Et s’il y a avait de drôles de ponts entre le Parti Pirate, la Quadrature du net et le FN ? Intitulé « Troublantes similitudes », le dernier billet du blog de la SACD tente l’analyse de haut vol sous la plume de Guillaume Prieur, le responsable des relations institutionnelles de cette puissante société de gestion collective. Manque de chance, il n’évite pas le crash dès les premières lignes.

La ligne directrice de ce billet ? Dénombrer les points communs entre le Parti Pirate, des revendications de la Quadrature du Net et le Front national, puis en déduire de douteux rapprochements. « Les défenseurs acharnés de la liberté sur le Net rejoignent l’extrême-droite europhobe dans leurs propositions sur la politique numérique et le droit d’auteur » assure tout de go l’auteur.
Il prend appui sur les déclarations de Marine Le Pen qui « ne laissent place à aucun doute sur cette convergence ». Par exemple, l’extension de la redevance audiovisuelle aux tablettes et aux PC qui serait pour l’élue frontiste, « une nouvelle intrusion de l’État qui entrave gravement nos libertés individuelles et numériques ». De même, elle accuse ACTA « de museler la Toile ». Quant à Hadopi, son maintien « démontre que le gouvernement méprise la liberté sur internet. Le Front national demande l’abrogation immédiate de la loi HADOPI et son remplacement par une licence globale. »
Et cette éminence grise de la SACD d’en déduire, tel l’enquêteur de police autoproclamé, « une porosité idéologique avec les croisés du Net ». Mieux : « cette configuration, pour le moins surprenante, pousse à se demander si leur attachement aux grands principes les encouragera à rester éloignés d’un groupe extrême-droite ». Le Parti Pirate, la Quadrature du Net et Marine Le Pen, même combat ? « On peut en douter de la part de personnes qui, pas toutes mais certaines, n’ont jamais éprouvé de gêne à être soutenus financièrement par un Georges Soros, grand spéculateur mondial, qui a mis à genoux des pays entiers. Alors, être soutenus par les amis de Vladimir Poutine, ce n’est certainement pas plus grave, non ? ».
Il ne manque pas au passage de s'en prendre à l'ex-eurodéputé du PP, Christian Engström « dont l’acharnement contre la rémunération contre la copie privée remplissait d’aise les Apple et autres constructeurs de matériels de copie ».
Tous les chats sont sur Internet, donc je suis un chat
Le développement est finalement d’une rare bêtise, même chez celui qui tente le troll amusant. On peut en effet pointer pareilles similitudes entre les Verts et le FN sans pour autant déduire que les deux groupes se rapprochent. On peut rappeler les ex-positions d’Aurélie Filippetti sur Hadopi ou ACTA sans considérer que la ministre de la Culture fut une chaude partisane de Le Pen père et fille. Et lorsque le Conseil constitutionnel a mis à terre Hadopi 1, car contraire à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ira-t-on jusqu’à dire que le « CC » est presque rempli d'encartés du FN ?
Une telle analyse signée du directeur des relations institutionnelles et européennes lui aurait valu sans doute une bien mauvaise note lorsqu’il fréquenta l’IEP Paris ou la faculté de droit de Rouen. D’ailleurs, les autres ayants droit, et donc la SACD, étaient finalement bien heureux de pouvoir profiter des échanges non marchands lorsqu’il s’agissait de maximiser le rendement de la copie privée. Avant que le Conseil d’État ne vienne stopper ce pipeline incestueux, personne n’a eu la stupidité de dire que la SACD butinait là des flux aux partisans du FN.
Pour la société de gestion collective, la manœuvre biaisée revient finalement à discréditer ceux qui osent toucher à son fonds de commerce. On ne touche pas à la copie privée, puisque la France est dans le peloton de tête en termes de rendement. On ne touche pas à la Hadopi, qu’elle a enfantée entre ses murs, selon ses dires. On ne touche pas à Acta, même si le Parlement européen a jeté à la poubelle cet accord qui tentait l’épandage de ses mesures dans toute l’Europe.
Like a virgin
Sans surprise pour son auteur, le billet a donné quelques coups de chaud hier soir sur les Internets. « Je suis d’ailleurs au regret de vous annoncer, monsieur Prieur, que vous utilisez une technique de communication du Front National assez vulgaire : le sophisme. Proche du syllogisme et pourtant parfaitement faux » explique Numendil qui cite un exemple aussi costaud : « Tous les chats sont sur Internet. Or, je suis sur Internet. Donc, je suis un chat. »
Sur Twitter, Guillaume Prieur s’est malgré tout revêtu des habits de la vierge :
@Solarus0 J'ai juste noté des similitudes sur le droit d'auteur entre le FN et les défenseurs de la liberté du net. C'est inexact ?
— guillaume prieur (@guilprieur) June 2, 2014
Une pseudo analyse qui a la solidité du château de sable face à la marée :
Confort de l'impensée ou effort critique envers les partis traditionnels laissant le FN poser en garant des libertés ? @guilprieur a choisi.
— Félix Tréguer (@FelixTreguer) June 2, 2014
fallait oser. @guilprieur a osé. Paraît qu'il ose tout. Paraît que c'est même à ça qu'on le reconnaît. http://t.co/oCrb5Pz9fD
— affordanceinfo (@affordanceinfo) June 2, 2014
.@guilprieur vous jouez les idiots, c'est vraiment de la mauvaise foi ou alors vous êtes sincères et c'est encore pire ?— J (@Numendil) June 2, 2014
Avec pour finir, ce petit tweet de Laurent Chemla :
@guilprieur @Ha_Sayf @laquadrature @UnGarage Le FN veut soutenir l'exception culturelle française. Une étrange proximité avec la SACD.
— Laurent Chemla (@laurentchemla) June 2, 2014