Le rapport Krim espère redonner à la France la foi en ses développeurs

Krim et châtiment

La France dispose de nombreux développeurs aux compétences avérées, mais elle peine à les laisser déployer complètement leurs talents... Voilà le bilan dressé par un rapport remis hier à Fleur Pellerin, ministre déléguée à l’Économie numérique. Plusieurs propositions ont ainsi été mises sur la table afin d’améliorer la reconnaissance des développeurs dans l'Hexagone. Petit tour d’horizon sur ce rapport.

 

« Les développeurs, un atout pour la France ». Le nom du rapport remis hier à Fleur Pellerin par Tariq Krim, entrepreneur à l’origine de Netvibes et de Jolicloud, donne le ton. Alors que l’Hexagone est souvent pointé du doigt pour ses carcans administratifs et son manque d’attractivité à l’égard des innovateurs, la ministre déléguée à l’Économie numérique avait justement demandé à l’intéressé - également vice-président du Conseil national du numérique - d'étudier la filière des développeurs en France.

Le constat de base de Tariq Krim se veut plutôt amer. « De nombreux pionniers de l'informatique sont français mais, à l'instar de ses scientifiques, la France n'a jamais su ni les valoriser, ni les médiatiser », regrette ainsi le rapporteur. Et pourtant, ce dernier explique que « si nous avons du mal à nous imposer sur la scène internationale (l'absence de la France du club de grandes plateformes Internet en témoigne), ce n'est pas faute de talents français »... Une centaine de développeurs français présentés comme ayant « marqué l’univers du code à l’international » sont en effet mis en avant. On y retrouve ainsi Louis Pouzin, Jean-Baptiste Kempf, Laurent Chemla ou bien encore Stéphane Bortzmeyer.

Une situation paradoxale : des talents naissent en France mais partent à l’étranger

Aux yeux de Tariq Krim, la situation s’avère donc paradoxale. « La quasi-totalité des grandes entreprises numériques du monde occidental sont américaines. Jamais, pourtant, la France n’a eu en son sein autant d'expertise logicielle, ni d'envie de conquérir le nouveau monde ». Les États-Unis font réellement figure d’Eldorado, non seulement parce que les startups américaines « bénéficient d’emblée de toute une série d’avantages structurels », mais aussi en ce que nos développeurs y sont accueillis « à bras ouverts ».

 

Les pouvoirs publics français ont ainsi leur part de responsabilité, puisqu’ils sont décrits comme manquants de confiance envers leurs développeurs. « La France sait produire d'incroyables talents dans le Code, mais peine à en tirer pleinement parti » déplore à cet égard le rapporteur. Saluant malgré tout quelques pas en avant (efforts dans l’ouverture des données publiques, mise en place prochaine d’une procédure d’achats innovants au travers du pacte de compétitivité, divers financements de projets, etc.), Tariq Krim estime qu’il « est encore trop tôt pour évaluer l’impact » des politiques menées ces dernières années. Il retient surtout que l’on peut « se demander si d’autres actions ne seraient pas nécessaires pour passer des intentions affichées à des résultats ».

L’État pourrait commencer par donner plus d’importance à ses propres développeurs

De ce fait, le vice-président du CNNum dresse plusieurs pistes à l’attention de l’exécutif. Tout d’abord, il préconise premièrement de mieux « prendre en compte le rôle essentiel des développeurs ». Ceci pourrait commencer au sein même de l’administration, puisque l’État est invité à « promouvoir des développeurs aux postes de responsabilité pour la conduite des projets numériques ».

 

Alors que la Cour des comptes épingle régulièrement les lacunes de l’informatique publique et que le Premier ministre a affirmé il y a peu vouloir remodeler les systèmes d’information de l’État, Tariq Krim saisit la balle au bond et explique que « les développeurs sont souvent bien placés pour mettre en œuvre ces nouvelles approches (développement agile, mutualisation) », ajoutant que « leur implication dans les choix stratégiques renforcerait l’efficacité de l’action publique ».

Ajout d'un volet technologique à la feuille de route dédiée au numérique

Deuxième proposition phare : l’instauration d’une « feuille de route technologique », qui complèterait la « feuille de route » gouvernementale dédiée au numérique - dévoilée pour rappel en février 2013 (voir à cet égard notre bilan des « un an » des engagements alors présentés par l'exécutif). Tariq Krim considère que plusieurs « axes technologiques » devraient ainsi être fixés par le gouvernement, lesquels concerneraient tant les ministères que les opérateurs publics. Plus concrètement, il plaide pour :

  • La prise en compte des terminaux mobiles (mobile first),
  • Du web adaptatif (Responsive Design) pour le web public,
  • Un recours aux standards ouverts du Web (HTML5, en premier lieu),
  • Des logiciels hébergés dans des architectures de type cloud,
  • Une utilisation et une ouverture d’accès aux données grâce à des interfaces de programmation (API) qui permettent notamment d’ouvrir facilement l’accès à des applications mobiles,
  • Une primauté accordée à l’usage de briques logicielles réutilisables et standardisées (librairies, code implémenté) qui seraient mises sur des forges logicielles ouvertes de type Github.

Un éveil à la programmation dès le primaire et des « écoles du numérique »

Face à la « pénurie » de développeurs, Tariq Krim affirme qu’il faudrait améliorer la formation de ces derniers. Tout d’abord en continuant « de former des ingénieurs, des profils bac +5 mais aussi des cycles courts : bac+2 ». Ensuite, le rapporteur propose la mise en place d’ « écoles du numérique », destinées à des jeunes « décrocheurs » de 18 à 25 ans, et ce « en ciblant de manière prioritaire les banlieues ». Une initiative qui s’inspire notamment de l’école 42, lancée l’année dernière par Xavier Niel.

 

Il est même préconisé de viser encore plus loin, en identifiant les talents chez les enfants dès l'école primaire. Comment ? « En éveillant les élèves à la programmation ». Si le vice-président du CNNum ne s’étend pas sur cette recommandation, rappelons que l’institution s’est associée l’année dernière à l’Académie des Sciences, qui plaidait en faveur de la mise en place d’un « enseignement de science informatique depuis le primaire jusqu’au lycée, orienté vers la compréhension et la maîtrise de l’informatique, et dépassant donc largement les seuls usages des matériels et logiciels ».

Un « start-up visa » pour accueillir les talents étrangers

Enfin, Tariq Krim considère qu’il pourrait être intéressant de proposer un visa spécifique aux ingénieurs et développeurs qui souhaiteraient venir s’installer en France - à l’image de ce qu’a annoncé François Hollande il y a quelques semaines mais en faveur des entrepreneurs. Cette sorte de « start-up visa » permettrait selon le rapporteur « d'attirer en France l'immigration hautement qualifiée que représentent ces milliers d'ingénieurs, Chinois, Russes ou encore Indiens qui ne parviennent pas aujourd’hui à obtenir de visas pour les États-Unis ».

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