Lorsque Windows 8 sera lancé le 26 octobre, le client aura face à lui une interface unique sur les PC fixes, portables et les tablettes. Mais interface unique ne signifie pas nécessairement même système d’exploitation. Il est temps de faire le point sur un danger inhérent à la stratégie de l’unification pratiquée avec Windows 8 : l’incapacité potentielle du client à savoir ce qu’il va acheter.
Le brouillard
Vous avez été nombreux à nous faire parvenir des courriers pour nous demander des explications et des précisions sur Windows RT. Cette version spécifique de Windows 8 est conçue pour accompagner les machines équipées de puces ARM, dont l’architecture est radicalement différente de ce qu’on trouve habituellement dans les PC (x86). En surface, Windows 8 et RT affichent la même interface, que l’on parle du Start Screen ou du Bureau. Pourtant, les deux ont des différences fondamentales qu’il faut absolument connaître pour faire un choix éclairé sur le matériel.
La situation aurait été simple si seuls les PC et des tablettes Clover Trail (Intel, donc x86) avaient été commercialisés. Mais il n’en est rien : non seulement on trouvera bon nombre de tablettes ARM, mais la frontière va s’effacer encore davantage avec les portables eux-mêmes équipés de puces ARM. Par exemple, le Yoga 11 de Lenovo sera un portable hybride de 11 pouces équipé d’un Tegra 3 de NVIDIA. La réponse à votre question silencieuse est claire : oui, il s’agit d’un « PC » alimenté par une puce ARM. Et c’est ici que commence le danger du client.
Microsoft a souhaité une abstraction importante entre la partie logicielle et le matériel. En offrant une interface unique, la firme souhaite que le client achète une machine « sans y penser » puis l’utilise comme il le souhaite. Dans la pratique, ce comportement est impossible. Et pour cause, les capacités logicielles de Windows 8 et RT présentent une différence cruciale : Windows RT n’autorise pas l’installation et l’exécution des applications Win32.
Pourquoi ne puis-je pas installer mes logiciels et mes jeux ?
Le danger apparaît donc de manière très concrète : qu’un client choisisse une tablette ou un portable équipé d’une puce ARM et il ne pourra pas faire fonctionner ses applications habituelles. Le phénomène sera compensé en partie par l’intégration d’Office 2013, mais le champ applicatif ne pourra s’étendre qu’à travers le Windows Store et donc les applications Modern UI. L’utilisateur aura alors peut-être l’impression d’avoir acheté un PC Windows qui n’en est pas un.
Microsoft va de fait devoir commencer un vrai travail « d’éducation » car la différence sera difficilement perceptible dans les magasins. Comment expliquer que deux portables, pourtant très semblables et ayant le même système d’exploitation en apparence, puissent présenter une telle différence fonctionnelle ? En termes de marketing et de conseil client, cette pluralité de machines risque de créer un vrai trouble : « Puis-je installer mes jeux sur cette machine ? Non ? Pourquoi pas, alors que sur celle-ci je peux le faire ? ».
L'offre Windows va connaître une période transitoire
D’autres soucis pourraient intervenir pour Microsoft. D’une part, un vrai choix d’applications disponibles dans le Windows Store sera essentiel pour augmenter l’attractivité de la plateforme. D’autre part, même ce choix sera contrebalancé par un constat simple : pour l’utilisateur lambda, cela reste une fracture brutale de ses repères et de ses habitudes. Les applications Modern UI et Win32 n’ont absolument pas la même expérience utilisateur. Enfin, si le client sait que ses habitudes vont être complètement chamboulées, il envisagera peut-être de se tourner tout simplement vers une autre plateforme. Ceux qui réfléchissaient par exemple à l’achat d’un Mac pourraient juger que le moment est venu. Idem pour Linux : pourquoi ne pas donner sa chance à Ubuntu, OpenSuse ou Fedora ?
Quoi qu’il en soit, l’information sera ici la ressource primordiale pour Microsoft. La firme doit absolument éviter la mauvaise surprise de l’utilisateur qui se retrouverait sur un Bureau ne lui permettant pas d’installer ce qu’il connait. Ce type de frustration crée rapidement des échos négatifs pour un produit. Microsoft et ses partenaires devront donc présenter soigneusement leurs produits afin que le choix du client puisse être facilité.
En conclusion, le succès des ordinateurs ARM n’est pas garanti, à cause justement d’un form facteur qui laissera penser que l’on peut l’utiliser comme on l’a toujours fait. Bien entendu, pour les PC Intel classiques, le Bureau sera toujours là avec toutes ses capacités. En dernier ressort, le client potentiel devra soigneusement identifier ses besoins et se renseigner avant de faire son choix car l’offre de machines Windows traversera une phase particulièrement nébuleuse.