La semaine passée, en parallèle de la publication de ses excellents résultats financiers, Apple a annoncé qu'il comptait augmenter de plusieurs dizaines milliards de dollars ses versements aux actionnaires. Mais selon le Financial Times, la pomme pourrait éviter de payer de lourds impôts aux États-Unis en cédant 17 milliards de dollars d'obligations comme elle l'a fait l'an passé. Apple préfèrerait ainsi s'endetter que d'utiliser ses milliards de dollars de cash mis de côté.
En grande partie grâce à l'iPhone, Apple a cumulé des milliards de dollars de cash (ou équivalents)
Un plan à 130 milliards de dollars
Entre 1995 et 2012, Apple n'a reversé aucun dividende à ses actionnaires, ceci à l'instar de Google. Le créateur des Mac a ainsi accumulé un gigantesque trésor de guerre. Fin mars 2014, la marque détenait plus de 150 milliards de cash en réserve. Une somme inégalée parmi les sociétés high-tech, sachant que Google en cumule près de trois fois moins. Mais depuis l'été 2012, la société créée par Steve Jobs a changé de stratégie et a commencé à rémunérer à nouveau ses actionnaires après dix-sept longues années.
Depuis près de deux ans, divers plans ont donc été annoncés. En premier lieu, afin de rémunérer les actionnaires, des rachats d'actions ont été mis en place. Débutés à 10 milliards de dollars, ces rachats ont ensuite grimpé à 60 milliards et ils atteindront finalement 90 milliards de dollars. Si l'on rajoute les dividendes qui seront reversés d'ici fin 2015, ce sont près de 130 milliards qui seront dépensés par la firme de Cupertino, alors que les précédents programmes tablaient sur 45 puis 100 milliards de dollars. Des augmentations probablement liées aux pressions exercées par le milliardaire et investisseur Carl Icahn, qui militerait même pour un programme de 150 milliards de dollars.
À ce jour, 66 milliards ont déjà été redistribués depuis août 2012 et des dizaines d'autres milliards le seront lors des mois à venir. Mais comment est-ce possible ? Deux raisons expliquent cette capacité financière. Tout d'abord, comme précisé plus haut, Apple dispose d'un pactole gigantesque. Mais il faut aussi rajouter à cela que la firme génère chaque trimestre des milliards de cash : 13,5 milliards lors du premier trimestre 2014 par exemple. Afin de faire plaisir à ses actionnaires mais aussi à rapatrier de nombreuses actions (qui pourront servir lors de futures grandes acquisitions par exemple), le créateur de l'iPhone dépense donc son cash massivement.
Tout faire pour éviter l'impôt sur les sociétés de 35 %
Mais Apple fait face à un problème de taille. 88 % de son trésor de guerre, soit un peu plus de 130 milliards de dollars, est bloqué (volontairement) à l'étranger alors qu'il pourrait être rapatrié intégralement. Or, si l'entreprise souhaite ramener cette somme aux États-Unis, elle devra payer l'impôt fédéral de base situé à 35 % (sauf en cas de très faible chiffre d'affaires). Apple est loin d'être la seule compagnie américaine dans cette situation. Google, General Electric, Microsoft, IBM, Exxon Mobil, Pepsi Co, HP, et de nombreuses sociétés pharmaceutiques des États-Unis cumulent des centaines de milliards de dollars à l'étranger afin d'éviter l'impôt de rappatriement. On parle d'une somme totale qui oscillerait entre 1000 et 2000 milliards de dollars.
Ces derniers trimestres, Apple a donc utilisé massivement ses milliards situés aux États-Unis afin de racheter ses actions et verser des dividendes. Mais plus le temps passe et plus le pactole interne diminue. D'ici peu, piocher à l'international, et donc être lourdement imposé, lui sera inévitable. Une solution alternative a toutefois déjà été exploitée par Apple et pourrait l'être de nouveau selon le Financial Times. Le quotidien économique britannique indique ainsi que l'Américain pourrait émettre l'équivalent de 17 milliards de dollars d'obligations. Ces dernières étant une forme de prêt, Apple pourrait donc préférer s'endetter et payer des intérêts sur ces 17 milliards de dollars plutôt que de creuser dans son propre coffre fort. Un scénario qui n'est pas une première, dès lors que la pomme a déjà réalisé pareille astuce il y a un an quasi jour pour jour.
L'impôt, un « facteur de dissuasion économique »
Cette situation, qui peut paraitre paradoxale, n'est cependant pas une surprise. La polémique autour du cash cumulé à l'étranger du fait de l'impôt est ancienne et les pressions exercées sur l'administration Obama pour que sa position change ont été nombreuses ces dernières années. Il y a deux ans, Peter Oppenheimer, le directeur financier d'Apple, expliquait par exemple que sa société ne voulait « pas assumer le coût fiscal de rapatrier l'argent étranger pour le moment », alors que son entreprise était déjà assise sur un pactole proche de 100 milliards de dollars. Pour Oppenheimer, cet impôt est clairement un « facteur de dissuasion économique ». Un point de vue partagé avec le Congrès américain ainsi qu'avec l'administration Obama a-t-il indiqué.
Depuis plusieurs années, tous les géants américains sont donc en guerre contre leur gouvernement afin de réduire cet impôt. L'an dernier, Tim Cook, le PDG d'Apple, s'était lui-même rendu au congrès pour argumenter sur ce point, indiquant que les États-Unis perdaient des milliards pour son économie du fait de cette situation ubuesque. Il a ainsi mis en avant les emplois créés sur le sol national ainsi que de son plan de monter certains produits Apple au pays de l'oncle Sam.
« Si vous regardez aujourd'hui, rapatrier l'argent aux États-Unis coûte 35 % de cet argent. Et c'est un nombre très élevé commentait ainsi Tim Cook l'an passé lors d'une entrevue. Nous ne proposons pas que ce soit 0 %. Je sais que beaucoup de nos pairs le pensent. Mais je ne l'imagine pas. Mais je pense que cela doit être raisonnable. » Tant que l'impôt ne baissera pas de façon importante, il est probable que cette situation perdure. Cela pourrait signifier qu'à l'avenir Apple s'endette massivement pour cette simple raison. Google, le jour où il mettra en place des plans équivalents vis-à-vis de ses actionnaires, connaitra d'ailleurs probablement le même scénario.