Pour piloter ses offres dans les différents pays européens où il est disponible, Netflix a posé ses valises au Luxembourg depuis 2011. Une situation qui n'aura duré qu'une poignée d'années, puisque l'américain compte désormais s'établir aux Pays-Bas. La faute à la transposition d'une directive européenne visant à appliquer le taux de TVA de l’État du consommateur et non du pays hôte.
Un faible taux de TVA désormais sans intérêt
Afin de gérer leurs activités en Europe voire sur d'autres continents, de nombreuses entreprises américaines se sont établies en Irlande ou au Luxembourg. Si l'on se contente des sociétés liées à la haute technologie, on compte Google, Amazon, Apple, Microsoft, Yahoo, Facebook, et donc Netflix. Les paysages, l'architecture et l'alcool qu'on y trouve ne sont pas les seules raisons de s'y établir. L'intérêt est bien entendu fiscal. S'ils ne sont pas forcément des paradis fiscaux comme certaines îles bien connues, ces deux pays offrent soit des taux d'impôts plus faibles que la plupart des pays européens, soit des taux de TVA inférieurs.
Mais le Luxembourg va perdre le 1er janvier 2015 l'un de ses atouts majeurs. Le Grand-Duché pratique en effet une TVA de 15 % pour de nombreux produits dont les services immatériels fournis par voie électronique, et même de 3 % pour les denrées alimentaires et certaines activités et produits spécifiques. Cette TVA de 15 % est le taux minimum légal dans l'Union européenne (hors taux réduits). Un avantage par rapport aux 20 % (voire plus) de très nombreux pays continentaux. Depuis plusieurs années, le Luxembourg encaisse donc des sommes très importantes issues des services étrangers, et en particulier américains. L'iTunes Store, Amazon ou encore Netflix facturent ainsi certains de leurs services européens avec la TVA luxembourgeoise, pour le bonheur du petit pays de 500 000 habitants.
Ce taux de TVA passera de 15 à 17 % au Luxembourg dès l'an prochain, ceci pour de nombreux produits et services. Le problème n'est toutefois pas cette hausse de deux points, car le pays restera toujours le plus attractif d'Europe sur ce point. Cette augmentation a surtout été décidée afin de compenser une perte d'un milliard d'euros suite à la transposition d'une directive européenne imposant le taux de TVA de l'acheteur plutôt que du pays hôte. Résultat : les clients luxembourgeois n'ayant qu'une importance limitée (voire nulle pour Netflix puisqu'il n'y propose pas encore ses services), le pays perd de son intérêt.
En 2015 et 2016, ceci afin de limiter ses pertes financières, le Grand-Duché a négocié avec l'Europe de pouvoir conserver 30 % des recettes issues de la TVA venant des autres pays européens. Cette part passera ensuite à 15 % en 2017 et 2018, pour arriver à 0 % dès 2019. Pour Netflix, cet accord n'a de toute façon aucune importance à ses yeux. Il a ainsi décidé de plier bagage dès l'an prochain. Xavier Bettel et Étienne Schneider, respectivement premier ministre et ministre de l'Économie luxembourgeois, ont ainsi indiqué dans une réponse parlementaire ce mardi que « le gouvernement a été informé par la société (Netflix, ndlr) de son intention de transférer ses quartiers généraux aux Pays-Bas (…) avec un calendrier prévisionnel fixé au début de l'année 2015 ». Une nouvelle peu surprenante, la presse locale l'annonçant dès le mois d'avril.
Pourquoi les Pays-Bas ?
Le même jour, Netflix annonça son arrivée en France, en Allemagne, en Autriche, en Suisse, en Belgique et au... Luxembourg. Ou l'art de diffuser une bonne et une mauvaise nouvelle simultanément. Pourquoi alors partir aux Pays-Bas ? Du fait des nouvelles règles européennes, son taux de TVA n'a aucune importance. Il est de toute façon de 21 % depuis deux ans, soit plus que la France, le Royaume-Uni ou encore le Luxembourg. Le plat pays a surtout pour atout d'exonérer certaines activités. C'est par exemple le cas des dividendes transférés aux sociétés mères, ou encore des plus-values réalisées sur les cessions de titres.
Pour les groupes internationaux, le pays du Gouda et de l'Edam est donc intéressant à plus d'un titre. On y retrouve le siège européen ou juste certaines activités spécifiques de sociétés comme Air-France, Airbus Groups (EADS), Gemalto, Renault-Nissan, Orange, EDF, Thales, Veolia, GDF Suez, etc. Les géants Publicis et Omnicom, avant d'annuler leur fusion, avaient aussi décidé de s'installer aux Pays-Bas. Quant à Netflix, ses offres d'emploi en Europe concernent en très grande partie ce pays, ceci depuis plusieurs mois. Le transfert est donc prévu de longue date, sachant qu'il était encore peu établi au Luxembourg, contrairement à Amazon, qui y compte un très grand nombre d'employés.
Concernant le Luxembourg justement, Netflix n'est pas le seul service américain à y avoir déposé ses valises spécifiquement pour sa TVA. Amazon, Skype et iTunes Store pourraient aussi quitter le pays suite à l'application de la directive européenne. À l'heure actuelle, ces trois sociétés n'ont pas annoncé leur départ. Mais le gouvernement luxembourgeois se doute de la probabilité importante qu'un tel scénario se matérialise : « Pour celles d'entre elles qui ont opté pour le Luxembourg principalement pour des raisons de fiscalité indirecte et qui n'ont pas voulu explorer d'autres possibilités, l'horizon 2015 devrait les amener à reconsidérer à terme leur établissement au Luxembourg. Ceci est un fait connu du gouvernement depuis le début du développement du secteur » a ainsi déclaré le premier ministre. Ce dernier souhaite toutefois maintenir les entreprises internationales sur son sol : « Le gouvernement s’attèle à soutenir les entreprises qui croient au Luxembourg et qui veulent y développer leurs activités, qu’elles soient nationales ou étrangères. »