Alors que le gouvernement a interdit il y a plus de deux ans par décret les avertisseurs de radars, certains conducteurs se sont rabattus sur les réseaux sociaux afin de continuer à signaler la présence de policiers ou de contrôles sur nos routes. Le Parquet de l’Aveyron s’appuie justement sur ces dispositions du Code de la route pour traîner en justice une dizaine d’utilisateurs d’une page Facebook de ce type. Explications.

« Radar entre Lioujas et Bozouls », « Flics autour d'Espalion, deux retraits de permis faites gaffe »,... Voilà le type de messages qui fleurissent depuis plusieurs mois sur la page Facebook « Le groupe qui te dit où est la police en Aveyron ». Comme son nom l’indique, il s’agit en quelque sorte d’une version « 2.0 » des traditionnels appels de phare, censés prévenir d’autres conducteurs de la présence proche de gendarmes ou de radars. Ce groupe est cependant loin d’être un cas unique, puisqu’il en existe des dizaines d’autres sur le célèbre réseau social, et ce rien que pour la France.
Une dizaine d'internautes convoqués devant le tribunal au mois de septembre
Sauf que plusieurs utilisateurs de ce groupe ont eu la surprise de recevoir il y a quelques jours une citation à comparaître devant le tribunal correctionnel de Rodez. Le ministère public a en effet engagé des poursuites à leur encontre pour dénonciation de contrôles routiers. Le Parquet accuse ces internautes d’avoir « fait usage d’appareil, de dispositif ou de produit permettant de se soustraire à la constatation des infractions routières », et ce en publiant des messages sur Facebook via leurs téléphones portables. Une telle infraction est passible d’une d’amende d’un montant de 1 500 euros maximum, ainsi que d’une suspension du permis de conduire pouvant aller jusqu’à trois ans. Certains habitués du groupe sont également cités à comparaître pour outrage à agent, vraisemblablement suite à des insultes proférées sur cette page.
Contacté par Centre Presse Aveyron, le procureur de la République Yves Delpérié a confirmé que ce groupe Facebook était dans son collimateur depuis plusieurs mois. « Il faut tuer ça dans l’œuf ! Cela met en péril tous les contrôles routiers » a-t-il ainsi expliqué à nos confrères. Depuis deux ans, la gendarmerie du Var a pourtant ouvert une page Facebook sur laquelle sont justement annoncés les contrôles radars, et ce à titre préventif (voir notre article). Quoi qu’il en soit, une dizaine de personnes seraient ainsi convoquées devant le tribunal le 9 septembre prochain.
La légalité d'une pratique en question
D’ici là, les utilisateurs de ce groupe (qui compte près de 9 000 membres à l’heure où nous écrivons ces lignes) tentent de mobiliser l’opinion publique, notamment via le lancement d’une pétition en ligne. De son côté, le Parquet espère que l’affaire puisse faire jurisprudence, manifestement afin de stopper une fois pour toutes les internautes.
Mais il est loin d’être acquis que le tribunal correctionnel suive les accusations du ministère public. Dans Le Figaro, l’avocat Rémy Josseaume - également président de l'Automobile-Club des Avocats - expliquait ainsi l’année dernière que « si les avertisseurs de radars sont désormais proscrits depuis le décret du 4 janvier 2012, la communication d'information sur le Net ne rentre pas dans le cadre de cette interdiction laquelle sanctionne uniquement, rappelons-le, l'usage de « dispositif » ou de « produit » visant à avertir ou informer de la localisation des radars. De là à assimiler les réseaux sociaux à un « dispositif » au sens de ce texte, il reste un pas à franchir. Ceci d'autant plus que cette nouvelle réglementation autorise les « assistants d'aide à la conduite » et que les forces de l'ordre n'hésitent pas elles-mêmes, dans certains départements, à annoncer préalablement leurs contrôles de vitesse sur Facebook. »
Quelle que soit l’issue de cette procédure, la manœuvre aura au moins eu le mérite d’installer pendant un certain temps le doute chez les utilisateurs de ce type de pages Facebook.