Copie privée : les ayants droit craignent la fin de la manne des 25 %

Un nouvel accident de quart

À quelques jours des Rencontres cinématographiques de Dijon, les ayants droit de l’audiovisuel tirent la sonnette d’alarme sur une possible remise en cause des fameux 25 % prélevés sur la copie privée.

Selon l’article L321-29 du Code de la propriété intellectuelle, les sociétés de perception de la copie privée doivent consacrer 25 % des sommes prélevées « à des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes ». L’article R-321-9 affine le texte : « l’aide à la création » s’entend « des actions de défense, de promotion et d'information engagées dans l'intérêt des créateurs et de leurs œuvres ».

Plusieurs fois en France, les ayants droit ont salué ce dispositif, notamment en préparation de la loi de décembre 2011 sur la copie privée. Ces 25 % financeraient près de 5000 manifestations, celles organisées dans les circonscriptions de France et de Navarre (*).

 

copie privée manifestations


Problème, comme nous l'avons plusieurs fois dit, ces 25 % sont aujourd’hui clairement menacés devant la CJUE. Deux questions préjudicielles lancées depuis l’Autriche risquent de casser l’horlogerie du prélèvement. De véritables bombes à retardement ! D’ailleurs, dans l’une d’elles, l’avocat général a déjà considéré que l’indemnisation de la copie privée devait être perçue à 100 % par « la victime » et non une autre personne.

Le principe se fonde sur le B.A.BA de la responsabilité : cette somme vient compenser le préjudice (la copie privée) dans les poches de la victime (l’ayant droit). Détourner ce flux à d’autres fins dénature le système. C’est même une forme d’expropriation légale puisque les victimes sont privées de leur droit à dédommagement intégral.

L’exemple de l’accident automobile est parlant. Quand il y a un accrochage entre deux véhicules, le responsable doit indemniser la victime qui doit recevoir l’indemnisation. Personne n’accepterait qu’un quart des flux aille dans les caisses des bonnes œuvres du ministère des transports. C’est pourtant ce que prévoit le code de la propriété intellectuelle. D’ailleurs, Laurent Petit Girard (SACEM) lui-même considère que les 25 % sont un palliatif, de l’argent qui vient non en plus, mais à la place des financements publics. Signe d'une ponction aux parfums fiscaux prononcés.

Des nuages sur les 25 %

À quelques jours des Rencontres Cinématographiques de Dijon, le sujet des 25 % refait surface. Dans une note, l’ARP, (Société civile de perception et de répartition des auteurs, réalisateurs et producteurs indépendants) admet ouvertement que « le droit français s’éloigne (…) de la logique de compensation du préjudice subi qui relève d’une responsabilité civile ». Mieux : « Cette affectation à des personnes autres que les ayants droit pourrait être regardée comme incompatible avec la notion de compensation équitable, encore que la CJUE ne se soit pas prononcée sur le caractère direct de celle-ci. »

Contractualiser les 25 %

Que faire ? L’ARP a une petite idée : les sociétés de gestion collective (SPRD) « pourraient contractuellement établir avec leurs adhérents que ceux-ci consentent à rétrocéder 25 % de la compensation intégralement due au profit d’actions culturelles ». Cependant, ces professionnelles flairent d’ores et déjà la brèche: d’autres sociétés de gestion collective « pourraient pratiquer des conditions contractuelles plus intéressantes pour les ayants droit ». En prélevant par exemple 22 ou 21 %, par exemple, elles pourraient écraser leurs concurrentes avec ce levier. 

Fiscaliser les 25 %

Lionel Tardy avait proposé un autre système, un peu fâcheux il est vrai, puisqu'il dépossède l’ayant droit et, par contre coup, le ministère de la Culture. Lors des débats autour de la loi sur Copie privée, fin 2011, son amendement était simple : les ayants droit touchent 100 % de copie privée mais ils sont taxés ensuite à 25 % par l’État. Les sommes seraient tombées dans le pot commun, à charge pour le gouvernement de les réaffecter - s’il le souhaite - à la politique culturelle selon ses arbitrages. L’amendement avait toutefois été rejeté par Frédéric Mitterrand puis par les députés, au grand soulagement des SPRD.

 

(*) Bernard Carayon (UMP) s'était plaint du chantage exercé par les ayants droit sur le financement des festivals (à 1:21 sur cette vidéo)

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