La nouvelle est désormais officielle : les Français Steria et Sopra, deux SSII bien connues, prévoient de fusionner en vue de pouvoir résister à leurs très nombreux concurrents, qu'ils soient Français, Européens, Nord-Américains et Indiens.
Une offre publique d'échange amicale
2014 est décidément une année propice aux fusions-acquisitions, notamment en France. Après Altice-SFR ou encore Lafarge-Holcim, voilà que Sopra et Steria veulent aussi mettre une bague à leur doigt. Si en matière de sociétés de services en ingénierie informatique (SSII, SS2I ou entreprises de services du numérique), les Français Capgemini et Atos sont bien plus connues dans nos contrées du fait de leur taille plus imposante, Steria et Sopra n'en sont pas pour autant des nains. À eux deux, elles représenteraient tout de même 35 000 employés pour un chiffre d'affaires de 3,1 milliards d'euros réalisé dans 24 pays différents.
Cette fusion « prendra la forme d’une offre publique d’échange amicale et volontaire initiée par Sopra sur la totalité des actions de Steria sur la base d’une (1) action Sopra pour quatre (4) actions Steria (l’« Offre »). Cette Offre représente, au 4 avril 2014, une contrevaleur de 22 € par action Steria sur la base du cours moyen pondéré sur un mois de Sopra, soit une prime de 40 % sur le dernier cours de clôture de Steria et de 49 % sur son cours moyen pondéré sur les 3 derniers mois » expliquent ainsi les deux sociétés dans leur communiqué commun.
Steria et Sopra, des acteurs entourés de géants
Mais pourquoi un tel rapprochement ? Officiellement, cela « répond aux mutations profondes du marché induites par la révolution numérique et les nouveaux modes de consommation du service ». Le but serait ainsi d'atteindre la taille critique suffisante pour continuer à offrir des services au rapport qualité prix compétitif, ceci dans un secteur où la concurrence ne manque justement pas. Outre les entreprises françaises citées plus haut, il ne faut pas oublier que ce marché compte d'autres géants, tels les Américains IBM, HP (EDS) et Accenture, le Canadien CGI (qui a racheté le Britannique Logica en 2012), et surtout de plus en plus de sociétés indiennes, aux appétits grandissants.
Elles se nomment Infosys, Wipro Technologies et Tata Consultancy Services (TCS), et leur montée en puissance pousse les autres sociétés à réagir, notamment en fusionnant. En 2012, Infosys a ainsi croqué le Suisse Lodestone pour 273 millions d'euros environ. L'an passé, TCS a aussi mis la main sur le Français Alti pour 75 millions d'euros. Alti était un acteur mineur dans le marché, mais cette acquisition a permis à l'Indien d'intégrer plus rapidement le marché hexagonal.
Pour le moment, les SSII indiennes sont encore des sociétés secondaires en France et en Europe, mais pour combien de temps ? En 2012, lors du rachat de Logica par CGI, le cabinet Kurt Salmon estimait déjà à l'époque que « nous pourrions constater une accélération de la concentration des SSII dans un avenir proche. Cela afin que les sociétés atteignent une taille critique et soient en mesure d’adresser les gros appels d’offres, en général plus rémunérateurs et plus stables dans le temps, et qui leur permettront de survivre en attendant une sortie de crise qui se fait attendre. »
Il n'y a donc pas de quoi s'étonner de la fusion entre Sopra et Steria. En réunissant leurs forces, les deux firmes, toutes deux créées à la fin des années 1960, espèrent donc refroidir les ardeurs des géants du secteur. Le duo estime que leurs synergies opérationnelles seront de 62 millions d'euros par an dès 2017. Il a pour objectif d'atteindre les 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires très rapidement, d'augmenter sa marge opérationnelle et ainsi de devenir le numéro trois en France, derrière Cap Gemini et Atos donc, qui restent intouchables pour le moment. Steria/Sopra pourrait même intégrer le top 10 européen si ses résultats ne chutent pas.
Vers un passage de témoin entre Pasquier (Sopra) et Enaud (Steria) ?
La fusion prendra plusieurs mois. Une offre sera faite aux actionnaires le mois prochain. Le nouveau nom de la société sera tout simplement Sopra-Steria Group, tout du moins dans un premier temps, un changement de nom en 2015 étant une possibilité. Pierre Pasquier, le président et fondateur de Sopra, dirigera le conseil d'administration de ce nouvel ensemble, tandis que François Enaud, le patron de Steria, assurera la direction générale. Pierre Pasquier aura 79 ans cet été. Il ne serait donc guère étonnant qu'un passage de témoin soit réalisé d'ici peu et que François Enaud dirige ensuite seul l'entreprise commune.
Les conséquences sur l'emploi, notamment en France, sont encore difficiles à évaluer, mais assurément, des postes doublons sont bien présents sur le territoire. Les cotations en bourse des deux sociétés sont bloquées depuis le début de la semaine et devraient reprendre ce mercredi. La valeur boursière du duo est proche de 1,5 milliard d'euros. Cela reste très loin de Cap Gemini (8,3 milliards) et Atos (5,5 milliards).