Depuis l'Hadopi, Mireille Imbert-Quaretta préconise un filtrage non généralisé

De l'inspiration de l'affaire Allostreaming

C’est aujourd’hui que la présidente de la Commission de protection des droits va remettre son rapport contre la contrefaçon commerciale en ligne à la ministre de la Culture. Mireille Imbert-Quaretta propose des solutions « opérationnelles », comme elle nous le confie, pour lutter contre le direct download et autre streaming de contenus illicites.

MIQ hadopi

 

Les grandes lignes du rapport ont été dévoilées par l’AFP et Les Echos aujourd’hui. Les mesures sont dans la lignée du précédent rapport de MIQ, que nous avions déjà détricoté dans nos colonnes.

 

La présidente de la Commission de protection des droits de la Hadopi recommande d’abord la signature de chartes, un engagement non coercitif, des intermédiaires de paiement et des régies publicitaires. La présidente de la Commission de protection des droits avait d’ailleurs tenté de préparer le terrain en adressant à ces acteurs une déclaration d’intention au terme de laquelle ces derniers reconnaissent que cette diffusion de contenus illicites « porte atteinte à la création et à l’offre légale culturelle en ligne », ou qu’elle « trompe en outre le public qui voit dans la présence de ces marques sur les sites un gage de légitimité. »

Revoir le statut des intermédiaires

Mais le cœur de son rapport va répondre à l’un des vœux de l’industrie culturelle : revoir le statut de l’intermédiaire en injectant dans notre droit un système de Notice and Stay Down. Actuellement, les hébergeurs dont un contenu manifestement illicite leur a été dénoncé doivent le retirer sans délai. Cependant, ils n’ont pas d’obligation de surveiller les remises en ligne de ce même contenu. Et pour cause : une telle obligation reviendrait à les astreindre à une surveillance généralisée des flux entrant, ce qui en l’état est illicite selon le droit européen.

 

Et c’est ce qui provoque irrémédiablement la colère des ayants droit qui voudraient ne plus avoir à redénoncer ces réitérations.

En pleine harmonie avec la SACD

Dans une consultation lancée par la Commission européenne sur le droit d’auteur, la SACD avait par exemple revendiqué que « lorsqu’un ayant droit a d’ores et déjà notifié à un intermédiaire qu’une œuvre – ou plus probablement une série d’œuvres fait l’objet d’une contrefaçon la première notification devrait suffire pour que l’intermédiaire vielle à maintenir la suspension de la mise à disposition de cette œuvre ou de ces œuvres ». La société civile, pilotée par Pascal Rogard regrettait ainsi que « le fait que les intermédiaires ne soient pas tenus à une obligation de surveillance générale est interprété de façon extensive au détriment des ayants droit (qui le plus souvent disposent de moyens financiers et techniques très inférieurs à ceux des intermédiaires techniques). »

 

Pour répondre à ces vœux, MIQ imagine « la création d’une injonction de retrait prolongé ». Le tout serait couplé par un « dispositif de suivi dans le temps des décisions judiciaires ».

 

Comment, en pratique ? Une brèche dans l’interdiction d’un filtrage généralisé a en fait été introduite dans le droit européen par l’arrêt Sabam en novembre 2011. La CJUE a considéré qu’était toujours disproportionné un système de filtrage (« identification » puis « blocage ») :

  1. de toutes les communications électroniques transitant par ses services, notamment par l’emploi de logiciels «peer-to-peer»
  2. qui s’applique indistinctement à l’égard de toute sa clientèle
  3. à titre préventif
  4. à ses frais exclusifs
  5. et sans limitation dans le temps

Si la mesure avait été applaudie par les défenseurs des échanges sur le net, elle avait également satisfait l’IFPI, qui représente les majors de la musique outre-Atlantique Et pour cause : il suffirait de ne pas respecter l’une de ces conditions pour espérer faire passer un dispositif curatif/préventif dans la législation d’un État membre. C’est ce que tente Mireille Imbert-Quaretta dans son rapport : l’injonction qui viserait certaines œuvres seulement, serait valable pour une durée de six mois, pas au-delà. Elle ne serait donc pas « sans limitation de temps » pour reprendre la position de la Cour européenne de justice.

