La Commission de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD) vient de publier son rapport annuel. Elle s’est concentrée cette fois sur les flux financiers, mais aussi et surtout sur le confortable patrimoine immobilier des sociétés de gestion collective. 55 000 m² évalués à 300 millions d'euros.

On apprend au fil de cet épais rapport que la SACEM a par exemple acheté en 2009 « l’immeuble de la rue de l’Église à Neuilly (pour 18 M€) », lequel a « renchéri à partir de 2010 le montant annuel des dotations aux amortissements des constructions ». La SPRD n’est pas seulement propriétaire, elle est également locataire de nombreux immeubles. Avec une jolie note à la clef puisqu’ « en 2012, les loyers des sites de Neuilly (avenue Charles de Gaulle et rue Boutard) et de Paris (rue Ballu et La Villette) se sont élevés à 8,1 M€, les charges (EDF et autres fluides et fiscalité) à 613 500 € soit un coût par m² de 528 €. »
427 euros de loyers contre 5 500 euros estimés
Dans ce document, la Commission de contrôle, qui est hébergée à la Cour des comptes, développe le cas de la SDRM, laquelle est présidée par Jean-Noel Tronc, également président de la SACEM. Elle a un peu de mal à comprendre pourquoi cette société de gestion collective a confié « cet appartement de plus de 200 m² près de l’Étoile » à l’ancien directeur général de la SDRM jusqu’à son décès en 2011.
En 1972, le conseil d'administration de la SDRM, en présence de ce directeur général, avait ainsi décidé « d’acquérir un appartement qui sera mis à la disposition du directeur général et dont le loyer sera fixé par le bureau, par référence au taux moyen des placements de la société ». La SPRD n’avait pas fait de bail à l’époque, « un simple document administratif de janvier 1973 précisant les modalités initiales de paiement du loyer par l’intéressé : le montant du loyer était « fixé à 4,5 % du prix d’achat de l’appartement (620 000 F) », soit un loyer annuel de 28 000 F. Mais ce loyer était payable « en diminution des primes et gratification de fin d’année, et sur le plan fiscal l’appartement sera déclaré comme avantage en nature » sur la base d’une « surface corrigée » qui diminuait le loyer de moitié environ. »
Cinq ans plus tard, le conseil d'administration toujours en présence de l’intéressé décidait de donner un bail à vie à ce locataire en or. Montant du loyer ? 2 000 francs à l’époque, soit 305 euros. Différentes clauses ont ensuite évité que la charge ne s’envole pour l’intéressé. « De telles règles ont conduit à ce que le loyer mensuel passe de 305 € en 1977 à 427 € en 2011, soit une progression de + 40 % en 34 ans, à comparer à celle du coût de la vie de 1977 à 2011 (+ 300 %) ». Si le loyer avait simplement suivi l’inflation, ce loyer aurait atteint 1300 euros et même 5 500 euros selon un expert, au regard des prix du marché. La Commission de contrôle considère que « l’opération (que) ne justifiait en rien l’objet social de la société » et a entrainé un coût net pour la SDRM « dès lors que le montant des loyers, manifestement inférieur au prix du marché, ne couvrait même pas les charges de copropriété et qu’en outre les impôts fonciers étaient équivalents à plusieurs mois de loyer ».
Elle rappelle aussi qu’il n’a pas été le seul à subir de telle générosité. Ainsi en 2009, « un ancien dirigeant de la SACEM et de la SDRM reçoit, de la part de cette dernière société, une "allocation retraite supplémentaire" de 5 000 € par mois, par décision d'une assemblée générale extraordinaire remontant à 1996 ».
Des hébergeurs généreux avec ou sans convention ?
La Commission permanente ne fait pas que constater, elle s’interroge aussi « sur la fonctionnalité et sur les conséquences de certains choix, en particulier celui du siège de la Scam et celui de l’immeuble acquis à Bruxelles par la SACD et la Scam ». Les deux entités ont ainsi acheté en 1996, 964 m² de locaux à Bruxelles, à quelques minutes du Parlement européen, 87, rue du Prince-Royal.
Autre sujet d’étude, le fait pour les sociétés d’héberger dans leurs locaux des organismes syndicaux, associatifs ou culturels. La Commission de contrôle recommande chaleureusement à ces SPRD d’établir « des conventions d’occupation au juste prix » histoire de bien cadrer ces opérations.
Elle cite encore le cas de la SACD qui héberge l’association Beaumarchais-SACD « dans le cadre d’une mise à disposition gratuite ». Elle recommande que cette mise à disposition soit formalisée par une convention spécifique, même si c’est à titre gratuit. Cette convention pourrait préciser « que le loyer correspondant n’avait pas à être payé par l’association et abondait la subvention que lui consent la société au titre de son action artistique et culturelle ». Dans tous les cas, « la valeur correspondante doit figurer explicitement dans le bilan annuel de l’utilisation des crédits visés par l’article L. 321-9 du CPI. »
Le Scam et la plume
L’épais document vise aussi l’achat 5 avenue Vélasquez d’un immeuble par la SCAM. L’ardoise s’est chiffrée à 10,8 millions d’euros. Certes, il y a une plus-value latente, mais elle ne sera réalité que si le bien est un jour revendu. Du coup, « une politique immobilière aussi ambitieuse a pesé sur les prélèvements sur perceptions et donc sur les droits distribués aux associés. En outre, l’équilibre économique entre les frais de fonctionnement du bâtiment, sa fonctionnalité restreinte et son utilisation ou les services qu’il rend reste incertain sur le moyen terme ».
Selon la Commission de contrôle, le parc immobilier utilisé par l’ensemble des sociétés de gestion collective étudiées peut dépasser les 55 000 m². Les trois quarts sont cependant sous pavillon de la Sacem et de la SDRM, « ce qui est assez considérable ». En valeur de marché, le total frôle d’ailleurs les 300 millions d’euros. Finalement, elle espère que les associés de ces sociétés de gestion collective pourront désormais « mesurer l’incidence financière sur les coûts de gestion du choix qui conduit chacune des sociétés à circonscrire le choix de son implantation aux seuls quartiers les plus cotés de la capitale. »