En réaction au conflit opposant Hachette et Amazon, Aurélie Flippetti, la ministre de la Culture et de la Communication, « appelle à la vigilance l’Europe sur les tentations d’abus de position dominante d'Amazon ». Une phrase lourde de sens alors que Google est en pleine tourmente depuis plusieurs années en Europe, même si un accord à l'amiable pourrait être trouvé d'ici quelques mois.
« Faire du chantage aux éditeurs (...) n'est pas tolérable »
Depuis un moment maintenant, le cybermarchand américain Amazon cherche à renégocier ses contrats avec les éditeurs de livres et d'ebooks. Hachette Book Group USA est concerné et à ce jour, aucun accord n'a été trouvé. Au point qu'Amazon est passé à l'offensive et a stoppé les précommandes des titres de l'éditeur, et ses livres actuels affichent parfois des délais de livraison importants et anormaux de trois à quatre semaines.
Une situation qui n'est pas du goût d'Aurélie Filippetti, qui « juge inacceptables les pratiques d’Amazon (...) Une nouvelle étape a été franchie par le groupe de vente en ligne. Faire du chantage aux éditeurs en restreignant l'accès du public aux livres de leurs catalogues pour leur imposer des conditions commerciales plus dures n'est pas tolérable » estime ainsi la ministre.
Hachette Book Group USA appartient à Hachette Livre, premier éditeur en France grâce notamment au Livre de Poche. Il est aussi l'un des leaders dans le monde et sa maison-mère est le groupe Lagardère. Ce dernier détient des radios, des magazines et hebdomadaires, une chaîne de télévision, produit des programmes TV (C dans l'air, Joséphine Ange Gardien, Mafiosa, Borgia, etc.), compte une division sport (conseil, organisation et commercialisation) et il dispose de grands sites internet comme LeGuide et BilletRéduc. Pour la ministre, voir l'un des intérêts du groupe Lagardère être malmené est donc problématique, l'action d'Amazon ayant des répercutions commerciales selon les auteurs de l'éditeur Hachette.
La menace d'une enquête par la Commission européenne
Selon Filippetti, les actions du cybermarchand sont « une menace pour les éditeurs mais aussi pour les lecteurs et les auteurs, pris en otage. Alors qu’Amazon prétend faire tomber les frontières entre les écrivains et les lecteurs, il entrave aujourd’hui la diffusion de certains livres. » Estimant que l'Américain est en quête d'une position dominante dans le secteur de l'édition, ceci « au prix de pratiques commerciales agressives et destructrices de valeur pour toute la chaîne du livre », elle fait ici référence aux nouvelles conditions imposées à Hachette, mais aussi aux livraisons offertes à ses clients, cheval de bataille de la ministre.
Mais si cette dernière s'est déjà attaquée à Amazon sur son territoire, elle semble vouloir déplacer le combat au niveau continental. Elle souhaite ainsi « que la Commission européenne puisse exercer toute sa vigilance pour prévenir des situations d’abus de position dominante si celles-ci étaient attestées en Europe ». Il s'agit donc ici d'une menace à peine voilée envers Amazon de pousser la Commission européenne à enquêter à son sujet, ce qui pourrait mener à des sanctions et notamment une lourde amende. Il n'est toutefois pas certain que cela fasse reculer l'Américain.