Bouygues recrute fortement dans le fixe mais annonce un plan d’économie

Le groupe Bouygues a dévoilé hier soir les très attendus résultats de son premier trimestre 2014. Et sa filiale télécom annonce trois grandes nouvelles : le marché mobile tarde toujours à décoller, le secteur haut débit fixe progresse grâce à son offre triple-play à 19,99 euros et un nouveau plan d'économie de 300 millions d'euros est prévu.

Sa dernière offre triple-play à prix cassé a très bien fonctionné au mois de mars

Un chiffre d'affaires en baisse de 23 % en trois ans

Quelques jours à peine après les rumeurs d'un licenciement massif de 1 500 à 2 000 salariés chez Bouygues Telecom, le groupe a donc présenté hier son bilan. Et si certaines données sont plutôt positives pour la société, tout n'est pas rose pour autant et laisse craindre le pire pour les trimestres à venir.

D'un point de vue strictement financier, le chiffre d'affaires de sa branche télécom continue de souffrir, avec seulement 1,081 milliard d'euros, en baisse de 5,6 % en un an. En trois ans, c'est-à-dire par rapport au premier trimestre 2011, le recul est tout de même de 23 %, soit presque un quart de moins. Bonne nouvelle toutefois, la chute est bien moins violente qu'entre 2012 et 2013 (-16 %). Néanmoins, malgré la 4G et bien des efforts commerciaux, son chiffre d'affaires continue sa régression, au point que Free pourrait le surpasser d'ici peu, ce qui serait une véritable claque infligée à Martin Bouygues. Son opérateur deviendrait en quelque sorte le quatrième du pays, alors qu'il l'est déjà en nombre de clients si l'on cumule le mobile et le fixe.

Un bénéfice net en trompe l'œil et un nouveau plan d'économie

Autre point noir : son bénéfice net a atteint les 100 millions d'euros. Certes, ce résultat est en hausse de 85 millions d'euros en un an et il s'agit même du meilleur bilan pour cette branche depuis 2010. Mais attention, cela ne prouve pas que les réductions de coûts opérées ces derniers mois sont payantes et que l'opérateur est redevenu une machine à cash pour le groupe. En effet, il est bien précisé que que la société a reçu « 200 millions d’euros liés notamment au règlement de litiges ». Il est ici question d'un accord passé avec Orange il y a quelques mois afin d'amener du cash et lui permettre racheter SFR plus aisément. Moyennant une ristourne, l'opérateur historique a ainsi réglé différents litiges avec Bouygues. Une tactique qui a donc certes permis à l'opérateur de gonfler à court terme ses résultats, mais ce n'est que momentané.

La situation est d'ailleurs telle que le précédent plan de réduction de coûts, qui l'avait notamment conduit à réduire ses effectifs de plus de 500 employés, ne semble pas suffisant à ses yeux. Le créateur de la B&You indique dans son bilan qu'il a désormais pour objectif de réduire ses coûts de 300 millions d'euros d'ici 2016. Une nouvelle qui peut faire trembler les syndicats, même si la société n'a pas précisé comment ces baisses de coûts seront réalisées. Eric Haentjens, son directeur financier, a tout de même concédé que cela pourrait avoir « des conséquences sociales », sans en dire plus. On se doute que les employés serviront de variables d'ajustement et que si l'on n'atteindra peut-être pas les 1 500 à 2 000 suppressions évoquées ces derniers jours, plusieurs centaines d'emplois sont potentiellement en jeu. Nous devrions en savoir plus en juin, lors du prochain Comité Central d'Entreprise.

Légère hausse des abonnés mobiles et chute des clients prépayés

Concernant l'évolution de la clientèle de l'opérateur, Bouygues indique compter au 31 mars 11,064 millions de clients mobiles, soit une baisse de 79 000 en trois mois. Dans les détails, il cumule 9,940 millions d'abonnés (+30 000) et 1,124 million de clients prépayés (-109 000). Ces derniers ne représentent ainsi plus que 10,2 % de toute sa clientèle mobile, contre 33 % il y a neuf ans et près de 21 % il y a trois ans. La mort du prépayé, précipitée par les forfaits à très bas prix proposés par la plupart des opérateurs, est en marche et n'est qu'une question de temps.

