Vente de Bouygues Telecom à Free : le seul scénario possible ?

Ce que Montebourg veut, Dieu ne le veut pas

Le groupe Bouygues serait-il prêt à céder sa filiale télécom à son meilleur ennemi, faute de meilleure solution ? La question se pose un peu plus chaque jour, alors que des rumeurs font planer un plan de départs majeur et qu'Arnaud Montebourg veut pousser Bouygues Telecom à fusionner pour limiter les dégâts et retourner à un marché à trois opérateurs.

Operateurs 2013 clients fixes et mobiles

Free compte déjà plus de clients que Bouygues Telecom

Bouygues paie cash ses retards

Face à l'ogre Orange, la nouvelle fusion Numericable-SFR et la croissance de Free, Bouygues Telecom est-il dans une impasse ? Ces dernières années, on ne peut pas dire que le créateur de la Bbox n'a rien tenté pour plaire à tout le monde. Les actionnaires ont eu leurs départs d'un peu plus de 500 employés, les clients mobiles ont eu une couverture 4G importante et une offre B&You réactive, et les abonnés fixes viennent de se voir proposer une offre triple-play compétitive à moins de 20 euros. De quoi soulever les foules ? Ce jeudi, lors de la publication de ses derniers résultats, le groupe nous dira si ses niveaux de recrutement se sont bien élevés ou non.

 

En attendant, depuis l'échec du rachat de SFR, l'avenir de Bouygues Telecom est sur toutes les lèvres. Il faut dire que l'opérateur a un problème de taille : il est à la fois très loin des leaders dans le secteur mobile et le secteur fixe. La faute à une arrivée tardive dans ces deux marchés. Pour le mobile, il a déployé sa 2G puis sa 3G après Orange et SFR, ce qui explique l'écart de plusieurs millions de clients que l'on peut constater aujourd'hui. Quant au fixe, s'il y a mis un pied très tôt (en 1996) avec la création de Neuf Télécom, il en est parti quelques années plus tard en cédant cette filiale, pour y revenir il y a peu.

 

Résultat, au 31 décembre 2013, Bouygues dispose d'un peu plus de 11 millions clients mobiles, soit 10 millions de moins que l'opérateur au carré rouge et 16 millions de moins que l'opérateur historique. Et Free Mobile pourrait bien le doubler d'ici peu. Quant aux activités de fournisseur d'accès à internet, la filiale ne compte que 2 millions d'abonnés, soit deux et demi fois moins que Free et SFR et cinq fois moins qu'Orange. Et sauf surprise, ces retards ne seront pas comblés avant un moment, voire jamais.

 

Si pour le groupe Bouygues, garder sa filiale télécom avait auparavant un sens pour de multiples raisons (cash généré très important, forte visibilité, etc.), aujourd'hui, dès lors que les marges se sont réduites et que la facture moyenne des clients a fondu au soleil, une remise en question est logiquement légitime. Le groupe de BTP a déjà les concurrents de TF1 à gérer et ses différents investissements dans certaines sociétés (dont Alstom) sont eux aussi en discussions.

« En pleine affaire Alstom, cela s'apparente beaucoup à du chantage à l'emploi »

Selon La Tribune, la dernière nouvelle portant sur 1 500 à 2 000 départs chez Bouygues, soit un peu moins d'un quart de ses effectifs, serait en réalité une façon pour le groupe Bouygues d'imposer une certaine pression sur le gouvernement et de faire du chantage à l'emploi vis-à-vis du cas Alstom. « Ils font fuiter un gros chiffre de licenciements au début, agitent le chiffon rouge et le diminuent ensuite, pour permettre au gouvernement de dire qu'il a fait plier l'industriel. C'est ce qu'a fait Alcatel-Lucent » a ainsi expliqué un analyste joint par nos confrères.

 

« En pleine affaire Alstom, cela s'apparente beaucoup à du chantage à l'emploi » estime-t-on du côté du gouvernement. Un haut fonctionnaire indique même qu'il y a déjà deux ans, alors que Free Mobile venait à peine d'arriver sur le marché, Bouygues commençait déjà à menacer le gouvernement « que si l'on ne réglait pas le problème de Free, il y aurait un problème avec Alstom ». L'objectif serait donc de pousser Arnaud Montebourg à cesser de mettre des bâtons dans les roues avec Siemens et de laisser General Electric croquer Alstom, sachant que Bouygues détient près de 30 % du groupe.

