Les MVNO, ces opérateurs qui louent les réseaux des détenteurs de licence, sont-ils voués à mourir en France ? Rachetés par les grands opérateurs ou fusionnés entre eux, les MVNO souffrent d'une concurrence très importante opérée par les offres Sosh, B&You, Red, Free Mobile, etc. Leurs conditions contractuelles ne leur donnent pas les marges suffisantes pour résister, et l'ARCEP n'est pas leur plus grand défenseur depuis deux ans.

De moins en moins nombreux
En forte croissance durant quelques années, notamment en 2010 et 2011, les MVNO ont pris une belle claque avec l'arrivée de Free Mobile début 2012. Les contre-attaques d'Orange, Bouygues et SFR n'ont de plus en rien arrangé leur situation. Résultat, ces opérateurs dits virtuels sont forcés de fusionner entre eux comme PrixTel et Zero Forfait ou encore Auchan Telecom et NRJ Mobile, ou bien d'être rachetés, comme ce fut le cas de Simyo et Darty Télécom par Bouygues et certainement de Virgin Mobile par Numericable/SFR.
Début 2013, l'Autorité de la concurrence, saisie par l'association Alternative Mobile qui représente les MVNO, avait déjà pointé du doigt les freins imposés aux opérateurs virtuels. L'accès aux tarifs de gros des offres à bas prix des principaux opérateurs, ainsi que celles portant sur la 4G, tardait bien trop à finir dans les mains des MVNO selon l'autorité. Or quand on sait l'importance de ces deux types d'offres, qui ont cumulé des millions d'abonnés ces deux dernières années, on comprend très vite que l'objectif a bien été de mettre de côté ces petits opérateurs afin de contrer Free Mobile.
L'autorité précisait déjà à l'époque qu'elle « considère qu’aucune barrière technique ou tarifaire (...) ne doit être artificiellement érigée par les opérateurs de réseau, au risque de désavantager les opérateurs mobiles virtuels dans la dynamique de la concurrence ». Et elle rajoutait que « les MVNO doivent être en mesure de commercialiser leurs offres dans les mêmes délais que leurs hôtes », ce qui n'a évidemment pas été le cas. Une différence de traitement qui a constitué « un frein qui vient brider la capacité des MVNO à innover et à explorer la demande en limitant de fait leur autonomie commerciale ». De quoi tuer le poussin dans l'œuf.
Le rôle de l'ARCEP pointé du doigt
Tout ceci est-il forcément la faute de Free Mobile ? En partie mais pas toujours directement. Ses offres ont sans contestation un poids important dans la stagnation voire le déclin de certains MVNO (mais pas tous), et les réactions des autres opérateurs n'ont fait que renforcer cette situation. Mais c'est surtout la réaction de l'ARCEP qui gêne Alternative Mobile. Selon Les Échos, l'association estime que les intérêts des MVNO ne sont pas assez défendus par l'Autorité de régulation des télécoms. Cette dernière est de plus accusée d'utiliser ces opérateurs comme des variables d'ajustement pour la concurrence. La présence de Free Mobile rendrait ainsi les opérateurs virtuels sans grand intérêt.
La problématique numéro un est tout d'abord que les moyens de faire plier les grands opérateurs sont limités. L'ARCEP elle-même ne peut obtenir tout ce qu'elle souhaite. Afin d'améliorer cette situation, Alternative Mobile compte s'immiscer dans la future loi sur le numérique d'Axelle Lemaire et y intégrer une disposition pour une reconnaissance juridique du rôle des MVNO et sur une protection spécifique de l'ARCEP.
« Ils ne renaîtront pas demain quand on sera revenus à trois opérateurs »
Léonidas Kalogeropoulos, le délégué général d'Alternative Mobile, a ainsi expliqué que les opérateurs virtuels souhaitent « surtout que le degré d'attention que l'on nous porte ne dépende pas que de l'intensité concurrentielle du moment. (...) Il est très important de veiller au développement pérenne des MVNO, qui sont les garants de la concurrence, de l'animation et de l'innovation sur le marché, en particulier dans le contexte d'un retour à trois opérateurs. » Et quand on sait que le gouvernement et certains opérateurs souhaitent resserrer le marché afin d'augmenter leurs marges et relancer leur croissance, l'avenir des MVNO est clairement un point central, car en cas de disparition, « ils ne renaîtront pas demain quand on sera revenus à trois opérateurs » note fort justement Kalogeropoulos.
Afin de résister, pour ne pas dire survivre, les petits opérateurs comptent en tout cas encore se battre, même si certains ont déjà baissé les bras comme Virgin Mobile. Alternative Mobile va par exemple s'appuyer sur le rachat de SFR par Altice/Numericable pour demander une régulation de leurs tarifs de gros à l'Autorité de la concurrence, ceci afin de pouvoir proposer des offres équivalentes.
Avec la très probable vente de Virgin Mobile à Numericable/SFR, la part de marché des MVNO va surtout sombrer. Au 31 mars dernier, ces opérateurs captaient 11,3 % du marché en France métropolitaine selon le dernier bilan de l'ARCEP. Cela représente 8,455 millions de cartes SIM. Sans Virgin, cette part pourrait tomber à 9 % du marché. Et nous ne sommes pas à l'abri d'autres acquisitions. De quoi affaiblir un peu plus encore les petits opérateurs si l'autorité de régulation maintient le statu quo.