Alors même que de très nombreuses informations ont été révélées par les documents de Snowden, un nouvel article du Washington Post expose un nouveau scandale : la NSA enregistre l’intégralité des communications téléphoniques transitant dans un pays qui n’est pas nommé. En contradiction directe avec les propos de Barack Obama lors de l’annonce de sa réforme de la surveillance en janvier.
Source : The Washington Post
La totalité des communications téléphoniques d'un pays pendant un mois
Le Washington Post, l’un des journaux en possession des documents d’Edward Snowden, a publié hier soir un nouvel article sur les capacités de la NSA à surveiller certaines populations. Et les informations révélées y sont explosives : non seulement l’agence de sécurité américaine a la capacité d’avaler la totalité des conversations téléphoniques d’un pays, mais elle le fait dans la pratique avec au moins une nation.
Les données sont obtenues via un programme nommé MYSTIC et dont le logo est un magicien tenant un téléphone portable. Les conversations téléphoniques complètes sont enregistrées dans une titanesque base de données dans une mémoire tampon permanente capable de retenir tous les échanges des trente derniers jours. Les nouvelles conversations sont enregistrées en provoquant le départ des anciennes.
MYSTIC et RETRO, de nouvelles étapes dans le renseignement
Cet outil est accompagné d’un autre, RETRO (pour « retrospective retrieval »), pour aller fouiller cette base de données. Il permet aux analystes d’interroger les informations collectées et d’en sortir par exemple la liste complète des appels d’une personne sur une période donnée. Les fichiers audio peuvent être découpés et rassemblés dans des dossiers avant d’être envoyés à d’autres employés de l’agence.
Plusieurs éléments font la particularité de ces révélations. Tout d’abord, il s’agit ici de données personnelles et non de métadonnées comme on en avait l’habitude. Le cas est donc à rapprocher de l’aspiration en moyenne de 500 000 carnets d’adresses par jour. Des données hautement personnelles donc et capables, une fois liées à d’autres, d’offrir aux analystes de la NSA un tableau assez complet des activités sociales d’une personne.
Autorisé par Barack Obama en 2009...
D’autre part, le programme est actif depuis 2009 et a été consacré par l’apposition d’un Executive Order 12333, autrement dit le sceau présidentiel autorisant les activités de surveillance en dehors du territoire américain. Une opération débutée sous Barack Obama et validée par le président. Or, lors de l’annonce de sa réforme, Obama avait pointé les captures massives d’informations comme devant être mieux encadrées. Mais il s’agit ici de la plus massive des aspirations de données puisque ce n’est plus une « partie » ou une « majorité » des appels qui sont enregistrés, mais bien la totalité.
Une méthode aveugle qui fait d’ailleurs resurgir un problème récurrent et pour lequel la NSA et la direction de la surveillance ont dû s’expliquer à plusieurs reprises devant les commissions sénatoriales du Congrès : l’aspiration des données des citoyens américains. Dans le cadre de la loi FISA, plus précisément de sa section 702, les États-Unis peuvent collecter des informations si les utilisateurs étrangers entreposent des données sur des serveurs situés physiquement au sein des frontières du pays. Toutefois, le programme MYSTIC sort totalement du cadre fixé par la loi FISA et les données concernées ne sont a priori pas filtrées.
... et potentiellement étendu à d'autres pays depuis
Les révélations sont d’autant plus marquantes que les documents de Snowden indiquent que le programme doit normalement être étendu à plusieurs autres pays, ce qui est d’ailleurs peut-être déjà fait puisque MYSTIC est déjà vieux de plusieurs années. Le premier pays, qui n’est pas nommé, était ciblé par le programme dès 2011 et les documents abordant un élargissement des opérations datent de l’année dernière. Le budget noir du renseignement indiquait ainsi cinq nouveaux pays placés sous surveillance, avec un sixième prévu pour octobre dernier.
Les casseroles engendrées par les révélations successives d’Edward Snowden deviennent d’autant plus difficiles à expliquer et justifier que les réactions officielles arrondissent de moins en moins les angles. Caitlin Hayden, porte-parole pour le National Security Council a ainsi commencé par indiquer qu’elle ne commenterait pas sur « les activités spécifiques de renseignement », préférant aborder de manière beaucoup plus générale les « menaces nouvelles ou émergentes », « souvent cachées au sein du système large et complexe des communications globales modernes, et les États-Unis doivent en conséquence collecter en masse des signaux de renseignements sous certaines circonstances afin d’identifier ces menaces ».
Pour la NSA, ces informations sont tronquées et le peuple américain est en danger
De là à ingérer l’intégralité des communications téléphoniques d’un pays en niant le principe même de présomption d’innocence ? Là n’est pas la question pour la NSA : « Les rapports continus et sélectifs sur des techniques et outils spécifiques utilisés pour les activités légitimes américaines ont été hautement dommageables pour la sécurité nationale des États-Unis et leurs alliés, et font courir des risques à ceux que nous avons juré de protéger ». En clair : les informations sont manipulées, elles remettent en cause les défenses de l’État et mettent en danger le peuple américain.
Et comme si ces nouvelles révélations n’assombrissaient encore pas assez le tableau du renseignement américain, une récente intervention d’Edward Snowden à une conférence a montré que ce n’était pas terminé : « Il y a clairement des révélations supplémentaires à venir » a ainsi indiqué le lanceur d’alerte, qui a par ailleurs précisé que les publications « les plus importantes n'ont pas encore été diffusées ».
