Les sénateurs brésiliens ont adopté hier le « Marco Civil da Internet », un projet de loi consacrant notamment la neutralité du Net. Le texte n’attend plus que la signature de la présidente, Dilma Roussef, pour être gravé dans le marbre. L'intéressée reçoit d’ailleurs à partir d’aujourd’hui et pour deux jours différents représentants de gouvernements, afin de discuter de la gouvernance d’Internet. Explications.
Après avoir été voté le 26 mars dernier par la Chambre des Représentants, le « Marco Civil da Internet » a été approuvé hier par le Sénat brésilien, sans qu’aucune modification n’y soit apportée. L’ensemble des amendements déposés a en effet été rejeté, ce qui signifie que toutes les mesures retenues par les députés sont conservées en l’état.
Neutralité du Net et protection des données personnelles
L’article 9 de ce projet de loi (PDF), qui concerne la neutralité du Net, est donc maintenu. Cet article prévoit que les opérateurs devront acheminer les informations « de manière égale, quel que soit le contenu, leur origine et leur destination, le service, le terminal ou l’application ». Autrement dit, toute priorisation de flux deviendra expressément interdite, de même que la monétisation d’un éventuel accès privilégié à un site ou service (YouTube, échanges en peer-to-peer, etc.) - hormis pour certaines exceptions telles que les « services d’urgence ». Tout internaute qui s’estimerait lésé pourra demander des dommages et intérêts devant les juridictions civiles.
Relancé en août dernier, quelques semaines après le début des révélations Snowden, ce texte visait également à limiter la surveillance des services de renseignement étrangers, et plus particulièrement américains. Le bilan est ici en demi-teinte, puisque le législateur a dû mettre de l’eau dans son vin. Alors qu’il était initialement question d’obliger les acteurs étrangers (Twitter, Facebook, Google,...) à rapatrier au Brésil les données concernant les internautes du pays, l’article 11 du projet de loi indique simplement que les sociétés étrangères collectant ou hébergeant des données personnelles ou des correspondances d’internautes situés au Brésil doivent se plier à la législation nationale, notamment s’agissant du respect de la vie privée ou de la protection des données personnelles.
Le texte doit maintenant être signé par la présidente brésilienne, Dilma Roussef. Il entrera en vigueur 60 jours après sa promulgation.
Le Brésil envoie un signal fort à quelques heures du NETmundial
L’adoption du « Marco Civil da Internet », hier, n’est absolument pas anodine. Le Brésil organise en effet aujourd’hui et demain le « NETmundial », une réunion internationale dont l’objet n’est autre que la gouvernance mondiale du réseau. Dilma Roussef espère bien arriver à ce que les États-Unis, qui ont la mainmise sur l’ICANN (l’organisme qui gère les noms de domaine au niveau mondial), lâchent un maximum de lest.
Si la France sera représentée par Axelle Lemaire, toute nouvelle Secrétaire d’État au Numérique, des associations telles que La Quadrature du Net ont déjà fait part de leur très grand pessimisme. Dans une tribune publiée hier, le co-fondateur de l’association de défense des libertés citoyennes déplore en effet que ce type de sommet soit régulièrement organisé depuis une dizaine d'années, sans que les choses n’avancent réellement : « À quelques jours du forum « NETmundial » de Sao Paulo, il est devenu évident que « la gouvernance de l'internet » est une façon grotesque de nous détourner d’une triste réalité : durant ces quinze dernières années, rien de concret, pas une seule action n’a émergé des réunions multipartites, tandis que dans le même temps, la technologie a été dans son ensemble retournée contre ses utilisateurs, comme un outil de surveillance, de contrôle et d'oppression. »