Le droit européen permet-il de taxer différemment les livres selon qu’ils sont imprimés ou stockés au format numérique (clefs USB ou CD-Rom, livre audio sur CD) ? L’avocat général de la CJUE vient de répondre positivement à cette problématique née en Finlande.
La Finlande applique une TVA différenciée sur ces supports. Les livres imprimés profitent d’une TVA à 9 % quand les autres formats sont lestés d’une TVA à 23 %. Dans un litige actuellement examiné par ses soins, la Cour de Justice de l’Union européenne va devoir dire si cette discrimination est conforme au droit en vigueur.
Selon la directive TVA, les États membres ont « la faculté d’appliquer des taux réduits à la fourniture de livres ». En 2009, cette directive a été modifiée en indiquant que la réduction concernait les livres « sur tout type de support physique » » résument les services de la CJUE. Faut-il en déduire que la TVA à taux réduit doit aussi s’étendre aux livres audio ou numériques ?
Taux réduit ou taux lourd ?
De fait, les États membres ont toujours eu la capacité de différencier la TVA au sein d’une même catégorie de prestations de services. Seulement, le droit impose que cette discrimination n’entraîne aucun risque de distorsion de concurrence. Il y a de fait une double condition « de n’isoler que des aspects concrets et spécifiques de la catégorie de prestations de service en cause et de respecter le principe de neutralité fiscale ».
Est-ce le cas ici ? Sans doute oui répond l’avocat général. D’une part, les livres autres que ceux imprimés peuvent constituer des « aspects concrets et spécifiques » de la catégorie des « livres sur tout type de support physique ». « En effet, contrairement aux livres sur support papier, les livres sur d’autres supports nécessitent tous un dispositif technique particulier de lecture et sont donc aptes à constituer des aspects concrets et spécifiques de la catégorie en cause ». D’autre part, les juridictions finlandaises doivent vérifier si, au regard du consommateur moyen finlandais, les livres imprimés et les autres formats répondent au même besoin. Si tel n’est pas le cas, le principe de neutralité fiscal n’aura pas à s’appliquer.
Selon les premières pistes défrichées par l’avocat général, les besoins sont sans doute différents. Et pour cause : le consommateur de livres audio ou numérique est intéressé par le contenu, mais également l’environnement (applications, fonctionnalités, etc.) qui l’accompagne. « La décision d’un consommateur moyen d’acheter un livre audio reposera rarement sur la simple lecture du texte d’un livre imprimé, mais plus fréquemment sur la performance et/ou la notoriété du lecteur ainsi que sur les effets spéciaux ou la musique reproduits dans la version audio ».
Prestations de service, biens physiques
En France, le thème est également suivi de près puisque Paris, soutenu par Berlin, œuvre pour un taux unique de TVA pour les eBooks, mais aussi pour la presse en ligne. Le droit européen a pour particularité de considérer ces dispositifs numériques comme des prestations de service, alors que le livre physique est un bien. Problème, Bruxelles estime que les États membres ont l’obligation d’appliquer une TVA différenciée, avec un taux léger pour le livre papier (7% en France), et un taux lourd pour les autres formes (20%).