Alors qu’un rapport émanant de la Hadopi proposait hier différentes pistes pour lutter contre la réapparition de contenus dénoncés une première fois aux hébergeurs par des ayants droit, un député socialiste interpelle ce matin Aurélie Filippetti contre « les insuffisances du système de notifications envoyées à Google ». L’élu suggère de contraindre les moteurs de recherche « à référencer les contenus contrefaisants de manière à ce qu'ils ne puissent plus réapparaître sur les premières pages ». Explications.
Plutôt que de demander à la justice de bloquer un site de téléchargement ou de streaming illégal, les ayants droit utilisent depuis plusieurs années une autre solution : s’adresser directement à Google, afin que le moteur de recherche ne renvoie plus ses utilisateurs vers les pages litigieuses. En clair, qu’il les supprime de ses résultats. Sauf que la législation applicable tant aux États-Unis qu’en Europe est très claire : il s’agit de demander aux intermédiaires le déréférencement d’une page bien précise (une URL), et non pas de les obliger à ce qu’un contenu (un film, une série,...) ne réapparaisse pas.
Du coup, le nombre de pages dont le déréférencement est exigé a explosé ces dernières années chez Google, qui a par exemple reçu plus de 100 millions de demandes (certaines pouvant concerner plusieurs centaines d’URL) depuis le début de l’année 2014. Parmi les sites les plus visés par ces requêtes, l’on retrouve des hébergeurs de fichiers tels que Rapidgator ou Uploaded.net, des sites de liens torrents comme IsoHunt ou Torrentz.eu, etc.
Type de message apposé par Google lorsqu'il déréférence une URL.
Cependant, les ayants droit se plaignent régulièrement de l’inefficacité du dispositif, la RIAA ayant par exemple affirmé en 2013 qu’elle luttait « avec un seau » contre « un océan de téléchargements illégaux ». Le puissant lobby américain expliquait ainsi « ne pas voir le bout du tunnel », en ce que les contenus signalés finissent la plupart du temps par réapparaître ailleurs.
Hervé Féron pointe « les insuffisances du système de notifications envoyées à Google »
Ces préoccupations viennent d'ailleurs de trouver un relais en France. Le député socialiste de la Meurthe-et-Moselle, Hervé Féron, a transmis aujourd'hui une question écrite à Aurélie Filippetti, dans laquelle il regrette que le cadre juridique actuel n'ait « qu'une efficacité relative ». L’élu poursuit en faisant valoir que l’obligation qu’ont les hébergeurs de retirer un contenu illicite signalé par un ayant droit « ne permet pas de prévenir la réapparition du contenu incriminé après sa suppression puisque cette notification est par définition ciblée au contenu incriminé et limitée dans le temps. »
« Or la réapparition des contenus supprimés constitue la principale limite de cette procédure, puisque à chaque nouvelle mise en ligne du contenu incriminé par d'autres sites illégaux, l'ayant droit doit adresser systématiquement à l'hébergeur une nouvelle notification » ajoute-t-il.
Un rétrogradage des contenus illicites dans Google
Jusque-là, rien de bien nouveau. Mais alors, que faire ? Hervé Féron a sa petite idée : « Alors que plus de 98 % des internautes ne consultent que les articles de la première page » sur Google par exemple, le parlementaire demande à la ministre de la Culture « dans quelle mesure il serait envisageable de contraindre les hébergeurs à référencer les contenus contrefaisants de manière à ce qu'ils ne puissent plus réapparaître sur les premières pages ». Tandis que les ayants droit militent régulièrement pour une procédure de « notice and stay down » (une notification, une obligation pour l’hébergeur d’empêcher la réapparition du contenu), l’élu envisage une solution un peu plus alambiquée : obliger les moteurs de recherche à rétrograder des contenus qui auraient déjà été dénoncés, en les reléguant un peu plus loin au sein des résultats de recherche...
Fait intéressant : Google met plus ou moins déjà en œuvre une telle solution, puisque depuis l’été 2012, il rétrograde « les sites avec un très haut nombre de notifications ». Sauf que ce pas en avant - volontaire - de la firme de Mountain View est loin d’avoir convaincu les ayants droit, qui estimaient encore l’automne dernier qu’elle n'avait produit aucun « effet perceptible ».
Dans l'ombre des pistes du rapport « MIQ »
Hasard du calendrier, la présidente de la Commission de protection des droits de la Hadopi, Mireille Imbert-Quaretta, a dévoilé hier son rapport visant justement à lutter contre la réapparition de contenus signalés une première fois par les ayants droit. Pour répondre à cela, l’intéressée recommande à l’exécutif d’intégrer dans notre droit un mécanisme d’« injonction prolongée » de retrait. Les hébergeurs de contenus auraient sur cette base l’obligation « de faire cesser et de prévenir, pendant une durée déterminée, la réapparition de contenus qui lui ont été signalés comme constituant une atteinte aux droits d’auteur ou aux droits voisins sur le site » (pour en savoir plus, voir notre article).