Peut-on signaler la présence de radars ou de contrôles routiers sur Facebook ? Alors que la justice française devra répondre à cette question d’ici plusieurs mois, nous avons demandé à l'avocat Anthony Bem son analyse de la législation actuellement en vigueur.
Le 9 septembre prochain, une dizaine d’internautes sont cités à comparaître devant le tribunal correctionnel de Rodez. Tous sont utilisateurs du groupe Facebook « Le groupe qui te dit où est la police en Aveyron ». Le principe est simple : avertir les autres membres de la présence de radars ou bien de patrouilles de gendarmerie ou de police.
Une page qui a manifestement irrité le ministère public, lequel a ainsi engagé des poursuites pour dénonciation de contrôles routiers. Le tout en s’appuyant sur l’article R 413-15 du Code de la route, introduit début 2012 par décret afin d’interdire les avertisseurs de radars en voiture. Depuis, seuls les dispositif d'aide à la conduite sont autorisés à avertir les conducteurs de « zones dangereuses », et non plus de la localisation exacte des radars. Voilà d'ailleurs pourquoi la gendarmerie s'autorise à diffuser ce type d'information de temps à autres sur certaines pages Facebook.
Ces internautes qui signalaient des radars et autres contrôles routiers sur Facebook risquent-ils d’être condamnés ?
L’article R 413-15 du Code de la route interdit notamment le fait de faire usage d’un « appareil », « dispositif » ou « produit » permettant de « déceler la présence ou perturber le fonctionnement d'appareils, instruments ou systèmes servant à la constatation des infractions à la législation ou à la réglementation de la circulation routière » ou de « se soustraire à la constatation desdites infractions ». Ainsi, la pratique consistant à signaler des radars et autres contrôles routiers sur Internet ne vise pas à proprement parler à « déceler la présence ou perturber » la présence de radars par des moyens techniques.
Étant donné le caractère récent de cet article, aucune jurisprudence n’a encore statué sur la question de savoir si le fait d’utiliser des sites Internet comme Facebook pour signaler la présence de radars et autres contrôles routiers tombe sous le coup de l’interdiction édictée à l’article R413-15 du Code de la route.
Cependant, force est de constater que cet article est rédigé de manière très vague, puisqu’il vise tout « appareil », « dispositif » ou « produit ». Dès lors, selon le contenu que la jurisprudence donnera à ces notions, les sites Internet sont susceptibles de rentrer dans le champ d’application de l’article R 413-15 du Code de la route, de sorte que les internautes qui, signalant au moyen de groupes Facebook la présence de radars et autres contrôles routiers, pourraient voir leur responsabilité engagée.
Cela est d’autant plus probable que le dernier alinéa de l’article R 413-15 du Code de la route - qu’on oublie souvent de citer - énonce que : « Les dispositions du présent article sont également applicables aux dispositifs ou produits visant à avertir ou informer de la localisation d'appareils, instruments ou systèmes servant à la constatation des infractions à la législation ou à la réglementation de la circulation routière. »
Pour les internautes dont il est question, il est certain que leur but était d’avertir ou informer de la localisation des radars. Reste maintenant à savoir si les sites Internet concernés sont des « dispositifs » ou « produits » au sens de cet article.
Si tel était le cas, à quelles peines s’exposeraient ces personnes ?
En plus d’une amende pouvant aller jusqu’à 1 500 euros, les peines peuvent consister en :
- la confiscation de l’appareil, du dispositif ou du produit ou même du véhicule dans certaines conditions,
- la réduction de six points du permis de conduire,
- la suspension du permis.
Existe-t-il des distinctions entre différents types de « canaux », par exemple entre un message publié sur une page Facebook et le fait de suivre un fil Twitter spécialisé ?
Peu importe le « canal » utilisé, la différence réside plutôt dans le rôle actif ou passif de l’internaute. En d’autres termes, l’internaute qui publie un message sur Facebook pour signaler la localisation précise de radars ou d’autres contrôles routiers encourt des sanctions pénales, contrairement à l’internaute qui se contente de prendre connaissance d’une telle information en suivant un fil Twitter.
Finalement, qu’est-il possible de dire ou de faire sur Internet sans risquer de poursuites pénales ?
Contrairement à ce que pensent beaucoup de personnes, Internet est loin d’être une zone de non droit. Et pour s’en convaincre, il suffit de regarder le nombre croissant de décisions de justice condamnant des personnes pour différents types d’atteintes commises sur Internet.
Dès lors, le fait de diffuser des messages sur Internet pour signaler la présence de radars est susceptible de déboucher sur des sanctions pénales, en ce sens qu’une telle pratique va à l’encontre de l’interdiction posée par l’article R 413-15 du code de la route.
Merci Maître Bem.