Encore et toujours, le contrat open bar liant le ministère de la Défense à Microsoft interroge les députés. Dernier en date, Marie-Françoise Bechtel qui vient de questionner le nouveau ministre sur le renouvellement de cet accord-cadre.
La France pouvait elle raisonnablement signer un contrat « open bar » avec Microsoft pour équiper les postes de travail de l’armée ? C’est en substance la question soulevée par la députée socialiste de l’Aisne, Marie-Françoise Bechtel.
« Portant sur 185 000 postes de travail, ce contrat pourrait à la fois placer la France dans une situation de dépendance vis-à-vis du développeur américain et fragiliser la sécurité informatique de l'armée française » considère la parlementaire qui ausculte ce contrat sous le prisme des révélations Snowden : « Les récentes révélations sur la collaboration des entreprises américaines avec les services de renseignements, aboutissant à des possibilités pour ces services d'accéder à toutes les données des administrations, renforcent ces inquiétudes et interrogent sur l'opportunité de la passation d'un tel contrat. »
L'avantage du libre
La députée considère que le choix du logiciel libre « aurait recouvré le double avantage de sécuriser les postes de travail informatique de notre armée et de permettre des créations substantielles d'emplois, notamment d'ingénieurs, en France ». Et celle-ci de demander au ministère les garanties mises en œuvre pour assurer « la protection des intérêts de notre armée et de notre pays ».
La sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam avait elle-aussi interrogé le ministère sur les conditions de ce contrat renouvelé jusqu’en 2017. Elle mettait en cause le manque de transparence de ce contrat-cadre signé sans appel d’offres ni mise en concurrence préalable.
L'aiguillon du libre sur les prix Microsoft
Une première fois passé en 2009, comme nous le révélions, ce contrat avait subi plusieurs revers internes avec l’avis négatif de plusieurs experts et du rapporteur de la Commission des Marchés Publics de l’État.
Un tableau de synthèse de la Direction Interarmées des Réseaux D'Infrastructure et des Systèmes d'Information, obtenu par l’April, soulignait cependant les arguments en faveur de Microsoft. « L'utilisation de logiciels libres serait d'un coût de revient proche de l'utilisation de licences Microsoft. En effet, s'il n'existe pas d'achat de licence au démarrage, les mises à jour ne sont en revanche pas gratuites. D'autres frais sont aussi à prendre en compte comme la formation de personnels de soutien, les logiciels libres nécessitant une plus grande implication des utilisateurs. D'autres matériels doivent aussi être achetés afin de pouvoir permettre l'utilisation de ces logiciels. »
Le contre-amiral Arnaud Coustillière avait pour sa part ajouté à l’Assemblée nationale que « les grands éditeurs de logiciels, dont les produits ont tendance à devenir des normes, ne sont pas forcément moins bons en matière de sécurité de leurs produits que les développeurs de logiciels libres ». De plus, ces éditeurs ont « tout intérêt à faire évoluer leur produit commercial et à en assurer la fiabilité dans la durée. Inversement, le logiciel libre est développé par une communauté, parfois à géométrie variable. En tout état de cause, le débat entre logiciel commercial et logiciel libre tourne parfois à la" guerre de religion" ».
Mieux, cette opposition avait permis à l’armée selon lui, de faire baisser le prix de ces logiciels dans les négociations avec Microsoft. Pour une centaine d’euros, rappelons-le, la Grande Muette a la possibilité de remplir un poste de travail de toutes les licences Microsoft de son choix. Précisons qu'il s'agit d'un simple droit d'usage, non d'un transfert de propriété : en 2017, l'Armée devra donc renouveler ou désinstaller les licences.
La position de l'April
Cette pluie d’arguments n’a pas convaincu l’April pour qui ce type de licence ouverte « présente des avantages pour la pérennité du matériel » ajoutant que « les mises à jour sont tout aussi libres que les logiciels et que le libre ne nécessite pas forcément d'implication particulière de ses utilisateurs ». L’association pour la promotion du libre regrettait par ailleurs l’absence de référence aux « problématiques de surveillances ou des portes dérobées présentes dans les logiciels privateurs, alors que cela représente un danger immédiat pour la sécurité nationale. Au contraire, on voit dans ce dossier la volonté de suivre aveuglément un choix pourtant dangereux pour la sécurité nationale et l'indépendance technologique. »
En février 2010, l'AFUL, l'association francophone des utilisateurs de logicels libres exhortait déjà les députés à se saisir de cette problématique (voir la lettre ouverte, envoyée à plusieurs députés) Elle soulignait « l'impossibilité de faire machine arrière au vu du montant du coût de sortie et de l'incapacité d'évolution vers un système hétérogène des solutions 100% Microsoft » ou encore le risque d' « un arrêt l'arrêt de toute recherche ou expérimentation d'alternative aux logiciels de Microsoft, notamment dans lesecteur des logiciels libres dont l'activitéprofiteàde très nombreuses entreprises françaises. »