Une affaire d’importance sera rendue jeudi 27 mars par la Cour de Justice de l’Union Européenne : l’affaire Kino en matière de téléchargement illégal. Celle-ci va irriguer l’ensemble des pays européens, et spécialement la France où les ayants droit misent de grands espoirs sur la question de la prise en charge des coûts du blocage.
Deux entreprises, Constantin Film Verleih (« Vic le Viking », « Pandorum », etc.) et Wega Filmproduktionsgesellschaft (« Le ruban blanc ») avaient mal supporté que leurs œuvres soient disponibles en streaming ou téléchargement sur le site autrichien Kino.to. L’affaire prit, classiquement, le chemin des tribunaux afin d’ordonner le blocage. S’ils ont obtenu gain de cause devant les juges du fond, le FAI UPC Telekabel Wien a lui estimé que cette injonction ne pouvait lui être adressée. D’une part, parce qu’il n’avait aucune relation commerciale avec ce site et il n’est pas démontré que ses clients auraient agi illégalement. L’intermédiaire estime d’autre part ces mesures coûteuses et même facilement contournables.
Le blocage peut être supporté par les FAI selon l'avocat général
La Cour suprême autrichienne avait finalement transmis le dossier à la Cour de justice. Sur la question financière, l’avocat général a déjà posé qu’on pouvait faire supporter par les intermédiaires les coûts du blocage sauf « si une mesure en particulier devait s’avérer disproportionnée eu égard à sa complexité, son coût et sa durée ». Si tel est le cas, « il convient d’apprécier si le fait de mettre ledit coût, en tout ou en partie, à la charge du titulaire des droits est une mesure susceptible de rétablir la proportionnalité ». En clair, la justice peut faire supporter le coût du blocage par les FAI sauf quand cette mesure est bien trop vaste, voire disproportionnée. Le cas échéant, il est possible de mettre ces charges sur les épaules des ayants droit.
Dans le même temps, cet avocat général a considéré qu’il n’était pas possible d’imposer aux FAI des mesures de blocage exprimées « dans des termes très généraux et sans prescription de mesures concrètes » car « s’il décide d’adopter une mesure de blocage moins drastique afin de respecter la liberté d’information de ses clients, il aura à craindre qu’une astreinte ne lui soit infligée à l’issue de la procédure d’exécution. S’il décide, à l’inverse, de mettre en œuvre une mesure de blocage plus intensive, il aura à craindre une situation de conflit avec ses clients » (notre actualité.)
La cour n'est pas liée à cette interprétation et pourra, même si c'est rare, décider d'une solution inverse.
Une affaire suivie de près dans le dossier Allostreaming
Dans tous les cas, cette affaire va impacter directement le dossier Allostreaming désormais en rampe d’appel. Les ayants droit ont certes obtenu une victoire, le blocage de plusieurs sites de streaming, cependant, le TGI de Paris a considéré que les mesures devaient être exclusivement à la charge des demandeurs. Jean-Yves Mirski, le délégué général du Syndicat de l’Édition Vidéo Numérique, réfute une telle analyse : « On considère que les coûts n'ont pas à être à la charge des ayants droit. C'est pour nous une question de principe, les coûts doivent être pris en charge par les opérateurs. »