De nombreuses études ont déjà été réalisées au sujet de l'attitude et des motivations des joueurs payant pour des jeux basés sur le modèle free-to-play, notamment de celles des « baleines », un terme désignant les plus dépensiers. Ubisoft s'est également penché sur le problème et a livré son analyse lors de la Games Developers Conference le mois dernier.
Les baleines, un sujet d'étude délicat
Ubisoft dispose d'un catalogue assez large de titres free-to play, que ce soit sur mobiles ou sur PC. Si l'exemple le plus emblématique chez l'éditeur français reste The Mighty Quest For Epic Loot, dont la monétisation a déjà fait débat lors de sa phase d'alpha-test, il ne faut pas oublier le célèbre Duel of Champions, ni même Might & Magic Heroes Online, qui profitent d'un public assez large.
Grâce à ce lot de jeux basés sur le modèle free-to-play brassant au bas mot quelques millions de joueurs, la firme Rennaise dispose d'un grand nombre de données à analyser sur le comportement des joueurs sur ces jeux, et sur ce qui les motive à passer à la caisse. « Avoir des données c'est une chose. En sortir des choses intéressantes en est une autre », explique Nicolas Ducheneaut, chercheur chez Ubisoft, lors de la Games Developers Conference, selon des propos rapportés par GamesIndustry.
Nicolas Ducheneaut s'est notamment penché sur le cas des « baleines », ces joueurs dépensant parfois plusieurs centaines d'euros chaque mois dans un jeu, (en l'occurrence Ghost Recon Online) pour se procurer divers avantages. « Une des choses dont nous nous sommes aperçus, c'est que nos développeurs et nos équipes marketing avaient beaucoup d'idées reçues sur les baleines et ce qui les pousse à dépenser. Ils pensent qu'ils sont impulsifs, moins rationnels, voire hédonistes. En fait nous avons trouvé tout le contraire, ils ne sont pas impulsifs, ils pensent au long-terme, ils gardent leur sang-froid, sont méthodiques et soutiennent les jeux », explique-t-il.
Le mythe de l'impulsivité
Selon lui, les joueurs les plus dépensiers ouvrent leur bourse pour acheter des équipements qui leur permettent de maitriser différents aspects du gameplay ou essayer de nouvelles tactiques, ce qui au final enrichirait leur expérience de jeu, plutôt que de juste la faciliter. De leur côté, les studios doivent également faire en sorte de favoriser ce genre d'achats en permettant aux joueurs de comparer les objets et de leur expliquer ce qu'ils peuvent leur apporter en termes d'expérience de jeu.
Concernant l'impulsivité des achats effectués par les plus gros clients, le chercheur a étudié leur comportement en intégrant des promotions de manière régulière dans la boutique du jeu. La plupart d'entre eux ont remarqué la récurrence des promotions et font le plein de monnaie virtuelle à ces occasions-là, montrant ainsi qu'il n'est pas question d'achats sur un coup de tête ici, mais bien de planification.
Finalement, Nicolas Ducheneaut définit les « baleines » comme de simples passionnés du jeu sur lequel ils ont jeté leur dévolu. « Ils sont attachés à leur hobby. Ils y investissent des ressources, tout comme quelqu'un d'autre le ferait dans du modélisme, un skateboard ou quoi que ce soit d'autres. Ce n'est différent en rien de tout cela ».
Faut-il revoir tout le principe même du free-to-play ?
Ce que l'on pourra retenir de cette étude est que les idées préconçues selon lesquelles les joueurs les plus dépensiers sont des personnes jetant leur argent par les fenêtres sont totalement fausses. Au contraire, chacun de leurs actes semble réfléchi dans le cadre du jeu, la question de savoir si cela est vraiment pertinent de laisser plusieurs milliers d'euros dans un jeu comme Clash of Clans étant hors de propos et totalement subjective.
Une autre étude ayant déjà montré que seuls 1 % des joueurs investissaient dans les jeux free-to-play, et que 20 % d'entre eux comptent pour 90 % des revenus, il apparait désormais clairement que les éditeurs de ces titres ne doivent pas se pencher sur le joueur de passage qui lâchera ses 99 centimes et disparaîtra. Au contraire, leur intérêt est de satisfaire les plus investis et de s'arranger pour qu'eux restent. La question est donc de savoir quel impact cette « découverte » pourra avoir sur la monétisation des jeux et si cela peut nous mener à un retour au modèle « classique » des jeux payants, y compris sur mobiles.