Hier, aux rencontres européennes de l’Adami de Metz, Aurélie Filippetti a dévoilé les grandes lignes du projet de loi Création. La ministre de la Culture est restée floue sur le calendrier alors que le projet de loi est attendu de pied ferme par les acteurs du secteur.
« La loi création est aujourd’hui dans une phase qui va nous permettre, très prochainement, de vous en présenter les grands axes, pour vous concerter, recueillir vos avis sur ses différents chapitres » dira la ministre. Sur le calendrier, c’est encore le flou. Le ministère nous indique que l’ébauche du texte sera d’abord soumise dans quelques jours aux différents acteurs de la culture, mais aussi à ceux du numérique. Les conventionnements Lescure gérés par le CSA seront par exemple exposés à l’avis des intermédiaires, dont les FAI. Tous seront en pratique reçus par les services alors qu’une première version du projet de loi a déjà fait le tour des autres ministères, histoire de relever les températures.
Partage de la création à l’ère du numérique : confiance aux négociations
Dans un autre volet, il s’agira de rappeler « l’importance de la liberté de création et la place des artistes dans le dispositif ». Le texte se place encore dans le sillage des concertations Lescure ou de la mission Phéline : « il s’agira de mieux protéger les artistes, les artistes interprètes (…) Il faut pouvoir garantir, une plus juste partage de la valeur de la création à l’ère du numérique. C’est un sujet sur lequel Christian Phéline a beaucoup travaillé ». La ministre laissera tout de même la porte ouverte au travail de négociation entre les acteurs, pour que le fromage soit tranché ici plutôt que là.
Fait notable : la Rue de Valois compte profiter de l’occasion pour clarifier la notion de domaine public, qui n’est pas clairement définie dans le Code de la propriété intellectuelle.
Transparence dans les contrats
Aurélie Filippetti prône également une meilleure transparence sur les contrats. « On l’a fait dans le domaine du livre, de l’édition, en obtenant, après plus de deux ans de discussions, qu’il y ait un accord sur le contrat de l’édition à l’ère du numérique ». Comment ? D’abord en faisant en sorte que les différentes exploitations et les rémunérations afférentes soient clairement définies. La ministre réclame aussi une clarté dans l’exploitation des catalogues par les maisons détentrices de droits « pour faciliter une bonne exposition sur les plateformes ». Pour ce point, pas de détails…
Copie privée : un article directement inspiré de notre demande CADA
Toujours sur le terrain de « la transparence », la ministre promet de mieux éclairer l’utilisation des 25 % de la copie privée. « C’est comme ça qu’on légitimera notamment aux yeux de Bruxelles ce mécanisme ». Interrogé en marge de cette conférence, le ministère nous dira « c’est grâce à vous ! », en faisant référence à notre procédure CADA sur l’usage de la copie privée par les sociétés de gestion collectives.
En pratique, celles-ci devront afficher sur leur site leur utilisation exacte du quart de la copie privée. À ce jour, la loi leur permet de financer l’action culturelle ou les actions de défense. Chaque année, les sociétés de perception remettent un rapport au ministère de la Culture sur ces usages de ces dizaines de millions d’euros. Problème, ces documents ne sont remis qu’en version papier, interdisant tout contrôle citoyen sur ces usages. Nous avions poussé l’absurdité de ce système à bout en nous rendant au ministère pour compulser des milliers de pages (voir notre dossier).
La transparence de la copie privée v.1.0
Améliorer l’exposition de la musique
Le projet de loi devrait accompagner l’arrivée d’un médiateur de la musique « qui pourrait ainsi participer aux règlement des différends, à des processus de conciliation pour éviter qu’on se retrouve bloqué dans des situations de tensions dans l’univers musical. »
Dans la lignée du rapport Bordes pour valoriser la musique dans les médias, la Rue de Valois compte aussi sacraliser les quotas d’œuvres d’expression française dans les médias. « Une bonne mesure qui a fait ses preuves ». Concrètement ? C’est l’idée d’un système de points, « de bonus et de malus en fonction des heures auxquelles on expose de la musique à la télévision ». Pour la radio, il s’agira encore d’améliorer la rotation des titres afin de permettre aux artistes d’être mieux exposés, peut-être en jouant sur le terrain réglementaire.
« Le maintien de la réponse graduée est acté »
Et le piratage ? Pour qui en douterait, « le maintien de la réponse graduée est acté » tambourine l’ancienne opposante à la Hadopi. Elle confirme par ailleurs que Mireille Imbert-Quaretta remettra son rapport sur la lutte contre la contrefaçon commerciale à la fin du mois, comme Next INpact l’avait révélé quelques jours plus tôt. « Nous allons prendre des dispositions pour améliorer cette lutte » prévient-elle.
Dans les coulisses, le ministère nous révèle que ce fameux rapport MIQ sera remis le 29 avril à la ministre personnellement, loin des flashs. Le ministère veut d’abord expertiser ces éléments afin de les intégrer au besoin dans la loi Création. Une conférence de presse suivra ensuite, à une date là encore indéterminée.