Un programme a passé pour la première fois le test de Turing selon ses concepteurs. « Eugene » a en effet réussi à se faire passer pour un jeune garçon de 13 ans. Cependant, le test de Turing n’est qu’un indicateur relatif et ne représente pas la preuve absolue du caractère « intelligent » d’une machine.

Un programme réussit à se faire passer pour un garçon de 13 ans
« Eugene est né en 2001. Notre idée était qu’il puisse prétendre tout savoir, mais que son âge soit un facteur limitant » explique ainsi le chercheur Vladimir Veselov dans son communiqué de presse. « Eugene » pourrait être un garçon de 13 ans mais est un programme. Il s’agit d’un projet au long cours dont les résultats deviennent maintenant connus du grand public suite à un concours dont il est sorti vainqueur.
Cet évènement s’est tenu durant le week-end et était organisé par la Royal Society of London et l’Université de Reading. Un groupe de juges devait faire passer le test de Turing aux compétiteurs et en extraire le gagnant. Ce fameux test fonctionne sur un principe assez simple, puisqu’un juge doit entretenir une discussion par messages texte avec un ordinateur et un être humain, à l’aveugle. Pour que le test de Turing soit réussi, l’ordinateur doit « tromper » au moins 30 % des juges à travers des sessions de conversations de cinq minutes. En 2012, Eugene avait déjà participé au concours mais n'avait obtenu qu'un score de 29 %.
Eugene Goostman, de son nom complet, est donc le premier à passer ce test avec succès selon le communiqué, avec un taux de réussite de 33 %. Kevin Warwick, professeur et chercheur à l’Université de Coventry, rappelle que dans « le domaine de l’intelligence artificielle, il n’y a pas d’étape plus symbolique ni controversée que le test de Turing ». Il s’attend par ailleurs à ce qu’une polémique puisse naître de cette annonce : « Certains prétendront que le test avait déjà été passé. […] Cet évènement impliquait cependant le plus grand nombre de tests de comparaisons simultanés jamais réalisé, a été vérifié de manière indépendante et, surtout, les conversations étaient libres. Un vrai test de Turing ne définit pas les questions et les sujets avant les conversations ».
Le test ne prouve pas l'intelligence
Le test de Turing n’est cependant pas un élément absolu de comparaison et de mesure du degré d’intelligence d’une machine. S’il est « controversé », comme l’indique le professeur Warwick, c’est parce qu’il ne peut pas être appliqué à de nombreux domaines dans lesquels l’intelligence artificielle joue parfois un rôle majeur. Les « IA » sont en effet conçues pour résoudre des problèmes concrets et ne sont donc pas en mesure de se faire passer pour des êtres humains. Le test n’implique d’ailleurs que l’intelligence « humaine » et les capacités cognitives. Il n’aborde de fait qu’une partie du concept global d’intelligence : « Cette machine est intelligente car elle se comporte comme un être humain ». Il peut cependant avoir une très nette utilité dans certains domaines, notamment la sécurité quand l’ingénierie sociale est utilisée pour tromper un internaute via la simulation d’une véritable discussion.
Mais que le test soit controversé ou pas, il reste une étape marquante sur une route nettement plus longue. L’équipe en charge du développement d’Eugene a d’ailleurs confirmé que le travail allait continuer : « Nous prévoyons de rendre Eugene plus intelligent et de continuer à travailler à l’amélioration de ce que nous appelons la logique de conversation ».
Une manière de fêter les 60 ans de la mort d'Alan Turing
On notera que l’organisation du concours prenait place le 7 juin, une date qui n’a rien d’un hasard. Il s'agissait en effet des 60 ans de la mort d’Alan Turing, qui avait lui-même formulé le test. Il estimait qu’aux environs de l’an 2000, les ordinateurs dotés de suffisamment de mémoire vive pourraient le passer et qu’ils seraient alors en bonne voie pour devenir des machines intelligentes, voire « pensantes ».
Enfin, la réussite du test de Turing est l’enjeu d’un pari à long terme sur le site Longbets.org. En 2002, le créateur de Lotus, Mitchell Kapor, a prédit que le test serait réussi d’ici à 2029. Sur la page du pari, Kapor fait face à un adversaire de poids : Ray Kurzweil, l’un des théoriciens de la Singularité technologique. La question ne semble pas encore avoir été tranchée, mais les 20 000 dollars de l’enjeu iront à l’EFF (Electronic Frontier Foundation) si Kapor l’emporte. Dans le cas contraire, ils seront reversés à la Kurzweil Foundation.