétaire général et directeur général délégué aux Ressources avait milité en 2013 pour une modernisation de « l’assiette de la redevance, [son adaptation] à l’évolution des usages comme cela a été fait précisément cette année en Suisse, en Suède ou en Allemagne ». Rémi Pfimlin, numéro un du groupe, nous disait en mars dernier qu'il s'agit là d'un enjeu culturel : « aujourd’hui, vous avez dans le Monde d’un côté les Américains et ses acteurs essentiels comme Google, Facebook, Apple ou Netflix. De l’autre côté, en Asie, les géants Samsung ou LG. Si nous n’avons pas une industrie de la création, de l’information, de la proximité qui peut se développer avec des moyens qui ne sont pas purement commerciaux, on perd notre indépendance ».
Helvète underground
La Suisse suscite beaucoup de jalousie chez les bénéficiaires français de cet impôt. Chez nos voisins, il faut déclarer la possession d’un ordinateur dès lors qu’il « est techniquement en mesure de recevoir des programmes ». Pour éviter la douloureuse, « il ne suffit pas, en l'occurrence, de démonter l'antenne ou de débrancher l'appareil du réseau câblé. L'obligation de déclarer ne disparaît que lorsque plus aucun système de réception n'est en service (satellite, antenne portative, réseau câblé, Internet) » expliquent les services administratifs compétents.
Du côté de la radio, même conception très large : « Toute personne disposant d’un appareil techniquement en mesure de capter des programmes est assujettie à l’obligation de l’annoncer et de payer les redevances. »
En France, un choix politique
Dans notre pays, nombreuses sont les voies en faveur d’une telle extension tels Aurélie Filippetti, le sénateur socialiste David Assouline, ou encore la SCAM, une société de gestion collective qui a prôné un temps une redevance de 160 euros annuelle contre 133 euros aujourd'hui.
Juridiquement, cette extension serait chose simple puisque les textes en vigueur obligent déjà le paiement dès possession d’ « un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé permettant la réception de la télévision pour l'usage privatif du foyer ». Seulement, plusieurs instructions et réponses gouvernementales, qui ont force de loi en droit fiscal, bloquent aujourd’hui cette pompe à finances élargie. Le critère retenu est celui de la présence ou non d'un tuner. En changeant ces instructions et donc cette doctrine fiscale, le gouvernement pourrait ouvrir la vanne d'un trait. Reste qu'il s'agit d'un choix politique quelque peu épineux.
Si l'extention est un jour confirmée, ceux qui rétorqueraient ne pas regarder la TV, Bercy a déjà répondu qu'il n'y a pas d'exonération de redevance pour ce prétexte.