Selon une étude réalisée par le Français Youboox et l'Américain Digimarc, « un livre numérique sur deux est piraté » parmi les œuvres francophones. Et les bandes dessinées sortent particulièrement du lot, puisqu'elles devancent largement les livres de science-fiction et les romans en matière d'accès illégal.
Les BD, des cibles de choix ?
La société Youboox, créée il y a près de deux ans, a récemment lancé un concept pour le livre électronique (ebooks) bien connu dans la musique : une offre gratuite permettant d'accéder en illimité à son catalogue de plusieurs dizaines de milliers de titres en échange de publicité, ou une offre Premium à 9,99 euros par mois plus avantageuse (hors connexion, catalogue plus fourni, etc.) et sans publicité. Et alors que le Salon du livre à Paris touche à sa fin, la jeune pousse française s'est alliée à Digimarc, société américaine spécialisée dans le tatouage numérique (watermarking), afin de connaitre l'étendue du téléchargement illégal d'ebooks.
Une étude a ainsi été réalisée ces dernières semaines sur « plus de 100 titres numériques présents sur les plateformes officielles de lecture numérique francophone » et 441 infractions ont été enregistrées sur la moitié des titres analysés. Et plus que tous les autres genres, les bandes dessinées sont particulièrement ciblées, puisque 59 % des infractions ont concerné ce type d'œuvres, loin devant la science-fiction (23 %) et les romans (14 %).
Un discours déjà-vu
« Le piratage des livres numériques ne touche pas seulement les Bestsellers et les auteurs connus. L'ensemble des œuvres numériques est atteint et ce phénomène risque encore de s'amplifier si les acteurs du livre ne réagissent pas. Il faut rapidement donner aux éditeurs un moyen d’agir contre ce piratage pour éviter que cet usage ne s’installe » a analysé Fabien Sauleman, le co-fondateur de Youboox. Des éléments de langage qui rappellent furieusement ceux qu'ont tenu et tiennent encore les géants du marché de la musique et de la vidéo, ciblant leur vue non pas sur le développement du légal mais le recul de l'illégal, comme si chaque téléchargement frauduleux allait se transformer en achat en bonne et due forme.
Dans son communiqué, Youboox pointe d'ailleurs du doigt les outils de lutte contre l'accès illégal des livres numériques, en déclarant que « 71,4 % des éditeurs ont opté pour une solution visant à lutter contre le piratage (Adobe à 43,2 % ou marquage "watermark" à 36,4 %). Des solutions qui ne semblent pas porter leurs fruits. » Là encore, le discours est déjà-vu, la société sous-entendant ici qu'il faut encore renforcer les techniques visant à combattre le piratage. Une logique mise en place cette dernière décennie par bien des sociétés dans d'autres secteurs, et dont les fruits rapportés sont encore à prouver. On se rappellera qu'un temps, les verrous numériques (DRM) étaient quasi généralisés sur les plateformes de musique, et qu'ils ont ensuite été supprimés du fait des désagréments créés. L'histoire pourrait-elle se répéter ?
Rappelons qu'en décembre dernier, une étude de GfK indiquait que 84 % des adeptes de la lecture numérique téléchargent légalement leurs ebooks. Seuls 9 % n'achètent jamais rien (et donc téléchargent exclusivement) et 8 % alternent achats légaux et accès illégaux. Des chiffres bien différents de ceux de Youboox donc. Preuve qu'il faut prendre tous ces sondages et toutes ces études avec un certain recul. Et surtout qu'il ne faut pas oublier qu'un accès illégal n'est pas équivalent à une vente de perdue.