En pleine fronde anti-Google par divers sites, groupes et médias français et allemands, le ministre de l'Économie Arnaud Montebourg a déclaré que la position dominante du moteur de recherche était un problème majeur en Europe. Au point que la France présentera d'ici peu des mesures pour réguler Google.
« L'Europe et la France deviennent des colonies numériques des États-Unis »
Dès qu'il s'agit d'aborder le secteur des télécoms ou encore celui d'internet, Arnaud Montebourg n'est jamais avare en phrases chocs. Et cela n'a pas manqué lors d'une entrevue accordée cette semaine à David contre Goliath, un collectif qui veut représenter les petites sociétés face aux grands groupes souvent coupables d'abus de position dominante et de manœuvres anti-concurrentielles. Au cours de cette interview, le locataire de Bercy a ainsi répondu à une question portant précisément sur l'importance gigantesque de Google dans le domaine de la recherche sur internet en Europe.
Pour le socialiste, la situation est telle qu'il ne peut « admettre que l’Europe et la France deviennent les colonies numériques des États-Unis ». Estimant que le secteur numérique favorisait les leaders et les monopoles, Montebourg a même affirmé que la position dominante de Google était un danger pour la nation, puisqu'elle « soulève des enjeux de souveraineté et de concurrence importants ».
Alors que certains comptent demander à la Commission européenne d'agir et pourquoi pas de démanteler Google afin de séparer ses activités de recherche de ses autres services, le ministre français pense que la solution se trouve dans la régulation. Et cela dépasse la simple phrase puisque des actions concrètes sont attendues : « Nous allons présenter dans les semaines qui viennent des mesures coordonnées en ce sens. Il en va de la souveraineté numérique de la France, tant du point de vue économique que sur des enjeux démocratiques. » Une petite phrase qui méritera des détails, qui pourraient être communiqués après les élections européennes.
Télécom : « le dogme pro-concurrentiel a conduit à des excès »
Outre Google, il a aussi été question au cours de cette entrevue du secteur des télécoms. Alors que le ministre milite depuis un moment pour un retour à trois grands opérateurs mobiles, il a ici pointé du doigt les conséquences néfastes de la concurrence, sans pour autant noter les baisses de prix favorables aux portefeuilles des Français. Fustigeant les plans sociaux passés et à venir dans le secteur, Montebourg souligne l'antagonisme entre un marché en progression et qui en même temps licencie. La faute, selon lui, au gouvernement de François Fillon et à l'ARCEP.
« On a organisé une concurrence dans ce secteur d’excellence, de manière non maîtrisée. Le régulateur sectoriel porte une lourde responsabilité dans la situation que nous connaissons aujourd’hui. C’est un exemple de cas où le dogme pro-concurrentiel a conduit à des excès après la phase où la remise en cause du monopole historique était effectivement nécessaire. »
Sa solution est évidemment toute trouvée : pousser les opérateurs à s'allier. Sans citer Bouygues Telecom ni Free Mobile, le ministre souhaite à toux prix « consolider notre industrie quand nos entreprises sont trop éparpillées », et même s'il se dit pour la concurrence, il n'oublie pas pour autant l’innovation et l'emploi.
Un décret renforçant la puissance de l'État en cas de rachat par une multinationale
Enfin, Arnaud Montebourg étant très actif, il vient il y a quelques heures à peine d'élargir un décret de 2005 portant sur l'aval obligatoire de l'État en vue de la prise de contrôle d'un groupe français par une société étrangère. Limité à la défense et la sécurité, ce décret, étendu suite à l'actualité portant sur Alstom, concerne cinq activités supplémentaires, à savoir l'approvisionnement énergétique (gaz, électricité, etc.), les réseaux et les services de transport, l'approvisionnement en eau, la protection de la santé publique et enfin les communications électroniques.
Ce dernier point, relativement large, pourrait par exemple avoir des conséquences sur les opérateurs télécoms français, ou encore certaines start-ups internet. « Avec ce décret, nous rééquilibrons le rapport de force entre les intérêts des entreprises multinationales et les intérêts des États, qui ne sont pas toujours alignés » a notamment analysé le socialiste.