 

Mais outre le cas Alstom, il y a tout simplement le cas Bouygues Telecom. Une cession pure et simple à un autre opérateur semble aujourd'hui plus crédible qu'hier. Cette volonté de réduire son effectif ne serait ainsi pas du bluff mais aurait pour objectif d'augmenter sa valeur via des économies et une augmentation des marges grâce à une baisse importante de la masse salariale. Combien peut bien valoir la filiale télécom ? Vu ses milliers d'antennes, son effectif de plus de 9 000 employés (pour l'instant) et ses différentes infrastructures, sa valeur pourrait être proche de 8 milliards d'euros. Une somme a priori trop élevée pour Iliad (Free), mais qui pourrait être réduite afin d'amener du cash rapidement. Les analystes d'UBS estiment même que sa valeur réelle pourrait être de 4,4 milliards d'euros, ce qui déjà correspond bien plus aux capacités financières du quatrième opérateur.

« Bouygues Telecom peut rester seul car il peut compter sur le groupe Bouygues »

Cela signifie-t-il que l'opérateur va se céder au meilleur offrant, qu'il soit français ou même étranger ? Officiellement, ce n'est en tout cas pas le cas. Martin Bouygues, le mois dernier, expliquait lors d'une entrevue accordée au Figaro qu'aucun scénario de rapprochement avec un concurrent n'était en cours : « Dans un marché à quatre opérateurs, nous savons que nous devons continuer à diminuer nos coûts et à innover fortement. Bouygues Telecom peut rester seul car il peut compter sur le groupe Bouygues, qui peut lui fournir des moyens importants pour gagner la rude bataille qui s'annonce. »

 

Bouygues Telecom 2013

Les fortes économies réalisées l'an passé seront-elles suffisantes ?

 

Ces propos ont en réalité été exprimés suite à la publication d'une nouvelle quelques jours plus tôt par Le Parisien, qui indiquait que des discussions étaient en cours pour une vente intégrale de Bouygues Telecom à Free voire à un autre opérateur. Cela a donc été démenti par la voix de son patron, mais nous avons déjà vu dans le passé des démentis être de simples bluffs. Le mois dernier, un analyste du cabinet Oddo indiquait d'ailleurs que « Martin Bouygues fait le constat que Bouygues Télécom pourrait avoir bien du mal à redresser sa rentabilité, et donc que le cash-flow normatif de Bouygues Télécom pourrait avoir du mal à retrouver un niveau décent, à même de convaincre Martin Bouygues de conserver cet actif. Martin Bouygues devrait donc clairement se poser la question de la pérennité de la présence des télécoms dans le giron du groupe. »

Un retour à trois opérateurs, le souhait de Montebourg

Une vision a priori partagée par le ministre de l'Économie Arnaud Montebourg, qui, suite à la nouvelle des futurs licenciements à venir, a rapidement indiqué qu'il fallait revenir à un marché à trois et que Bouygues devait se vendre. « Il est parfaitement possible aujourd'hui à deux opérateurs de fusionner et monsieur Bouygues est parfaitement en mesure d'imaginer des solutions avec d'autres que SFR. (...) Je l'y invite, il le sait, je le lui ai dit » s'est-il ainsi exprimé au cours d'une conférence de presse organisée en Haute-Savoie.

 

Ce passage de quatre à trois opérateurs est une sorte de lubie d'Arnaud Montebourg, ceci quasi depuis son arrivée au pouvoir. Si, dans l'opposition, il a loué l'impact positif de Free Mobile sur les prix, une fois au sein du gouvernement, Montebourg n'a pas caché ses difficultés avec le nouvel opérateur, et en plus encore avec l'ARCEP, qui avait autorisé une pareille arrivée dans de telles conditions. En février dernier, lors des vœux 2014 de la Fédération Française des Télécoms, l'ex-locataire de Bercy s'était même payé la tête de l'Autorité de la concurrence en expliquant que lorsqu'il la recevait, il lui dit « "Vous, vous êtes contre les ententes, et moi, je les organise. Vous, vous êtes nommé, moi je suis élu." Donc, qui a raison ? Forcément moi. »

 

Pour le ministre, une fusion entre Bouygues et Free semble donc inéluctable, ceci pour de multiples raisons. Mais est-ce crédible pour autant ? Si un tel rapprochement aurait un sens entre les deux opérateurs les plus petits du marché, on ne peut pas dire qu'une histoire d'amour soit née entre les deux opérateurs, même si la possibilité de vendre ses antennes et ses fréquences à Free pour 1,8 milliard d'euros les a certes éloignés un peu moins, mais de là à parler d'un mariage ? Cet épisode a toutefois prouvé que la logique financière l'emportait sur les frictions. Si d'aventure les futurs bilans financiers de sa filiale télécom venaient à être médiocres, le scénario prendra alors un peu plus de poids.

 

Rappelons qu'en bourse, le groupe Bouygues (hors TF1) ne vaut que 10,60 milliards d'euros, contre plus de 12,10 milliards pour Iliad (Free) et 13,7 milliards si l'on cumule Altice et Numericable.

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