Selon l'agence Reuters, Orange a mandaté deux banques afin de vérifier la viabilité de l'acquisition de Bouygues Telecom. Au moins six milliards d'euros seraient dans la balance.
Orange va-t-il racheter Bouygues Telecom et céder une partie du réseau et des fréquences de ce dernier à Free Mobile pour avoir l'aval de l'Autorité de la Concurrence ? C'est le scénario élaboré par le Ministère de l'Économie selon Les Échos. Les objectifs seraient multiples et concerneraient tout aussi bien le secteur mobile que le fixe, et en particulier la fibre optique.
Le sort de Bouygues Telecom est sur toutes les lèvres
Trois opérateurs, Orange et Free renforcés
Après le rapprochement entre SFR et Numericable/Completel et les différents rachats de MVNO, la prochaine grande étape dans le secteur télécom risque bien de concerner Bouygues, Orange et Free. Le premier pourrait ainsi être partagé par les deux autres. L'opérateur historique mettra la main à la poche et croquera Bouygues Telecom, tandis que Free allégera un peu la facture de l'opérateur historique en lui rachetant les antennes et certaines fréquences de Bouygues en échange de 2,3 milliards d'euros d'après les sources de Les Échos.
Les objectifs sont ainsi multiples. Cela permet de revenir à trois opérateurs, vœu cher à Arnaud Montebourg, mais aussi aux acteurs du marché. Cela renforce un Orange malmené depuis deux ans et qui voit SFR/Numericable devenir un sérieux concurrent. Cela renforce aussi Free Mobile en lui offrant une couverture nationale et des fréquences suffisantes pour assurer sa croissance à plus long terme, lui permettant surtout de ne pas rester un nain face aux deux géants. Et pour le groupe Bouygues, cela lui offre une porte de sortie pour sa branche télécom, sachant qu'aucun opérateur national autre qu'Orange ne semble avoir les reins financiers suffisants pour réaliser une telle opération, les entreprises étrangères ne se bousculant pas au portillon.
La fibre dans le viseur
Mais le gouvernement a aussi un autre objectif : relancer son plan fibre, qui a pour but de fournir du très haut débit sur la quasi-totalité du territoire d'ici 2022/2023. Alors que Free critique depuis un moment un tel plan qu'il estime difficile à réaliser, il pourrait aussi être mis à mal par la future fusion entre la filiale de Vivendi et Numericable. Résultat, Orange domine largement les débats en matière de FTTH, SFR arrive à suivre, mais ni Free ni Bouygues ne sont dans la course présentement, et cette situation n'a pas de raison de changer. Mais l'opérateur au carré rouge, une fois sous le giron de Numericable, pourrait surtout ralentir la cadence et se contenter de s'appuyer sur le FTTLA. En somme, Orange risque d'être esseulé dans la fibre jusqu'au foyer.
Le coup de pouce donné à Free pour se développer plus rapidement dans le mobile pourrait impliquer un changement stratégique de la part de l'opérateur dans la fibre optique. Selon nos confrères, le quatrième opérateur pourrait s'engager à investir 1,5 milliard d'euros sur cinq ans, soit 300 millions d'euros par an. De quoi épauler Orange, qui devrait avoir dépensé près de 3 milliards d'euros entre 2012 et 2015 et autant entre 2015 et 2020. Notre confrère rajoute qu'Orange et Free pourraient aussi s'allier et créer une coentreprise dédiée à la fibre, pourquoi pas en collaboration avec la Caisse des Dépôts, ceci afin de fibrer les zones à plus faible densité.
« Nous n'avons pas résorbé les effets sismiques de l'arrivée du nouvel opérateur »
On notera que cette semaine encore, Arnaud Montebourg est revenu à la charge sur le secteur télécom en déclarant à la commission des Affaires économiques du Sénat que « favoriser la consolidation et le retour à trois opérateurs n'est pas synonyme d'entente. Je voudrais dire aux associations de consommateurs qu'il peut y avoir de la concurrence à trois opérateurs. » Une concurrence qui perdurerait du fait de « la présence de Free, qui est le disruptif du secteur, maintiendra une pression sur les prix ».
L'échec du ministre de marier Bouygues à SFR n'a donc pas ralenti sa soif de voir le marché revenir à trois opérateurs. Le gouvernement ayant un certain pouvoir sur Orange, il n'est donc pas surprenant que ce dernier puisse jouer un rôle dans le rachat de Bouygues Telecom. Même si Montebourg se défend de faire preuve d'ingérence et donc de manipuler les stratégies des opérateurs, il remarque tout de même que « nous n'avons pas résorbé les effets sismiques de l'arrivée du nouvel opérateur, Free Mobile (...) le rapprochement de SFR et Numericable ne règle pas le problème, qui reste devant nous. » La solution serait-elle toute trouvée ?
Il faut tout de même rappeler que l'acquisition pourrait coûter entre 8 et 10 milliards d'euros à Orange, et si la vente des antennes et fréquences au quatrième opérateur allègera la facture, n'oublions pas que sa dette est d'environ 30 milliards d'euros. Certes, cela reste très loin de sa dette record de 61 milliards d'euros en 2001 (après avoir racheté le Britannique Orange notamment), mais elle n'en reste pas moins la plus forte du secteur, même si Altice, Numericable et SFR pourraient cumuler ensemble une dette tout aussi élevée. Pour l'opérateur historique, croquer Bouygues sera donc un choix stratégique délicat d'un point de vue financier, même si les nombreux départs à la retraite d'ici ces six prochaines années lui offrent une certaine marge de manœuvre.