Le 13 mai 2013, Pierre Lescure remettait au président de la République et à la ministre de la Culture son fameux rapport « sur la politique culturelle à l'ère des contenus numériques » (interview). Dans cet épais document, 80 propositions censées régler non pas tout, mais une bonne partie des problèmes rencontrés par les industries culturelles. Un an après, jour pour jour, quel est le bilan de ce rapport ?
C'est peu de le dire, une fois passé la fièvre médiatique de l'an passé, ce bilan est rachitique. Dans le lot, en effet, peu de mesures significatives ont finalement été activées : il s’agit d’assujettir à la taxe sur la vidéo à la demande les services dont le siège est installé hors de France et qui s’adressent aux publics français (proposition 45). Ensuite, il y a des mesures relatives à l’Institut du financement du cinéma et des industries culturelles (mesure 14). Signalons encore la prise en compte dans le champ de la taxe sur les éditeurs de services de télévision (TST-E) des recettes de publicités issues de la télévision de rattrapage. Ajoutons ce guide sur le crowdfunding et cette étude sur les échanges non marchands. Enfin, il y a bien eu la fin de la suspension de l’accès à Internet prévue par la loi Hadopi. Cependant, cette mesure - techniquement très complexe et toujours condamnées par le PS - n’avait jamais été effectivement mise en œuvre.
Une autre proposition de Pierre Lescure qui n’apparaît pas dans les 80 mesures a bien été mise en oeuvre. Dans le cadre de la loi sur l’indépendance de l’audiovisuel, elle vise à contraindre les services audiovisuels à la demande à déclarer leur existence à la porte du CSA.
Et ? C’est à peu près tout. Cette brique de « l'acte II de l'exception culturelle », expression pompeuse utilisée jusqu’à la corde, devait être intégrée dans un grand projet de loi sur la création. Problème : ce fameux projet de loi rampe dans les couloirs de la Rue de Valois avec un avenir toujours incertain, et pas seulement au regard de son calendrier.
Zapping !
Du coup, restent dans les tiroirs, sous une couche de poussière de plus en plus épaisse, le mécanisme de conventionnement que devait orchestrer le CSA avec les acteurs du numérique. Zappé également le fait de confier la régulation des mesures techniques de protection au CSA. Trappé encore la promotion de l’interopérabilité ou la clarification de l’articulation entre les verrous numériques et la copie privée. Adieu également la réforme de la copie privée qui visait notamment à fixer ses barèmes par décret. Ignoré encore l’assujettissement du cloud.
Ce n'est pas tout : dans les oubliettes, la taxe sur les appareils connectés permettant de stocker ou de lire des contenus culturels. Même sort pour « l’allégement de la réponse graduée », avec notamment le renforcement de la phase pédagogique et la dépénalisation de la sanction. Enfin, les différentes mesures qui visaient à défendre le domaine public sont restées lettre morte. Au contraire, aujourd’hui, avec ce champ libre, les ayants droit reviennent en force imaginant de taxer ce domaine public...
Des propositions qui se transforment en propositions
Certaines propositions ont aussi débouché sur des... propositions. Ce sont notamment celles relatives à la lutte contre la contrefaçon commerciale. L’une d’elles vise à trouver des outils pour détecter les miroirs des sites bloqués judiciairement, mis en œuvre par une autorité administrative sous le contrôle du juge. L’autre espère faire signer des chartes par les opérateurs de cartes bancaires où ils s’engageraient à nettoyer les liens entre leurs services et les sites un peu trop contrefaisants. Ces idées ont ainsi été reprises hier par Mireille Imbert-Quaretta dans son rapport remis à Aurélie Filippetti. Dans un bel exercice de patinage artistique.