Le fingerprinting inscrit dans la loi

Si ce mécanisme est inscrit dans la future et hypothétique loi sur la création, la France donnera force juridique aux mécanismes d’empreintes numériques (ou fingerprinting). On basculerait d’une notification qui serait inscrite sur le contenu (l’URL, essentiellement) à une notification sur l’œuvre. Le dispositif mis en œuvre par les plateformes vidéo montre les limites d’un tel mécanisme qui impose le retrait automatique d’œuvres composites (une œuvre qui inclue d’autres œuvres pour former un tout nouveau), autrement appelé robocopyright.

L’inspiration de l’affaire Allostreaming

Nous le disions, ce filtrage non généralisé serait couplé à un « dispositif de suivi dans le temps des décisions judiciaires ». La mesure reprend une des pistes du rapport MIQ 1.0 qui fut rédigé là aussi entre les murs de la Hadopi. Déjà, la présidente de la Commission de protection des droits demandait à ce qu’une autorité administrative indépendante soit chargée de scruter la persistance d’une décision judiciaire de blocage. Cette mesure évite en effet d’avoir à lancer un nouveau procès contre la réapparition d’un site miroir, fait considéré non comme une nouvelle affaire mais comme le défaut d’exécution d’un ancien dossier. Nuance.

 

Cette tentative MIQienne est l’écho d’une procédure lancée par les ayants droit contre plusieurs sites de streaming que Next INpact a suivi de fonds en comble. Dans l’affaire Allostreaming, ces ayants droit tentaient de se voir reconnaitre par la justice la capacité juridique de dénoncer automatiquement dans les mains des FAI et des moteurs la réapparition de sites une première fois bloqués. Mais l’idée n’a pas été consacrée par le TGI de Paris.

 

Le basculement par une autorité indépendante, préconisée par Mireille Imbert Quaretta, devrait ainsi purger le reproche du « juge et partie » qui pouvait être fait au mécanisme imaginé par ces ayants droit. L'Autorité, qui pourrait être la Hadopi ou le CSA pourquoi pas, ferait ainsi écran.

Une liste noire des sites « pirates »

Enfin, le rapport préconise de rédiger une liste noire des sites qui « portent massivement atteinte au droit d'auteur ». On ne sait à ce jour comment cette liste sera constituée. Dans son précédent rapport MIQ voulait tenir compte des notifications adressées par les ayants droit et restées sans effet notamment chez les éditeurs de sites web et leurs hébergeurs.

 

L’enjeu en tout cas serait d’informer le public « qui s'interroge parfois sur la licéité d'un site en particulier ». Les intermédiaires seraient ainsi informés de ces mesures et du même coup placés devant leur responsabilité…

 

Cette mesure de publicité n’est pas une coquetterie de la part de la Hadopi. La CJUE a elle-même expliqué dans une récente décision qu’après une mesure de blocage, tout internaute devra pouvoir faire valoir ses droits afin d’agir contre le FAI : « il est nécessaire que les règles nationales de procédure prévoient la possibilité pour les internautes de faire valoir leurs droits devant le juge une fois connues les mesures d’exécution prises par le fournisseur d’accès à Internet » explique la CJUE dans un arrêt relative au secteur de l’audiovisuel encore. Cela signifierait que la liste des sites actuellement bloqué devra être publiquement connue afin de permettre à chaque abonné d’attaquer devant le juge les faits de surblocage.

 

Un tel mécanisme est déjà mis en œuvre par Google. Dans les pages Chilling Effects, le moteur répertorie l’ensemble des notifications de retrait que lui ont adressées les ayants droit. Ce listing fournit en clair la liste des URL litigieuse pointant vers des contenus contrefaisants. Les internautes peuvent déjà se frotter les doigts si le dispositif est repris par MIQ : pour la Copyright Alliance, qui regroupe les plus puissants ayants droit de la musique et du cinéma, « [ChillingEffects] est effectivement devenu le plus grand répertoire d'URL hébergeant des contenus illicites sur Internet ».

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