La loi sur la Création, censée opérer le transfert des compétences de la Hadopi au CSA, va-t-elle rester dans les placards ? Promis de longue date par Aurélie Filippetti, le texte patine Rue de Valois. Il ne parvient pas à déboucher sur un projet de loi, malgré les nombreuses promesses ministérielles.
En octobre 2013, lors des rencontres cinématographiques de Dijon, Aurélie Filippetti nous confiait vouloir « présenter le projet de loi en Conseil des ministres si possible avant Noël. Et en tout cas avant le mois de février, c'est-à-dire avant la pause de l’Assemblée nationale pour les élections municipales ».
Un texte long de 89 articles
Le rendez-vous électoral passé, il n’en est toujours rien. Selon Les Échos et Électron Libre, le texte a désormais du plomb dans l’aile. En cause, la complexité du dispositif qui contient une partie création, une partie liée au spectacle vivant et aux arts visuels ainsi que sur le numérique. Selon une source, le projet compte 89 articles, soit une longueur qui rend périlleuse toute aventure parlementaire.
Autre chose, le calendrier est pour le moins surchargé, laissant peu de fenêtres de tir pour un dispositif aussi long. Cette surcharge nous était déjà évoquée par la ministre, toujours à Dijon : « Le calendrier parlementaire est surchargé, nous avons du mal à trouver des fenêtres sur les sujets Culture puisque chacun veut faire passer ses textes », Aurélie Filippetti évoquant un « encombrement législatif ».
Chez un des ayants droit de la musique, contacté hier, on regrette surtout que la ministre n’ait pas profité de la loi sur l’indépendance de l’audiovisuel votée fin 2013. Le sénateur David Assouline avait alors tenté en effet de basculer la riposte graduée de la Hadopi jusqu’au CSA. Mais le projet, considéré comme un cavalier législatif par plusieurs élus de la majorité opposés à ce dispositif pénal, a capoté. D'ailleurs, comme expliqué, l'environnement est pour le moins hostile pour Aurélie Filippetti puisque outre les Verts et l'UMP, celle-ci devra composer avec les divisions internes au PS.
Pas étonnant donc que le rapport Lescure souffre d'un si mauvais bilan, puisque rares sont les propositions qui sont passées de la parole aux actes, notamment celles relatives aux nouvelles compétences du CSA.
Diviser pour mieux passer
Pour raboter ces difficultés juridiques, techniques et politiques, l’une des stratégies pourrait être maintenant de diviser le projet de loi Création en autant de véhicules législatifs nécessaires pour faire passer les réformes. Selon Les Échos, c’est une piste envisagée. Le ministère de la Culture sait aussi qu’un projet de loi sur le numérique est programmé ces prochains mois, soit une nouvelle occasion pour faire passer plusieurs dispositions.
Mais la barque sera d’autant plus chargée que le rapport de Mireille Imbert-Quaretta, présenté lundi, programme lui aussi plusieurs dispositions afin de mieux s’armer contre les sites de contrefaçons massives. Une autorité, que ce soit la Hadopi ou le CSA, pourrait être chargée de suivre l’exécution des décisions de justice en matière de blocage des sites. Autre proposition, les notifications de retrait prolongé afin de maintenir hors ligne un contenu qui a été une première fois dénoncé par les ayants droit. Aurélie Filippetti peut souffler : la troisième piste, la signature de charte par les acteurs du paiement et des régies, n’exigera aucun texte particulier. Juste une promesse faite (à nouveau) par ses acteurs pour tenter d’assécher les financements de ces sites.