Pour tenir le calendrier imposé par la loi de décembre 2011, la commission copie privée accélère ses travaux. Et même sa régénérescence grâce à l’intervention d’Aurélie Filippetti.
La dernière réunion du 9 octobre avait été boudée par les industrielles. La Commission « copie privée » n’avait donc pas rempli les conditions de quorum exigé par les textes (quorum = nombre de membres qui doivent être présents pour qu’une assemblée puisse valablement délibérer). Conformément à l'alinéa 2 de l'article R.311-5 du Code de la propriété intellectuelle, une nouvelle réunion a été programmée cette fois sans condition. Elle aura lieu demain en fin de matinée. Un rendez-vous chargé puisque les membres présents examineront notamment le barème proposé par les ayants droit sur les CD, les DVD, les clés USB et les cartes mémoires.
Phénomène rarissime, la Commission se réunira une nouvelle fois le même jour, cette fois à 14h30. Elle planchera cette fois sur les propositions de barèmes concernant les décodeurs/box, les disques durs externes standards et les disques durs externes multimédias.
Ce régime survitaminé est consécutif à la loi de décembre 2011 qui a maintenu des barèmes déclarés illicites par le Conseil d’État. Elle a laissé 12 mois à la commission copie privée pour les rectifier et purger leurs défauts : l’assujettissement des professionnels, prise en compte des sources illicites... Cette purge aurait dû générer des montants minorés, mais les ayants droit proposent désormais des barèmes avec des augmentations parfois très fortes (+326 % sur les tablettes, +140 % sur les smartphones, etc.).
Aurélie Filippetti intervient
Toujours dans cette logique d’accélération, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti a rédigé une lettre aux actuels membres de la Commission copie privée pour leur apprendre qu’ils seraient tous reconduits. Explication : leur nomination date d’un arrêté du 15 décembre 2009. Il ne vaut que pour deux ans. D’ici la mi-décembre, il faut donc régénérer tous collèges. Tous ou presque.
Dans le même temps Filippetti découvre que l’Aproged, l’association des professionnels pour l’économie numérique, a manifesté le souhait de ne plus participer aux travaux. Cette association ne figurera donc pas sur la liste des heureux réélus. Seul détail, pour passer du constat à l’acte, cette reconnaissance ministérielle a pris du temps. Voilà un an que l’APROGED ne participe plus aux travaux en commission copie privée ! Normalement, le président de la Commission aurait dû déclarer l’association démissionnaire dès la troisième absence. Ce qu’il n’a pas fait.
Depuis, tous les votes en commission copie privée ont donc été passés avec une majorité absolue d’ayants droit : 12 membres contre 6 industriels et 5 utilisateurs.
Action devant le Conseil d’État
« Cela fait dix fois que l’APROGED n’est pas là, la Commission copie privée n’a rien fait. Nous irons au Conseil d’État ! » nous indique déjà Bernard Heger. Le délégué général du Simavelec sait cependant la bataille presque vaine : même s’il remportait la manche, « les conséquences pratiques sont extraordinairement faibles ». Et pour cause. Le Conseil d’État a pris pour habitude de n’annuler que pour l’avenir les décisions de la Commission Copie privée, au motif d’un principe de sécurité juridique (un exemple récent, en bas de l'arrêt).
Une vraie annulation est rétroactive mais elle ferait peser ici de graves « incertitudes » aux ayants droit, générant une marée de demandes de remboursement tout en malmenant la continuité du système. Le Conseil d’État a donc à chaque fois annulé uniquement pour l’avenir tout en accordant plusieurs mois à la Commission copie privée pour réparer l’illicite. Un dispositif de rêve pour les ayants droit qui, en plus d’être majoritaire, ont un confortable droit à l’erreur.
Pour Bernard Heger, pas de doute, « ça commence à être un rituel un peu lassant. »