David El Sayegh, directeur général du SNEP, le syndicat de l’édition phonographique, veut armer la Hadopi d’un nouveau pouvoir : celui du déférencement massif.
Le changement, c’est pour bientôt ! David el Sayegh, directeur général du Snep, a dévoilé devant la mission Lescure les prétentions des majors pour aiguiser la régulation du net. Sans surprise, il milite pour que la riposte graduée soit conservée à l’encontre des « pirates domestiques ». « Quand on demande à un paysan ce qui fait le plus de mal, si c’est un millier de sauterelles dans son champ ou trois sangliers, il a tendance à vous répondre, le millier de sauterelles » (@15’20 de l’extrait). Le SNEP considère la réponse graduée « adaptée, proportionnée et efficace ».
Mais pas suffisante.
À l’encontre de la piraterie qualifiée de « commerciale », à savoir dans l’esprit du SNEP le direct download et le streaming, les majors ont une solution. Une solution franco-française, qui n’exige aucune modification hasardeuse de la directive sur le commerce électronique, celle qui encadre la responsabilité des intermédiaires techniques.
Son objectif est que « le consommateur se lasse et préfère aller vers un site légalement accessible ». Comment ? Simple ! « Il serait nécessaire d’élargir les compétences de l’autorité, en dotant la Hadopi de la capacité de procéder au déréférencement des liens illicites qui conduisent les internautes vers des services en lignes illicites ». Avantage, cet élargissement « pourrait se faire avec des médications mineures de la loi. »
Sarkozy, Hadopi, Allostreaming, CSPLA, Suggest
Le levier du déréférencement n’est pas neuf. En mars 2012, le principe avait été évoqué par Nicolas Sarkozy lorsqu'il esquissait la future Hadopi 3. Mais on peut remonter bien plus tôt. Début 2009, lors de la gestation de la loi Hadopi, un amendement du député Franck Riester, rapporteur et depuis membre du collège, proposait un système un peu similaire, celui du surréférencement : « afin de mieux valoriser l’offre légale, […] la Haute Autorité veille à la mise en place ainsi qu’à l’actualisation d’un système de référencement de ces mêmes offres par les logiciels permettant de trouver des ressources sur les réseaux de communication électroniques ». La question du surréférencement est toujours sur le feu au CSPLA. Le conseil juridique étudie actuellement la problématiquement dans le cadre d’une mission, menée en collaboration avec... la Hadopi.
Dans les tribunaux, l’idée là aussi fait son chemin. Récemment, devant la Cour de Cassation, le SNEP est parvenu à obtenir la purge de Google Suggest. L’affaire a d’ailleurs été citée devant la mission Lescure. Les ayants droit se sont appuyés sur l’article L336-2 CPI, celui qui permet d’exiger du juge toute mesure à l’égard de toute personne afin de faire cesser ou empêcher une atteinte à leurs droits.
Traitement massif
Plus intéressant encore, dans le dossier Allostreaming, les ayants droit de l’audiovisuel ont dévoilé un petit bijou toujours basé sur le L336-2 : un logiciel développé entre l’ALPA et TMG qui peut notifier automatiquement les FAI et les moteurs pour les obliger à bloquer ou déréférencer un contenu déjà reconnu illicite. Seul ridicule détail - et c’est l’objet de cette affaire en cours - il faut que le juge reconnaisse ce logiciel et surtout accepte d’effacer son autorité.
Devant la mission Lescure, David el Sayegh a détaillé son plan d’attaque : les ayants droit formuleront les demandes à la Hadopi qui les répercutera auprès des moteurs aux fins de référencement. Et pour faire bonne mesure, le SNEP n’hésite pas à évoquer un « traitement massif. »