Du côté de la 4G, à l'instar de SFR, Bouygues annonce 1,4 million de clients, en hausse de 400 000 en trois mois. Cela représente tout de même 13 % de tous ses abonnés, ce qui montre un certain succès de ses offres LTE. L'opérateur indique d'ailleurs qu'il misera sur le très haut débit mobile pour attirer des clients de valeur. Il est de plus précisé que la consommation moyenne des données est désormais de 2 Go par clients 4G.

« Vif succès de la nouvelle offre triple-play à 19,99 euros »

Au sujet du marché fixe, la filiale du groupe Bouygues peut avoir le sourire. Avec 100 000 clients supplémentaires, elle réalise même le meilleur bilan du marché, loin devant Orange, Free et SFR. La performance est d'autant plus belle quand on sait qu'au deuxième trimestre 2013, le fondateur de la Bbox avait sombré en ne recrutant que 10 000 clients fixes supplémentaires. Un résultat misérable qui appartient donc au passé.

Aujourd'hui, il compte donc 2,113 millions de clients haut et très haut débit. Cette croissance, sans surprise, est liée « au vif succès de la nouvelle offre triple-play à 19,99 euros, commercialisée à compter du 3 mars 2014 ». Le très haut débit, tiré par son exploitation du réseau de Numericable, compte pour sa part 378 000 clients, en hausse de 15 000 en trois mois et de 66 000 en un an. Selon l'opérateur, il couvre toutefois désormais 1 million de foyer en FTTH et vise 1,4 million de logements d'ici la fin de l'année. Cela reste toutefois bien loin d'Orange, qui couvre pour sa part 2,744 millions de foyers à la même date, et les 3 millions seront rapidement atteints.

Vers un rachat par Orange ?

Hier, nous vous indiquions que le syndicat CFE/CGC militait pour une fusion entre Orange et Bouygues Telecom. Un scénario complexe en matière de concurrence, mais pourtant pris très au sérieux par nos confrères des Échos, qui affirment que des discussions entre les deux opérateurs sont bien en cours. D'après Stéphane Richard, le patron d'Orange, il n'y a rien d'acquis, mais cela reste une possibilité. « On évalue nos options, mais personne ne m’a demandé du côté de l’État d’étudier le rachat de Bouygues Telecom » a ainsi précisé le PDG récemment renouvellé, tout en rajoutant qu'il ne souhaite pas « engager Orange dans une aventure ».

Afin de plaire à aux autorités de la concurrence française et européenne, Bouygues Telecom pourrait céder ses fréquences et ses antennes à Free Mobile en échange de 1,8 milliard d'euros, à l'instar de l'accord signé durant les négociations avec SFR. Un autre type de partenariat pourrait être étudié et qui serait bien mieux accepté par les autorités. Sans aller jusqu'au rachat, Orange pourrait en fait remplacer SFR dans la mutualisation des antennes avec Bouygues. Cela aurait pour avantage de réduire les coûts et Free Mobile récolterait toujours les fruits d'un tel partenariat avec quelques antennes et fréquences à la clé.

Selon Philippe Marien, le directeur financier du groupe Bouygues, il reste « attentif aux évolutions du secteur », sachant que pour lui, « tous les scénarios étaient sur la table » rapporte l'AFP. Néanmoins, officiellement, la stratégie de Bouygues ne met en aucun cas en avant un éventuel partenariat ou encore moins un rachat. L'objectif est d'axer son développement sur la 4G, le secteur fixe avec son offre à prix cassé à 19,99 euros et la baisse de ses coûts de 300 millions d'euros.