Selon des sources proches du dossier contactées par nos confrères Les Échos, Netflix devrait proposer ses services à partir du Luxembourg. Une nouvelle qui devrait déplaire au gouvernement même si l'Américain agit en toute légalité. Autre nouvelle importante, Netflix réfléchirait bien à des accords avec les FAI pour intégrer leur box, mais il n'y aura pas d'exclusivité contrairement à ce que certains craignaient.
« Le niveau des obligations (...) les dérange »
Disponible au Royaume-Uni, en Irlande, aux Pays-Bas, au Danemark, en Suède, en Finlande et en Norvège, le service américain Netflix pilote toutes ses offres depuis le Luxembourg. À l'instar d'Amazon Europe ou encore d'iTunes Europe, le service de vidéo à la demande par abonnement s'est donc établi au Grand-duché pour régler ses affaires continentales, ceci pour des questions fiscales en grande partie. Pendant un temps, la France avait espéré voir l'Américain choisir le sol national pour régler ses affaires, mais cela ne devrait pas être le cas selon nos confrères. Il n'y aura donc pas d'exception faite pour la France.
Ce choix de Netflix de rester au Luxembourg aurait deux raisons principales. Outre le côté fiscal, il y a aussi la question réglementaire. En effet, les sociétés travaillent dans le secteur de la vidéo à la demande ont diverses obligations. Elles doivent notamment mettre en avant un certain nombre d'œuvres françaises et européennes, ce qui n'arrange guère la firme, son système de recommandations s'adaptant à chaque utilisateur. Si quelqu'un apprécie particulièrement les œuvres venant d'Amérique ou d'Asie et que le système de Netflix le remarque, lui imposer des films et séries venant d'Europe peut paraître insensé.
Outre les recommandations, le fournisseur de contenus aura aussi l'obligation d'investir dans des œuvres locales passé un certain montant de chiffre d'affaires, que ce soit en achetant des films ou en les pré-finançant. Ce n'est ici pas un problème en soit pour le service, qui serait même prêt à produire ses propres séries en France. « Le niveau des obligations touchant les services de médias à la demande les dérange, même s'ils sont d'accord pour financer des productions françaises » a ainsi expliqué une source proche du dossier aux Échos. Mais cette même source assure aussi que Netflix est véritablement gêné par la réglementation française.
2011 : « En France, pour l’instant, le marché est un peu trop régulé »
Il y a de cela trois ans, alors que l'internationalisation de Netflix était déjà sur les rails, Ted Sarandos, qui a pour lourde charge de gérer l’acquisition des contenus chez l'Américain, indiquait déjà lors d'une entrevue accordée au Figaro que sa société ira « partout ». Mais la France ne faisait pas partie des priorités confiait-il déjà à l'époque, information parfaitement confirmée par la suite, avec l'arrivée du service en Amérique latine et dans les caraïbes fin 2011 et dans certains pays européens les années suivantes. « Nous nous concentrons sur les marchés où l’Internet haut débit est avancé et où le contexte économique nous est favorable. En France, pour l’instant, le marché est un peu trop régulé » nous expliquait déjà Netflix il y a trois ans.
Une logique qui confortait celle déjà mise en avant par Rémi Tereszkiewicz, le directeur général délégué de Videofutur, qui nous expliquait la situation complexe et difficile des offres de vidéo à la demande illimitée dans l'Hexagone : « Aujourd'hui, construire une offre purement "SVOD" à l'instar de ce que propose Netflix depuis quelque temps n'est pas possible en France. La restriction des contenus à 36 mois et plus, imposée par la règlementation, empêche d'inclure dans l'offre des films récents qui représentent pourtant la grande majorité des consommations. Et le choix proposé sur ces titres anciens n'est pas assez important pour apporter une promesse d'exhaustivité, comme le DVD peut le faire. »
Depuis, rien n'a changé ou presque. Les offres de SVOD ne peuvent toujours pas diffuser de films de moins de trois ans. Le marché local a par contre franchement évolué. Canalplay Infinity, l'offre plus ou moins équivalente à Netflix de Canal+, s'est développé et compterait près de 300 000 abonnés. Videofutur et FilmoTV ont pour leur part fusionné afin de se renforcer. Preuve que l'arrivée de ce nouvel acteur fait trembler.
La problématique des boitiers des FAI français
Autre sujet d'importance, la disponibilité de Netflix directement dans les offres TV des opérateurs. Peu importe le pays dans le monde, le service est accessible directement via navigateur, mais aussi par l'intermédiaire d'autres moyens, comme certaines Smart TV, des consoles (PS3, Xbox 360, Wii, Wii U...), certains lecteurs Blu-ray, des boitiers spécifiques (Apple TV, Google TV, Chromecast, etc.) et bien entendu via des applications dédiées sur iOS, Android et Windows Phone.
Mais la France a pour spécificité d'avoir des millions de boitiers TV très développés présents dans les foyers, ceci grâce aux offres des fournisseurs d'accès internet locaux. Une situation qui réduit l'intérêt des Smart TV ou encore des boitiers spécialisés de type Apple TV. Mais pour Netflix, le cas spécifique de la France pourrait être utilisé à son avantage. En trouvant des accords avec les FAI, le service pourrait arriver directement sur les télévisions des Français. Reste à connaître les modalités.
Toujours d'après Les Échos, aucune exclusivité ne serait sur les rails, alors que nous pensions un temps que la Livebox d'Orange pourrait proposer Netflix en avant-première. Des discussions entre le service de SVOD et les opérateurs français ont bien lieu depuis fin 2013, mais rien ne serait acté pour le moment. Il faut dire que le fournisseur de contenus souhaite proposer son service de façon équivalente que ce soit via le web, ses applications et les box françaises. « Netflix veut que nous modifiions notre box, car il est très fier de son ergonomie, de sa capacité à analyser les données et de son moteur de préconisations » a ainsi précisé un FAI à nos confrères. Or cette façon d'imposer ses règles aux opérateurs est inédite pour ces derniers. « Nous n'avons jamais intégré un lecteur spécifique pour un acteur dans notre box. ».
Notons enfin que la société n'a pour le moment pas annoncé son arrivée en France officiellement. De nombreux acteurs proches du secteur audiovisuel indiquent toutefois que l'Américain pourrait poser ses valises à Paris en septembre ou octobre prochain. La Belgique et l'Allemagne seraient aussi visées cette année, mais là encore, rien n'a été confirmé de façon officielle.