Si le CSA va effectivement disposer de nouveaux pouvoirs renforcés, il n'est pour le moment pas question de le voir se préoccuper de la question du volume des publicités imposé aux lecteurs. Mais cette question pourra-t-elle continuer longtemps à être laissée de côté par l'ensemble des acteurs ?
Alors que le CSA s'apprête à disposer de nouveaux pouvoirs, ces derniers commencent à se préciser. Ainsi, comme certains l'espéraient, le Conseil aura désormais en charge de réguler le volume publicitaire des sites internet français, comme pour la TV. Pour mener cela à bien, il compte opter pour un accord « win-win » avec ceux qui joueront le jeu, et faire interdire les bloqueurs de publicité.
Adblock avait mis en place son service de publicités raisonnables, ils vont devoir faire avec une modification profonde du cadre français en matière de publicité sur internet. En effet, le CSA, fort de ses nouveaux pouvoirs, pourra réguler le volume publicitaire imposé par les sites internet à leurs lecteurs, comme il le fait déjà pour la télévision. Si les règles ne sont pas encore définies, et devront sans doute faire l'objet d'une prise de décision après une phase de discussion avec différents syndicats du secteur, le principe de base est déjà acté. Lors d'une récente réunion du GESTE, notre confrère Guénaël Pépin avait d'ailleurs relevé des avancées en ce sens (ici, là ou encore là).
Le CSA, les sites conventionnés et le respect des internautes
Ainsi, les fameux sites conventionnés tels qu'ils sont définis dans le projet de loi devront s'engager au niveau du volume publicitaire qu'ils imposent à leurs lecteurs, mais aussi sur les dispositifs de « tracking » qui devront être en nombre limité. Nous nous étions déjà fait l'écho des abus en la matière, avec certains sites qui grimpent à près de 80 éléments par page dans certains cas. En novembre dernier nous avions ainsi effectué un relevé avec Ghostery chez Dailymotion qui en comptabilisait 78, mais il est courant d'en retrouver une quarantaine ou plus sur des sites de presse consultés par des millions de français chaque jour, quand ils ne cherchent pas tout simplement à vous localiser au mètre près pour des raisons publicitaires :
Je retire le tweet précédent : nouveau record (chez Dailymotion toujours) : 78 trackers ! #GoLes100 pic.twitter.com/CpiqKTEQ0d
— David Legrand (@David_NXi) 6 Novembre 2013
Jusqu'à maintenant, aucun organisme ne venait réguler ces pratiques, que ce soit du fait de cumuler pavés, bannières, barres, vidéo en tous genre avec pre-roll / post-roll, contenus relatifs sponsorisés, etc. Désormais, ceux qui respecteront certaines règles disposeront d'un avantage de taille : les outils de blocage des scripts et des publicités n'auront plus le droit de fonctionner sur ces sites.
Une liste blanche publique et disponible en différents formats sera ainsi mise en ligne et des contrôles seront régulièrement effectués. Comme dans le cas de l'ARPP, les internautes pourront aussi signaler toute pratique qui leur semble être un manquement aux règles qui seront définies, et dont on espère qu'elles sauront trouver un juste milieu.
Le début d'une ère vertueuse, ou d'un bras de fer ?
Cette décision devrait plaire à de nombreux sites qui se plaignent assez largement de l'utilisation d'Adblock et de la problématique que cela pose en ce qui concerne la monétisation de leur contenu. Nous nous sommes déjà fait l'écho de cela de notre côté, mais on a par exemple récemment vu Millenium mettre en place une mention sur ses vidéos pour tenter d'enrayer le phénomène, et même organiser un concours allant dans ce sens.
Blatty, l'un de ses streamers rémunéré en fonction du nombre de vues qu'il génère, par le site et Dailymotion, a aussi décidé de s'exprimer récemment sur le sujet via sa page Facebook, évoquant une modification du contrat entre les deux entités :
« Le contrat entre Millenium et Dailymotion a changé au mois de Mars, et pour faire TRES simple, je vais certainement devoir reconsidérer mon avenir d'ici peu. Pourquoi ? Car aujourd'hui plus de 60% des viewers ne voient pas les publicités sur les streams, en grande partie à cause d'un programme tiers qui les bloque.
Mais ça change quoi ? Avant, on profitait du fait que même les pubs bloquées rapportaient de l'argent, alors que maintenant c'est fini. Résultat ? Ben je vais toucher au moins 60% de moins qu'avant, et oui, car je ne suis pas salarié et que je gagne ma vie UNIQUEMENT avec les pubs. Et je peux vous dire que je roulais déjà pas sur l'or, avec le peu de viewers/visibilité sur ma chaîne, en enchaînant des streams de 10-12h+ par jour (ce qui est ENORME) et que du coup, je ne vais clairement pas dégager suffisamment d'argent pour vivre. Mais je ne serais pas le seul, c'est valable pour tous les autres streamers français, chaînes Millenium et autres. »
Reste que tout cela n'est pas encore mis en place, et qu'avant l'adoption des textes et la mise en pratique effective, de nombreuses choses pourront changer. La question de la nationalité des sites concernés se posera aussi. Quid de ceux qui décideront de passer la frontière en espérant passer à travers les mailles du filet ? Le CSA pourra-t-il leur imposer ses règles du jeu ou devra-t-il passer par la manière forte ?
On avait déjà vu plusieurs sociétés de presse française, notamment dans le milieu informatique, s'expatrier au Luxembourg il y a quelques années. Cela sera-t-il aussi le cas avec les sites d'information en ligne ? L'avenir nous le dira.