Combien les ayants droit ont remboursé de copie privée aux professionnels ? C'est la question qu'avait posé le député de Haute-Savoie Lionel Tardy à la ministre de la Culture. Celle-ci vient de répondre, montants à l'appui.
Le député Lionel Tardy avait questionné la ministre de la Culture pour savoir le montant de redevance pour copie privée remboursé en 2012 et 2013. Depuis la loi du 20 décembre 2011, en effet, les professionnels ont théoriquement la possibilité de se faire rembourser la copie privée. Et pour cause : selon la CJUE, ceux-ci n’ont pas à supporter cette charge qui est totalement étrangère avec leurs activités. Seuls les particuliers, pour leur usage privé, doivent en effet payer conformément à la directive de 2001 sur le droit d’auteur.
Seulement, le ministère de la Culture a prévu un gros grain de sable pour rendre très délicat ce droit à remboursement. Le même jour que la publication de la loi au journal officiel, il publiait un texte pour conditionner ce remboursement à la production d’une facture informant des montants de la copie privée. Or, ce n’est qu’au premier avril 2014 qu’un autre texte est venu pour imposer cette procédure.
Lionel Tardy a ainsi demandé combien de sommes avaient été remboursées depuis l’entrée en application de la loi. Pour mémoire, l’étude d’impact qui fut présentée par le gouvernement aux députés et sénateurs, estimait que les flux professionnels représentaient 20 à 30 % du total de la perception (190 millions chaque année, grosso modo).
375 805 euros remboursés depuis la loi de 2011
Selon Aurélie Filippetti, « au 12 février 2014, 568 dossiers de demande de remboursement ont été réceptionnés par la société Copie France depuis l'entrée en vigueur de la loi de 2011. 233 demandes ont été rejetées pour des raisons tenant principalement aux conditions d'utilisation des supports concernés. 335 demandes ont été acceptées et ont donné lieu à des remboursements effectifs d'un montant total de 375 805 €. »
Certes, la ministre prévient que Copie France, société de perception de la copie privée, a avalisé près de 1900 conventions d’exonération. C’est une autre piste ouverte aux pros par la loi sur la copie privée qui leur permet d’acheter sans redevance. Cependant, ces 1900 conventions ont été signées avec autant d’entreprises, association, église, université, hôpitaux et autres administrations. Elles ne sont donc qu’une goutte d’eau sur la masse des structures existantes en France (plusieurs millions).
La France en tête des perceptions
Résultat des courses : dans ce système désincitatif (un exemple) les sommes qui sont actuellement payées par les autres professionnels ne sont ni réclamées ni donc remboursées. Pas étonnant du coup que ce joli mécanisme participe à propulser la France parmi les pays les plus généreux. Selon le dernier rapport de Thuiskopie, société de gestion de la copie privée aux Pays-Bas, les ayants droit français aspirent en effet 2,65 euros par habitant. C’est le plus haut niveau atteint parmi les autres pays comparés. Encore une fois. On notera la réaction d’un des ayants droit, bénéficiaire de la copie privée :
Précisons enfin que la CJUE a rappelé que les États-Membres doivent prévoir un dispositif de remboursement « effectif » pour les non-particuliers. Depuis le 1er avril 2014, les vendeurs français ont l’obligation juridique d’indiquer sur leur facture le montant de la copie privée (voir la procédure). Seulement, tous ne le font pas, déjà parce qu’elle suppose une couteuse mise à jour des logiciels de facturation. Et la ministre de la Culture le sait lorsqu’elle glisse timidement que « certains vendeurs font d'ores et déjà figurer le montant de la rémunération pour copie privée applicable sur la facture remise aux acquéreurs de supports à des fins professionnelles » Pas étonnant donc qu'on s'attend à un nouvel échec de ces droits au remboursement.