Plusieurs documents dérobés par Edward Snowden et révélés par deux journaux, dont Der Spiegel, indiquent que la NSA a espionné de manière directe plus de 120 chefs d’État. L’information fait l’effet d’une bombe et plus particulièrement en Allemagne, déjà ébranlée par le scandale des écoutes du téléphone d’Angela Merkel.
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Nymrod, la base de données des chefs d’État
À nouveaux documents d’Edward Snowden révélés, nouveau scandale. L’information est retransmise cette fois par le journal allemand Der Spiegel, ainsi que par le site The Intercept. Le simple fait que ces deux médias retransmettent l’information n’est pas un hasard. L’article de Der Spiegel a été écrit par Laura Poitras, tandis que The Intercept a été fondé par Glenn Greenwald. Et si ces deux noms ne vous évoquent rien, il s’agit tout simplement des deux journalistes qui ont réalisé l’interview initiale de Snowden peu après son arrivée en Russie.
L’article de Der Spiegl est l’original, celui par lequel est venu le nouveau scandale. Et les documents de Snowden ont de quoi défrayer la chronique : la NSA (National Security Agency) a espionné directement pas moins de 122 chefs d’État de manière directe. Ces informations ont été rassemblées et stockées dans une base de données confidentielle et lourdement protégée. Portant le nom de code « Nymrod », elle est accompagnée de plusieurs outils automatisés pour extraire rapidement des informations pertinentes.
Des cibles évidentes, d'autres beaucoup moins
Parmi les 122 chefs d’État, on trouve des cibles évidentes, comme le président de la Libye. La NSA surveille ainsi de près l’ensemble des pays dans lesquels la situation est instable et/ou qui regorgent d’activités terroristes. Mais d’autres sont plus sujets à interrogation et c’est très notablement le cas de l’Allemagne : la chancelière Angela Merkel est encore une fois la cible de l’agence de sécurité.
La base de données Nymrod regroupe ces informations pour permettre l’exploitation de données qui pourraient avoir un impact sur la sécurité des États-Unis. Un outil permet par exemple de créer automatiquement des « citations » sur la base d’informations disséminées dans plusieurs contenus. Dans le principe, cela ressemble au fonctionnement de l’application Summly, rachetée par Yahoo pour devenir News Digest.
Tous les canaux de communications espionnés
Nymrod est constituée sur la base d’informations récupérées depuis les appels téléphoniques, les fax et globalement toutes les formes de communications capables de contenir des données intéressantes. Selon Der Spiegel, la NSA obtient ainsi des informations précises qui réclameraient sinon une traque beaucoup plus longue et probablement moins efficace. Et non seulement la collecte a été couronnée de succès, mais elle est, du moins d'un certain point de vue, parfaitement légale outre-Atlantique puisqu'elle a reçu le feu vert d'un juge via une décision top-secrète.
Mais la NSA n’est pas la seule agence de sécurité à s’être particulièrement intéressée à l’Allemagne. C’est également le cas du GCHQ, son équivalent britannique. Et l’agence anglaise est allée plus loin en infiltrant directement plusieurs grosses entreprises d’outre-Rhin : Stellar, Cetel et IABG. Les deux premières sont des fournisseurs de solutions de communications par satellite, tandis que la troisième fournit des équipements de communication et des solutions de sécurité.
Des entreprises allemandes infiltrées
Le choix de ces cibles ne dépendait pas cette fois d’un rapport quelconque à la sécurité et à l’observation des menaces. Selon The Intercept, il s’agissait d’obtenir directement des informations qui permettraient d’exploiter des failles dans les satellites. De la même manière que la NSA souhaitait des données similaires sur les routeurs et équipements Huawei, le GCHQ cherchait des portes dérobées dans les satellites afin d’en analyser le contenu qui y transitait. Cette opération, comme tant d’autres, a été réalisée conjointement avec la NSA.
Évidemment, les réactions ne se sont pas fait attendre. Du côté de l’Allemagne, un porte-parole a exprimé la colère de la chancelière : « Cela constituerait un grave abus de confiance. De telles pratiques doivent immédiatement cesser ». Côté États-Unis, la Maison Blanche a réagi de manière nette : « Le président a assuré la chancelière que les États-Unis ne surveillent pas et ne surveilleront pas les communications de la chancelière ». Ce qui évidemment ne nie pas le fait que ce fut le cas par le passé.
L'affaire n'en restera sans doute pas là. Le procureur général allemand de la république Harald Range a ainsi indiqué qu'une enquête avait été ouverte pour espionnage caractérisé. Si des preuves concluantes devaient être trouvées, il s'agirait alors d'une affaire criminelle.