Alors que le feuilleton Vivendi-SFR-Altice-Numericable-Bouygues dure désormais depuis près d'un mois, Gérard Rameix, le président de l'Autorité des marchés financiers (AMF) a pour la première fois abordé publiquement le sujet. Il a notamment regretté le manque de transparence de la part de Vivendi et d'Altice.
La toute première offre de Bouygues pour racheter SFR. Elle a depuis fortement évolué.
« La prise de parole du régulateur est en soi une anomalie, le signe d’un malaise »
L'Autorité des marchés financiers, à l'instar de l'Autorité de la concurrence et de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), regarde de près tout ce qui touche la future acquisition de SFR. Un droit de réserve est toutefois de mise pour toutes ces autorités tant que le choix de Vivendi n'est pas à 100 % tranché, ce qui ne devrait pas être le cas avant le 4 avril au plus tôt. « Je comprends que pour les acteurs, l’information ou l’absence d’information est un élément de stratégie » a ainsi indiqué Gérard Rameix lors d'une entrevue accordée au Figaro.
Mais le président de l'AMF n'a pas caché qu'il y avait un réel problème vis-à-vis de cette acquisition. « La prise de parole du régulateur est en soi une anomalie, le signe d’un malaise » a-t-il ainsi confié à nos confrères. Un malaise ? Si le patron de l'autorité comprend très bien que tous les détails ne soient pas dévoilés publiquement, ceci dès lors que SFR n'est pas cotée en bourse et donc que rien n'oblige Vivendi à être totalement transparent, il note toutefois que des efforts importants pourraient être réalisés, notamment du côté d'Altice, l'actionnaire principal de Numericable, et de Vivendi, la maison-mère de SFR.
« Ici, nous évoluons dans le cadre général du droit boursier, celui de l’information permanente qui impose une information précise, exacte et sincère, notamment au sujet des opérations financières en préparation. Ce sont des règles exigeantes dans leur principe, mais générales dans leur expression » remarque Gérard Rameix. Concrètement, alors que Bouygues a dévoilé de très nombreux détails de son offre initiale (notre article), Altice et Vivendi, eux, se sont contentés de simples phrases lapidaires via communiqué.
« Nous voulons que le marché ait une information complète et précise »
Pour le président de l'AMF, ces deux sociétés devraient aller bien plus loin. « Nous voulons que le marché ait une information complète et précise. » L'Autorité aimerait notamment en savoir plus sur les possibles indemnités prévues en cas d’échec de l’opération, sachant que des rumeurs avancent la somme de 500 millions à 1 milliard d'euros proposée par Bouygues si son offre était rejetée par l'Autorité de la concurrence. L'AMF souhaiterait aussi avoir de plus amples détails sur les conditions de sortie de Vivendi du capital du nouvel ensemble. En effet, aux dernières nouvelles, Altice laissera 32 % des actions de sa fusion avec SFR à Vivendi, tandis que Bouygues ne cèdera que 21,5 % du nouvel ensemble. Or le but de Vivendi est bien de se débarrasser le plus rapidement possible de ces parts afin de faire entrer du cash, ce qui devrait être possible dès lors que le fruit de la fusion sera entré en bourse.
Certes, rien n'obligeait Bouygues à détailler ses offres tout comme rien ne pousse Altice et Vivendi à sortir du mystère. Néanmoins, Gérard Rameix fait remarquer que les offres proposées sont particulièrement sensibles et ont des conséquences en bourse importantes même sur la concurrence (Orange et Iliad en savent quelque chose). Les rendre publiques est donc plutôt souhaité, notamment lorsque l'opérateur « n’est pas en mesure d’en préserver le secret ». Une façon d'indiquer que les rumeurs publiées ces derniers jours sur Bouygues et Altice ne sont pas constructives et ont tout intérêt à être balayées par la publication d'informations officielles.
Une communication « qui nous a (...) paru insuffisante lors du choix d’Altice »
Mais si Bouygues pourrait faire encore quelques efforts supplémentaires en matière de transparence, le président de l'AMF vise tout de même bien plus Altice et son accord exclusif. Il demande ainsi à Vivendi de dévoiler quelques détails majeurs sur son accord de négociations exclusives. « Le vendeur a lui aussi le devoir d’être rigoureux dans sa communication, qui nous a notamment paru insuffisante lors du choix d’Altice-Numericable, en particulier sur les conditions de liquidité future de sa participation. »
Rappelons que depuis l'annonce officielle de Bouygues d'augmenter pour une deuxième fois son offre, aucune nouvelle officielle n'a été publiée. Ces derniers jours, les rumeurs se sont donc accumulées. Outre les 500 millions-1 milliard d'euros proposés par Bouygues en cas d'échec de son offre, nous avons aussi appris que l'opérateur cherchait à trouver de nouveaux alliés afin d'acheter l'intégralité de SFR, ce qui résoudrait la problématique de la vente des parts de Vivendi du nouvel ensemble. Outre divers fonds d'investissement, le Qatar et le groupe Dassault auraient été approchés d'après le Journal du Dimanche, ceci dans le but de croquer près de 20 % de la future fusion.
Quant à Altice, les rumeurs sont bien moins importantes. Outre la question d'une nouvelle augmentation de son offre, certains imaginent que la société fera tout pour sceller un accord définitif avec Vivendi afin de calmer les ardeurs de Bouygues. Mais l'offre relevée de ce dernier ne devrait pas laisser indifférent la maison-mère de Canal+ et d'Universal Music.